Au défilé Alaïa, Pieter Mulier explore la notion de fétichisme dans la mode
Dimanche 2 juillet 2023, veille de la Fashion Week haute couture , Pieter Mulier présentait son défilé Alaïa hiver-printemps 2024 sur la passerelle Léopold-Sédar-Senghor. Un moment hors du temps pour une collection qui explore la notion de fétichisme dans la mode alors que le soleil couchant illumine Paris.
par Léa Zetlaoui.
Au défilé Alaïa, Pieter Mulier explore le fétichisme dans la mode
En 2013, Lidewij Edelkoort publiait son livre manifeste “Fetichism in fashion” au sein duquel elle analyse en treize thématiques la notion de fétichisme – le culte des fétiches ou une admiration exagérée et sans réserve selon la définition du Robert – dans la mode. Dans ce riche ouvrage, elle explique : “Les conceptions érotiques copuleront par la présente avec un humble artisanat chamanique pour orienter le style vers l’avenir. Un moment hybride parfait où les deux moitiés du cerveau se rencontrent et communiquent, élisant un troisième mouvement vers l’avant. Érotiques et ésotériques, ces nouvelles créations mêleront le naturel et l’artificiel dans un univers cocréé où le sexe et l’esprit fusionnent en quelque sorte.”
Dix ans plus tard, le défilé Alaïa hiver-printemps 2024 dévoilé ce dimanche 2 juillet 2023 sur la passerelle Léopold-Sédar-Senghor, incarne à merveille la vision avant-gardiste de la prévisionniste de tendances néerlandaise. Ainsi cette collection répond à la suite du propos de Lidewij Edelkoort : « Comme emmener une dominatrice aux îles Galapagos et la coupler avec des tortues géantes. Notre époque actuelle se situe ici, forçant une génération hautement créative à découvrir une forme plus sauvage avec des ornements organiques et des détails restrictifs, mais contenant également une composante spirituelle élevée. Le malaise social et économique croissant est canalisé par cette prise de conscience mentale croissante. Utiliser le fétichisme pour endurer la vie et simplement exister.”
Chez Alaïa, Pieter Mulier une mode intemporelle et sensuelle
Directeur artistique de la maison Alaïa depuis 2021, Pieter Mulier trace sa route en dehors des sentiers battus. Et au fur et à mesure des saisons, transparaît derrière un tempérament discret une audace tout en humilité et révérence. Longtemps dans l’ombre du minimaliste Raf Simons – on remercie la maison de lui avoir donné l’occasion de s’épanouir – le créateur belge se révèle finalement dans un style beaucoup plus sensuel, pour ne pas dire sexy, qui s’impose avec force dans la mode d’aujourd’hui.
Le style Alaïa de Pieter Mulier c’est le cuir et le latex, le moulant et le transparent, conjugués à des coupes strictes et précises, associés à des mailles raffinées et sophistiquées. « Pas fétiche – ce n’est pas un bon mot – mais ce sont des obsessions personnelles que je voulais faire d’une manière que les autres ne voulaient pas. Utiliser du latex, utiliser le cuir autrement. Créer une silhouette très féminine, mais pourtant assez différente de ce que vous voyez aujourd’hui,” explique Pieter Mulier à Vogue Runway.
“Différente”, au sens où, au-delà de proposer une mode ouvertement sexualisée, Pieter Mulier imagine des créations qui célèbrent la notion de temps. Non seulement, le temps passé à les fabriquer, mais également leurs origines et leurs évolutions au fil du temps. Comme conclut le communiqué de presse : “Sur un pont — qui semble lier les origines de la maison Alaïa et son présent — les silhouettes traversent en un éternel mouvement. Leur marche s’associe au tic-tac éternel de la grande horloge humaine. Le son du temps, qui est aussi le rythme de la vie.”