22 juin 2023

Les mannequins pleurent au défilé Louis Gabriel Nouchi printemps-été 2024

Après avoir traversé l’univers sombre et sanguinolent d’American Psycho, Louis Gabriel Nouchi dépeint dans sa collection printemps-été 2024 une masculinité plus vulnérable, incarnée par des mannequins en larmes. Dont les vêtements lumineux renferment, toutefois, l’espoir de lendemains plus heureux.

On avait quitté Louis Gabriel Noguchi en janvier dernier avec une collection sombre inspirée par l’ouvrage et thriller American Psycho. Centrée sur la figure d’un golden boy de Wall Street tueur en série, celle-ci déclinait le vestiaire des cols blancs, fondant peu à peu vers celui d’un assassin sanguinaire et méthodique, équipé de gants et autres tabliers en latex. Cette saison, exit cette figure d’un homme toxique et dangereux, abusant de son privilège pour assouvir ses pulsions meurtrières, ou encore celle du barbu torride présentée il y a un an : au Palais de Tokyo, le créateur parisien continue d’explorer les multiples facettes de la masculinité en y dépeignant le profil d’un homme doté d’une sensibilité à fleur de peau, dont le passé tragique laisse peu à peu place à l’ouverture d’un nouveau chapitre de sa vie.

 

Une collection Louis Gabriel Nouchi inspirée par le roman A Single Man

 

Une fois de plus, la collection Louis Gabriel Nouchi prend racine dans la littérature. Chef-d’œuvre du romancier Christopher Isherwood publié en 1964, A Single Man raconte l’histoire de George, un universitaire homosexuel à Los Angeles, démuni après la disparition de son amant dans un accident de voiture et en quête d’une nouvelle raison de vivre, qui nécessiterait de faire table rase pour outrepasser ce traumatisme. Ici, l’ombre du deuil apparaît sans jamais assombrir la collection, dont le noir est quasiment absent. Les blazers aux épaules exagérément accentuées par des épaulettes, l’imprimé délavé, les débardeurs torsadés dans le dos et bien sûr les cuirs – sans doute l’un des grands points forts de cette nouvelle collection –, froissés au point de donner aux hauts l’effet craquelé d’une feuille de papier, évoquent aux yeux du créateur l’équilibre fragilisé du personnage de George, dont les costumes, chemises et cravates inspirés par le tailoring des années 60 rappellent la position au sein de l’intelligentsia californienne.

 

Des mannequins en larmes dans un défilé lumineux et empli d’espoir

 

Tel que l’annonçait déjà sa dernière collection, Louis Gabriel Nouchi ajoute comme corde à son arc le développement du tailoring, à travers ces pièces plus structurées qui rigidifient indéniablement la silhouette type qu’on lui connaissait. Mais le talent du designer s’illustre toujours dans la composition d’ensembles fluides plus sensuels, tels ces manteaux satinés, dont le tombé soyeux et brillant évoque celui d’une robe de chambre élégante que l’on pourrait désormais revêtir pour sortir. Depuis ses débuts en 2017, le créateur parisien joue justement avec cette ambiguïté entre le vêtement d’intérieur et d’extérieur en orchestrant des rencontres contrastées voire insolites, à l’instar de ce large hoodie gris clair porté sur une chemise cravate ou ce legging assorti à une large veste rappelant le goût du trentenaire, célèbre pour ses slips fendus, pour l’athleisure et les sous-vêtements. Oscillant entre les tons chocolat et vert anis, jusqu’à culminer dans des blancs et argenté éclatants, la collection Louis Gabriel Nouchi incarne le bourgeonnement d’une nature sous la douce lumière de l’aube, explicité par les fleurs intégrées dans les fragments de carrosserie portés comme des accessoires. Si les yeux des mannequins sont ici mouillés de larmes, le défilé se veut plus optimiste que la fin du roman qui l’inspire. Manière de rappeler que la vie renaît toujours dans les ruines, et pourrait même augurer l’arrivée d’un printemps plus heureux.