La collection sensible à la poésie Etro homme printemps-été 2023
Pour son dernier défilé, Kean Etro présente une collection printemps-été 2023 qui exalte une poésie sauvage et primordiale, où se mêle délicatement les multiples références culturelles qui font la richesse du créateur et du style bohème de la maison.
Par Elliot Mawas.
“Le progrès n’est que l’accomplissement des utopies”. Cette phrase d’Oscar Wilde, Kean Etro l’a prise au maitre mot dans la collection homme printemps-été 2023, bien nommée “The wild power of poetry”. Pour son dernier défilé, avant de passer la main à Marco De Vincenzo, qui prendra la direction de la maison à partir de septembre, le créateur rend hommage au pouvoir des utopies, des rêves et des mots qui se traduisent dans des lignes épurées et sensibles : “La poésie et l’utopie vont de pair”, a-t-il déclaré dans les coulisses avant le spectacle. “Cette collection, célèbre la poésie comme une utopie devenue réalité et un moyen de façonner le chaos intérieur”. Les 54 silhouettes superposent de multiples références qui dénotent avec brio de cette curiosité culturelle qui a fait son succès au long de sa carrière, comme lorsqu’il rendait hommage au musicien italien Franco Battiato ou au danseur classique et chorégraphe russe Rudolf Noureïev. Cette saison, en lieu et place des traditionnels cartons d’invitations, les invités ont chacun reçu un coup de téléphone. À l’autre bout ? Un acteur leur récitant un poème dédié.
Un geste d’une sensibilité exquise qui signe l’ambiance du défilé dont le rythme suit celui d’une journée : il s’ouvre dans la délicatesse blanche et neutre du matin, brûle dans la lumière du zénith, scintille dans une nuit étoilée parcourue de fils métalliques. Kean Etro compose ses ensembles comme des vers : il élague et dépouille pour montrer toute la puissance des lignes. Sur des formes essentielles et archétypales : kimonos, kaftans, vestes enveloppantes, à l’instar de ce que pourrait être un haïku de tissus, une pléthore d’image florale et de motifs éparses se déploie, dont le chiffre 432 Hertz – la “fréquence de la beauté” selon le créateur. Teintée d’un doux érotisme, la collection joue avec la superposition et la transparence des matières : le corps masculin se laisse deviner à travers de la broderie anglaise tandis que les doux volumes de la soie et du satin accompagnent le mouvement. Une douceur qui règne de la tête aux pieds, puisque les chaussures à semelles de corde et les sandales – quand elles ne sont pas abandonnées pour retrouver un contact avec la terre – scellent l’idée de légèreté. Kean Etro signe ici une dernière collection à la beauté bohème avérée – et aérée, une utopie et une poésie qu’il cultive, comme un dernier geste avant de passer le relais à Marco De Vincenzo avec qui il faisait sa révérence à la fin du défilé.