Les sirènes tout en couleurs du défilé Germanier printemps-été 2023
Pour le défilé printemps-été 2023 de son label Germanier, le jeune créateur suisse Kévin Germanier décline les éléments qui ont fait la force de son label – ornementations, artisanat, upcycling et travail de la couleur et de la texture – pour créer des silhouettes fascinantes, s’approchant de créatures fantastiques et aquatiques.
Par Matthieu Jacquet.
Depuis la création de son label en 2018, Kévin Germanier ne cesse d’enrichir son vocabulaire stylistique. Tout en sequins, perles, et autres dégradés de couleurs vives, les looks flamboyants qui ont défini la ligne du créateur suisse posent les jalons d’un monde merveilleux et étincelant, où chaque personne les revêtant deviendrait la vedette du film de sa propre vie. Par leur ordre d’apparition, les 32 silhouettes imaginées par le créateur cette saison racontent une histoire très claire : celle de personnages issus d’un monde urbain et monotone, peu à peu transportés dans les méandres d’un univers aquatique fantastique jusqu’à en devenir les créatures surnaturelles. Car si le créateur s’était affirmé récemment par l’addition de détails et d’ornements, il entame précisément sa collection par le procédé inverse : la soustraction de matière. Coupés dans des cotons lumineux – blanc, gris clair ou rose pâle –, les chemises, shorts, jupes et autres vestes évoquant un vestiaire formel et corporate se voient perforés de toutes parts par des ajours bordés de paillettes, qui dessinent sur l’ensemble une forme de cartographie scintillante.
Au fil du défilé, les ensembles dévoilés par Germanier se font de plus en plus denses et bruyants. Les lames, sequins, perles de différentes formes et tailles, et autres feuilles de plastique iridescentes s’invitent par dizaines, d’abord sur les cravates, les gants longs, casquettes et bobs, puis sur la longueur des robes moulantes, des vestes ouvertes et des jupes crayons, apposant presque toutes les couleurs de l’arc-en-ciel sur des fonds noirs unis ou nude. Alors que les mannequins se succèdent, leur démarche fait sonner et s’entrechoquer ces nombreux détails brodés, jusqu’à en semer sur leur passage, et révèle tout le savoir-faire à l’œuvre dans les créations du label.
L’éden imaginé par Germanier est définitivement sous-marin : drapées dans des fourreaux à paillettes dessinant sur leurs corps des lignes sinueuses, jusqu’à revêtir des assemblages en crochets réalisés avec le créateur brésilien Gustavo Silvestre – qui démontre ici son talent à mêler une grande variété de fils et de mailles pour créer des compositions époustouflantes ne tenant qu’à un fil –, les modèles semblent progressivement se muer en sirènes contemporaines, sublimées par l’upcycling d’éléments divers qui poursuivent l’engagement éco-responsable défendu par le jeune créateur depuis ses débuts. Métaphoriquement, la pollution plastique des eaux en vient grâce au créateur à orner les corps des êtres qui les peuplent, à l’image des récifs de coraux foisonnant de textures et couleurs chatoyantes.
Le talent de Kévin Germanier culmine dans l’ensemble final, immense manteau touffu coiffé d’un large chapeau assortis, uniquement réalisé en plumes d’autruche dans une explosion de couleurs vives et chamarrées – roses, violets, oranges, jaunes, verts ou encore bleu ciel. C’est à la drag-queen La Grande Dame, muse du créateur, qui a récemment porté plusieurs de ses créations dans l’émission Drag Race France, que revient l’honneur d’arborer cette tenue époustouflante, incarnant tout le panache et la force d’émerveillement qui caractérise l’univers de son auteur.