23 juil 2020

Fashion Week : the 8 unmissable videos of the first fully digitalised season

Le 17 juillet dernier, la Fashion Week milanaise touchait à sa fin, après deux semaines de présentation des collections haute couture et prêt-à-porter homme. Outre ses dates inhabituelles, cette nouvelle saison a apporté une particularité tout à fait inédite due à la crise sanitaire : des présentations intégralement digitales, dévoilées par les labels et les maisons sur des sites dédiés, qui ont amené un certain nombre de vidéos étonnantes. Retour sur huit vidéos des collections homme qui ont marqué cette édition historique. 

La nouvelle est tombée le 21 avril. Ce jour-là, le British Fashion Council annonçait officiellement la tenue de la première Fashion Week intégralement digitale au mois de juin, en raison de la crise sanitaire. Quelques jours plus tard, c’était au tour de Milan puis enfin de Paris de révéler que les défilés de leurs prochaines saisons se tiendraient également intégralement en ligne. Si les défilés numériques sont loin d'être une première, c'est toutefois la première fois qu'une saison entière se prive d'événements physiques ouverts au public. Aussi, le public a pu découvrir il y a deux semaines les collections haute couture exclusivement sur Internet pour la première fois, puis les nouvelles pièces des collections de prêt-à-porter homme. À travers leurs campagnes photos, films mais aussi expériences digitales inédites, les créateurs et les maisons ont cherché à créer l’événement malgré le contexte particulier : certains, comme Dior, ont invité des réalisateurs de renom à filmer un court-métrage, d’autres, comme Iris Van Herpen, ont vêtu une célèbre actrice d’une pièce unique créée pour l’occasion ou ont créé, comme Louis Vuitton, des personnages de cartoon pour raconter un récit amusant. Parmi les propositions, plusieurs jeunes créateurs mais également maisons très établies ont tiré leur épingle du jeu, offrant l’occasion de revenir sur les propositions les plus mémorables de cette première saison intégralement digitale.

 

 

1. Études : quand le défilé déambule dans les rues de Paris

Depuis la création de leur label Études Studio en 2012, Jérémy Egry, Aurélien Arbet et José Lamali ont fait de Paris leur ville fétiche. Celle qui accueille à la fois leur atelier, leurs bureaux et leur boutique au cœur du Marais, mais également leurs défilés chaque saison, a donc tout naturellement constitué le décor de leur dernière présentation vidéo immersive. En plusieurs chapitres, tous réalisés en plan séquence, les spectateurs sont invités à suivre ces modèles à travers l’objectif du caméraman et ainsi découvrir la vie du vingtième arrondissement parisien, qu’affectionne tout particulièrement le triumvirat à la direction artistique du collectif. L’itinéraire des mannequins nous emmène dans des rues presque vides, nous fait découvrir des allées cachées jusqu’à terminer sur la ligne de Petite Ceinture, ancienne voie ferrée faisant le tour de Paris. Par moments, des amis du label font également quelques caméos, à l’instar du rappeur Orelsan, le footballeur Tiémoué Bakayoko ou encore le musicien Skread. “Cela faisait déjà plusieurs saisons que nous souhaitions avoir une autre approche de présenter nos collections”, confiait à Numéro le collectif, qui a vu dans cette Fashion Week digitale l’opportunité d’explorer de nouveaux supports. Pour preuve, Études a également fait appel au photographe américain Roe Ethridge pour immortaliser les pièces, qui rencontrent ses propres clichés dans des mises en scène étonnantes.

 

 

2. Prada : quand cinq célèbres photographes posent leur regard sur la collection

Une collection, cinq points de vue : tel est l’angle choisi par la maison Prada pour cette saison inédite. Car si cette saison se trouve privée de défilé, elle offre cependant l’occasion de multiplier les approches visuelles. Aussi, Miuccia Prada a fait appel à cinq célèbres photographes habitués à capturer les vêtements, qui proposent chacun une série de clichés et un film publié sur Youtube où les pièces s’incarnent devant leur caméra. Là où Willy Vanderperre, collaborateur fidèle de la maison, suit les modèles déambulant devant un fond blanc immaculé, l’artiste américaine Martine Syms les invite à marcher devant les fauteuils vert bouteille d’une salle de cinéma et la photographe polonaise Joanna Piotrowska les met en scène entre des rideaux de velours noir, en train de poser et de jouer avec le décor. Enfin, l’Allemand Juergen Teller choisit le décor froid et industriel d’une salle des machines, illuminé par la brillance de ses tuyaux et bonbonnes argentés, tandis que le réalisateur Terence Nance filme les modèles à l’intérieur et l’extérieur d’un bâtiment vitré, balayé par les lumières colorées du crépuscule. Une présentation originale pour cette nouvelle collection, dernière avant les débuts officiels de Raf Simons en tant que co-directeur créatif de la maison.

