Le défilé Dior croisière 2021 en Italie
Pour sa collection croisière 2021, Maria Grazia Chiuri, directrice des collections femme de la maison Dior, a choisi de rendre hommage à sa région d’origine. Cap sur Lecce, dans la région des Pouilles en Italie, pour un défilé qui réinvente la tradition.
Par Séraphine Bittard.
Nous voilà plongés dans l’obscurité, de laquelle se détachent les corps solennels de danseurs, en robe noir et chemise blanche. C’est au coeur de la Piazza del Duomo, cathédrale de la ville de Lecce, à huis-clos, que le roulement de tambour commence. Un geste, suivi d’une deuxième, et c’est un spectacle cathartique de la chorégraphe israélienne Sharon Eyal qui donne le départ à une célébration grandiose. Empli de symbole, le rituel qui durera tout au long du défilé est inspirée par la Pizzica, une danse libératrice ancestrale de la région. Un air hypnotisant, entonné en piano-voix par Giuliano Sangiorgi — du groupe de rock italien negramaro — dialogue avec les percussions entêtantes du compositeur et chef d'orchestre Paolo Buonvino.
C’est alors que tout s’illumine pour révéler une grandiose installation, entre église orthodoxe et manège Art Nouveau, que l’on doit à Marinella Senatore. Cette artiste engagée, notamment pour les causes Pussy Riot et Black Lives Matter, a imaginé aux côtés de la maison Fratelli Parisi une scénographie composée de Luminarie, des architectures lumineuses typiques des festivités de la région. « On peut souvent créer des révolutions sans les avoir cherchées », c’est l’une des phrases qui se nichent dans ce décor mêlant profane, religieux et art contemporain militant.
Fruit d’un travail collectif cher à Maria Grazia Chirui, la collection tire ses détails de la région, tout en sublimant l’héritage de la maison française. Sur les habituelles robes vaporeuses en tulle sont appliquées des fleurs crées par Marilena Sparasci, invitée par la maison pour son savoir-faire exceptionnel, le Tombolo, ou dentelle au fuseau. Le délicat motif créé par cette technique est repris tout au long de la collection, en imprimés, jacquards ou ornements brodés. Un autre motif, celui-là créé par l’artiste et céramiste Pietro Ruffo et évoquant un champ constellé d’épis de blé — clin d’oeil à une obsession de Christian Dior — se décline sur de longues robes en coton léger, des chemises et des shorts. Autre hommage à l’histoire de la maison française, le tailleur bar est une nouvelle fois revisité, dans un tissu de la Fondation Le Constantine, institution qui enseigne l’artisanat textile traditionnel dans la région des Pouilles. La devise de ce lieu "Amando e Cantando", "en Aimant et en Chantant" en français, est tissée au dos des jupes amples, invitant à la liberté et au dépassement de soi.
Transparence, mouvement, et couleurs chaudes font de cette collection un jardin fantastique, à l’image de la dernière présentation Dior haute couture. Pourtant, elle est aussi imprégnée d’une certaine austérité, avec ses silhouettes corsetées de cuir, ses chemises boutonnées jusqu’au cou, et ses cheveux voilés. Une thématique religieuse certes en accord parfait avec son lieu choisi, mais qui entre en contradiction avec le discours mis en place. Deuil ou rite de passage, recueillement ou messe noire ? Des champs de blé au sombre carcan, de la sage enfant de choeur à la Pythie enchanteresse, la collection joue finalement sur une féminité double, célébrée en pleine lumière.