31 jan 2020

3 créateurs repérés à la Fashion Week homme automne-hiver 2020-2021

Boramy Viguier, Botter, Who Decides War : tous défilaient pour la première fois à Paris lors de la Fashion Week homme automne-hiver 2020-2021. Découvrez ces trois créateurs à suivre.

1. Boramy Viguier : quand l'éstorisme rencontre la science-fiction

 

Si l’ésotérisme et l’astrologie se sont invités sur de nombreuses collections lors de la Fashion Week homme automne-hiver 2020-2021, voilà déjà quelques saisons que ces inspirations se retrouvent dans l’imagerie de Boramy Viguier. Doublé de références clairement empruntées à la science-fiction, son univers dénote dans la mode masculine parisienne. Étonnant parcours que celui de ce trentenaire originaire de Gennevilliers : des premières études avortées, un passage à la galerie Perrotin (pour l’expo Murakami à versailles), un cursus à la Central Saint Martin School également écourté et finalement plusieurs années chez Lanvin – à l’homme – aux côtés du discret et talentueux Lucas Ossendrijver. En 2017, il quitte le studio de la maison française pour lancer son label éponyme. Du prêt-à-porter pour homme où l’on retrouve de nombreux détails fonctionnels inspirés de la mode utilitaire : silhouettes cagoulées, parkas à poches et capuches, hoodies et liens de serrage, beaucoup de nylon et de superpositions. À la direction artistique des campagnes, le duo créatif Adult Adult – qui collabore notamment avec Y/Project – développe pour Boramy Viguier des images teintées de surréalisme parfois inquiétantes et souvent chargées de mysticisme. Alejandro Jodorowksy et son tarot de Marseille comptent parmi les inspirations de la campagne printemps-été 2020 .

 

Le 16 janvier 2020, au sein du Palais Brongniart place de la Bourse à Paris, Boramy Viguier présentait son premier défilé et sa cinquième collection inspirée des films Wall Street ou The Big Short. Dans le bâtiment au style néoclassique, deux gros panneaux d’affichages – en référence au lieu du défilé – où apparaissent des valeurs d’actions, des signes chinois, des noms de marchés boursiers, des symboles ésotériques et le logo du label dans un ballet inquiétant aux allures de krach. Les premières silhouettes à la sévérité martiale (costume sobre, chemise, cravate et sac-ceintures) sont impactantes avec leur tailoring débarrassé de tout glamour. La suite de la collection évoque davantage les premières collections, tant dans les coupes que dans les couleurs. On retrouve le rouge, le violet, le vert et le bleu qui confèrent à l’ensemble la touche ésotérique propre à son identité, quelques bijoux baroques voire gothiques et toujours plus d’accessoires où s’entremêlent utilitaire et fonctionnel, à l’instar des sacs en bandoulières ou des gilets pare-balle. Par ailleurs, Boramy Viguier présente quelques pièces peintes à la main destinées à une production raisonnée. Un premier défilé qui retranscrit à merveille l'ambiance inquiétante, presque dystopique, du jeune label.

2. Upcycling, couleurs et engagement avec Botter

 

Finaliste du prix LVMH, grand lauréat du festival d’Hyères et des Belgian Fashion Awards, tout cela en 2018, le duo Botter a rapidement gagné la reconnaissance du milieu de la mode depuis sa création il y a trois ans. C’est à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers que son fondateur Rushemy Botter, né sur l’île de Curaçao aux Caraïbes, rencontre Lisi Herrebrugh qui deviendra sa partenaire. Ensemble, les deux néerlandais imaginent des pièces de prêt-à-porter homme qui allient le concept et la technique. Jouant volontiers sur la déconstruction et la superposition, mais aussi la réinterprétation de logos et des textes teintés d'humour, leurs collections témoignent à la fois d’un tailoring affûté et d’une maîtrise du flou avec notamment des réinteprétations audacieuses du costume masculin.

 

Au-delà des formes, Rushemy Botter et Lisi Herrebrugh n’ont pas peur d’aborder de front dans leur travail des problématiques contemporaines telles que la pollution plastique, l’immigration ou le racisme. Le créateur rend d’ailleurs régulièrement hommage à ses racines caribéennes par des associations de couleurs vives et des références explicites à l’océan ou à la pêche, tandis que les matériaux qu’ils choisissent ensemble font la part belle à l’upcycling. Dans la dernière collection de Botter, on pouvait découvrir des chemises recouvertes de scotch bleu, des résilles en plastique agrémentées de perles, ou casquettes et vestes de costume couvertes d’étiquettes en plastique. L’approche décalée du duo ainsi que son goût pour l’expérimentation, qui n'est pas sans rappeler celui de son mentor Walter Van Beirendonck, lui a d’ailleurs valu d’être nommé à la direction artistique de la maison Nina Ricci il y a deux ans

3. Who Decides War, le nouveau streetwear du protégé de Virgil Abloh

 

Si le nom du label Who Decides War sonne encore peu familier, son créateur Everard Best a déjà fait ses marques dans le monde de la mode depuis plusieurs années. Proche de Virgil Abloh, pour qui il a notamment créé les broderies de la collection Off White printemps-été 2019, mais également de l’artiste et designer Heron Preston, cet Américain originaire de Long Island s’est d’abord fait connaître à travers son label Ev Bravado. En 2019, il décide de relancer ce projet en le rebaptisant “Who Decides War”, un nom qui synthétise en trois mots les questionnements qui le motivent : comment imaginer des vêtements dans un monde globalisé, traversé par des conflits latents et de nombreux jeux de pouvoir ? Un brin post-apocalyptiques, ses pièces mêlent volontiers des influences médiévales à des influences militaires pour composer un vestiaire streetwear hybride, ponctué également de références à la religion et au satanisme. Pour preuve, le nombre 666 encerclé d’un panneau d’interdiction devient d’ailleurs l’un des logos du label.

 

Suite à un premier défilé en juin dernier où l’on apercevait Virgil Abloh dans le public, Who Decides War présentait à Paris sa collection automne-hiver 2020-2021 baptisée “Notes on Sacrifice”, qui installait ses protagonistes dans une sorte de purgatoire pourvu de sculptures en aluminium et un parterre recouvert d’une nappe de fumée blanche. Si Everard Best y montre une approche de la coupe originale, avec des vestes et blousons rembourrés enrichis de plusieurs volumes superposés et de sangles pendantes ainsi que des jeux d’asymétrie, ses matériaux sont eux aussi très travaillés pour être dotés d’un aspect unique. Le denim devient en effet l’un de ses points forts, avec l’association de différents empiècements, des effets déchirés et bords francs ou encore l’impression de peintures bibliques en noir et blanc sur des jeans. Aux pieds des mannequins, des froufrous en dentelles flottent discrètement sur les baskets, signant une approche du streetwear aussi poétique que subversive.