 

 

3. Botter : quand le label crée une cabine d'essayage digitale

Remarqué au Festival d’Hyères il y a deux ans, lors de leur arrivée à la direction artistique de Nina Ricci la même année et lors de leur premier défilé à la Fashion Week de Paris en janvier dernier, le duo formé par Rushemy Botter et Lisi Herrebrugh a dès ses débuts affirmé les fondements de son identité : durabilité, upcycling et engagement. En réponse aux problématiques saillantes de l’an 2020, leur label Botter a opté pour une collection hors saison et des pièces durables, produites en petite quantité. Mais comment en faire un événement mémorable sur un support 100% digital ? Pour ce faire, les créateurs ont choisi de se replonger dans leur premier contact avec le numérique : les jeux vidéos. Aussi, sur un site dédié, Botter invite à habiller un personnage virtuel avec les pièces de sa collection inédite : en faisant défiler les hauts à droite et les bas à gauche, le visiteur peut composer la silhouette qui lui plaît et assortir selon ses goûts. “Nous apprécions tout particulièrement le moment où, avant de commencer la partie, le joueur choisit la tenue de son personnage. On peut être qui on veut être et c’est là toute la beauté de ce que l’on fait”, expliquent les deux créateurs du label à Numéro. Une expérience interactive qui permet de s’adresser au monde entier car, comme le soulignent Rushemy Botter et Lisi Herrbrugh, “tout le monde était au premier rang cette saison”.

 

 

4. Dior : quand le créateur Kim Jones rencontre l'artiste Amoako Boafo

Lorsque Kim Jones a découvert le travail d’Amoako Boafo, ce fut un véritable coup de foudre. Dans sa série de portraits “Black Diaspora”, l’artiste ghanéen pose en effet un nouveau regard sur les corps et identités noirs qu’il retranscrit sur son support en peignant avec ses doigts, une technique qui donne à ses toiles toute leur texture et leurs reliefs, tandis que ses peaux denses et profondes rencontrent la finesse de ses traits au crayon et ses fonds unis. C’est précisément cette découverte artistique qui se trouve au cœur de la nouvelle collection du créateur britannique pour la maison Dior, Kim Jones, dont il imagine les lignes masculines depuis maintenant deux ans. Référence majeure des pièces, qui reprennent même parfois directement ses portraits, les toiles d'Amoako Boafo inspirent aussi bien les couleurs douces que l'équilibre des silhouettes jusqu’à la posture élégamment contemporaine des modèles qui les portent. Afin de traduire au mieux cette rencontre fructueuse, Dior choisit la vidéo : le spectateur est alors plongé dans le processus pictural de l’artiste, qui le détaille face caméra, tandis que Kim Jones raconte l’histoire de leur collaboration. À la fin du film, les toiles et les silhouettes se superposent, se croisent et s’entrechoquent, comme pour concrétiser cette véritable fusion créative.

 

 

5. Sankuanz : quand l'artiste Zhang Ding crée un décor intégralement en 3D

https://youtu.be/2MwPiNMesYQ

Que cela passe par la sculpture, la vidéo, la photographie, l’installation interactive ou encore le son, le Chinois Zhang Ding ne cesse de bousculer à travers sa pratique artistique le champ de la perception et l’expérience du spectateur, tout en insufflant dans ses œuvres des réflexions sur la société et les problématiques ethniques et politiques de son propre pays. C’est vers cet artiste pluridisciplinaire que s’est tourné le créateur Shangguan Zhe afin de réaliser la vidéo présentant la nouvelle collection de son label Sankuanz. Et si ce nouveau projet est certes moins engagé que les œuvres habituelles de Zhang Ding, il témoigne toutefois une fois de plus de son radicalisme esthétique : dans un espace intégralement virtuel défini par des quadrillages vert fluo sur fond noir, un homme et une femme marchent avec une allure désincarnée. Parfois, ceux-ci se décuplent alors que le décor s’agrémente d’un avion noir, d’un parterre de champignons blancs géants ou encore d’une mini planète tournant sur elle-même. Psychédélique et magnétique, la vidéo permet d’apprécier la collection printemps-été 2021 du label sous un jour particulièrement novateur puisque purement virtuel. Une alternative solide à l’expérience physique du défilé manifestée ici par l’émergence d’un monde parallèle où la réalité, comme le déclare Zhang Ding, “se désintègre en êtres phosphorescents”.

 

 

6. GmbH : quand la collection prend vie dans les nuits berlinoises

Là où Études choisissait les rues de Paris pour faire défiler ses modèles, c’est pour la ville de Berlin que GmbH a opté afin de réaliser l’une de ses deux vidéos. Nullement surprenant pour le label basé à Berlin depuis sa création, qui souhaite à travers ce film réalisé par Francisco Sendino célébrer aussi bien son architecture que sa population. Vêtus d’une première série de pièces issues de la collection printemps-été 2021, les protagonistes apparaissent en pleine introspection, bercés par la lumière du soleil couchant. L’un danse avec sensualité et dans les rues au sommet d’un immeuble, l’autre étend des vêtements dans une réserve de pneus, des amis s‘enlacent, un père et son fils s’embrassent… tous composent un portrait poétique et crépusculaire de la capitale allemande et de sa diversité. Dans un deuxième temps, GmbH a choisi de publier une seconde vidéo réalisée par l’artiste Lars Laumann avec l’architecte Eddie Esmail, qui avait en 2010 décidé d’organiser un défilé dans la ville de Khartoum au Soudan. Afin de rythmer cet événement audacieux où les mannequins se succèdent sur un long tapis, les propos du jeune homme commentent la présentation puis un poème de l’écrivaine norvégienne Gunvor Hofmo récité se fait entendre.

 

 

7. Gucci : quand la maison invite à passer 12 heures à ses côtés

Si les défilés sont tant attendus, c’est probablement parce qu’ils donnent pendant quelques minutes aux invités le sentiment d’un plongeon multisensoriel dans l’univers du label ou du créateur. Entre le décor, la musique, les lumières, l’expérience esthétique peut s'avérer intense et donner à la collection tout son sens. Pour recréer ce sentiment d’immédiateté, Gucci a choisi un format bien prisé depuis ces derniers mois : le livestream. Ainsi, pendant 12 heures, les spectateurs sont conviés à passer une journée avec la maison italienne durant la préparation de son lookbook. Des pièces d’un somptueux palais aménagé pour l’occasion à son jardin, en passant par les salles d’habillage et les écrans des photographes et retoucheurs travaillant sur les images, nous voilà en plein dans les coulisses d’un shooting de la nouvelle collection, incarnée par les membres du studio de création. Intitulée “Epilogue”, celle-ci sera d’ailleurs la dernière de Gucci à respecter le calendrier officiel des saisons, son directeur artistique Alessandro Michele ayant annoncé récemment s’en émanciper.

 

 

8. Boramy Viguier : quand les mannequins deviennent les soldats d'une armée futuriste

“J'aime bien les défilés, mais ceux qui ne sont pas juste des showrooms ou un défilé de cintre. Ceux où l’on vit vraiment une expérience d'immersion dans un univers”, confiait Boramy Viguier à Numéro. Et pour ce jeune créateur français qui venait juste de présenter son tout premier défilé à Paris, la Fashion Week digitale a indéniablement apporté de nouveaux défis, qu’il a relevsé avec brio en composant un univers parfaitement taillé pour accueillir ses créations inédites. Dans un décor médiéval en 3D semblant tout droit venir d’un jeu vidéo, une armée de mannequins masqués apparaît dans une parade militaire étonnante, tels des chevaliers défendant une patrie imaginaire. Suite à cela, chacune des silhouettes de la collection est présentée tournant sur elle-même dans une mise en scène très similaire à l’écran de choix des personnages d’un jeu virtuel, pendant que toutes les pièces sont décrites par écrit et langage des signes à la manière d'un inventaire technique. Si ce projet inédit a demandé un travail colossal et une grande organisation au créateur, sa collection lui a aussi apporté beaucoup de satisfaction. “C'est parce que le monde va devenir encore plus digital qu'il ne l'était que le challenge du designer est de soumettre un style plus artisanal, plus local, moins universel, moins global, moins pop, plus mystique dans un sens, plus agressif”, explique-t-il. Un présage pertinent qui esquisse déjà ce à quoi ressemblera sûrement la mode de demain.