Découvrez les secrets de La Galerie Dior, le premier musée dédié à la maison
Le mythique 30, avenue Montaigne, berceau de la maison Dior, rouvre ses portes après deux années de travaux pharaoniques. Flagship monumental, ce temple spectaculaire invite à un voyage onirique dans l’univers de la maison avec ses jardins, son restaurant, ses salons… et une exceptionnelle Galerie Dior sublimant son patrimoine, son histoire et son savoir-faire.
Par Thibaut Wychowanok.
La mythique adresse du 30, avenue Montaigne, où sont nées pendant soixante-dix ans les collections de la maison Dior, rouvre ses portes avec maestria ce printemps. Se déployant désormais sur près de 10 000 m2, l’écrin met à l’honneur l’ensemble des nouvelles collections, de la haute couture à la haute joaillerie en passant par les lignes homme et femme. Au-delà de la mode, c’est tout l’art de vivre érigé par l’institution parisienne qui se voit célébré dans ce temple, la beauté, mais aussi la gastronomie – avec un restaurant mené par Jean Imbert – et, bien sûr, l’histoire de la maison. Celle-ci s’incarne magistralement dans La Galerie Dior. Dans ce lieu d’exposition inédit, dont les impressionnantes scénographies ont été imaginées par Nathalie Crinière, se déploie toute la richesse d’un patrimoine enrichi au fil des années.
À travers la multitude de looks d’archives et contemporains qui y sont réunis s’illustre l’immense savoir-faire des ateliers tout autant que la créativité du fondateur et de ses six successeurs : Yves Saint Laurent, Marc Bohan, Gianfranco Ferré, John Galliano, Raf Simons et Maria Grazia Chiuri. Treize thématiques exaltent ainsi la mémoire des lieux, gardant l’empreinte de tant d’instants uniques et d’émotions : de la vie de Christian Dior à la passion qu’il avait pour les jardins, les bals ou l’art, du rôle éminemment précieux des ateliers à l’épopée de la haute couture, de la beauté et des parfums.
“Les couturiers incarnent un des derniers refuges du merveilleux, ils sont en quelque sorte des maîtres à rêver…”. C’est par ces poétiques paroles de Christian Dior que La Galerie Dior nous invite à un voyage fantasmagorique au sein de ses collections. Une ambition pleinement accomplie. Dès la création de la maison, en 1946, le prometteur couturier succombe aux charmes du 30, avenue Montaigne, préféré à la place Vendôme qu’il juge démodée. Cette conviction personnelle, mais aussi l’amour qu’il a pour l’hôtel particulier construit en 1865 par le comte Walewski – fils naturel de Napoléon Ier – finissent donc par l’emporter. Le 16 décembre 1946, vers 9 heures du matin, le couturier prend ainsi possession des lieux. Au fil des mois, il y installe progressivement sa “ruche” : un studio minuscule, puis un salon de présentation, une cabine, un bureau de direction et six petits salons d’essayage. Sublimés aujourd’hui en véritable “refuge du merveilleux”, les lieux proposent une multitude d’expériences esthétiques et sensorielles. Parmi les plus saisissantes, la grandiose salle Le Bal Dior évoque l’inoubliable mise en scène en forme de panthéon qui accompagnait l’exposition Christian Dior, couturier du rêve, présentée au musée des Arts décoratifs en 2018. Un voyage époustouflant de beauté à travers des robes de bal, dont les constructions et les détails remarquables se voient magnifiés par des jeux de lumière féeriques.
“Je dessinais des femmes-fleurs, épaules douces, bustes épanouis, tailles fines comme lianes et jupes larges comme corolles” Christian Dior
Absolument fasciné par la magie du déguisement et par les fêtes enchanteresses, Christian Dior s’autorise toutes les audaces et dessine en effet pour ces instants suspendus des silhouettes éblouissantes. L’un de ses chefs-d’œuvre, la robe Junon, est imaginée pour la haute couture automne-hiver 1949-1950. Elle n’évoque rien de moins que le plumage d’un paon – majestueux animal attribut de la déesse de la Fécondité – et suscite l’admiration par sa magnificence avec ses pétales bleu-vert brodés. Dans sa première collection de haute couture pour la maison, Maria Grazia Chiuri rendait d’ailleurs hommage à cette passion qu’avait le fondateur pour les fêtes fastueuses lors d’un somptueux bal donné dans les jardins du musée Rodin. Sa robe New Junon, était cette fois-ci ornée de pétales aériens aux tons pastel.
Autre point d’orgue du 30, avenue Montaigne, la Chambre aux Merveilles est, pour sa part, pensée comme un cabinet de curiosités. Dans cet espace, il s’agit cette fois d’évoquer le rêve que poursuivait Christian Dior d’“habiller une femme ‘Christian Dior’ de la tête aux pieds”. Ici trônent, tels des trophées, d’autres pépites de la prestigieuse maison : accessoires raffinés, souliers créés en collaboration avec Roger Vivier, bijoux imaginés par Roger Scemama, Gripoix ou encore Roger Jean-Pierre, mais aussi les impressionnants chapeaux signés, depuis 1996, par Stephen Jones, les sacs iconiques, sans oublier l’univers du parfum et du maquillage. Plus loin, la salle des Jardins Enchantés, magnifique balade nocturne, cultive une tout autre forme de magie. Ici, c’est le thème du jardin et l’esthétique florale si chère à Christian Dior qui se voient célébrés par ses successeurs. “Je dessinais des femmes-fleurs, épaules douces, bustes épanouis, tailles fines comme lianes et jupes larges comme corolles”, écrivait le visionnaire fondateur de la maison. Revisitant cette inspiration, Yves Saint Laurent imaginera ainsi la robe Nuit de Grenade et sa flamboyante flore de pavots, de pivoines et de tulipes se détachant sur un taffetas noir profond, dont la splendeur se déploie sous nos yeux. Pour sa part, c’est à Cléo de Mérode, la célèbre danseuse et icône de beauté illuminant les nuits parisiennes, que pensera John Galliano, en 1997, avec une robe réalisée dans le biais, dévoilant un dos nu à traîne d’une sensualité exacerbée. Dans cette création, les coquelicots prennent vie sur le tulle noir dans une envolée d’arabesques Art nouveau. Enfin, en 2017, Maria Grazia Chiuri sublime à son tour ces références végétales avec ses broderies de fleurs emprisonnées entre deux épaisseurs de tulle, à la manière d’un délicat herbier porté à même le corps.
“Les couturiers incarnent un des derniers refuges du merveilleux, ils sont en quelque sorte des maîtres à rêver…” Christian Dior
La Galerie Dior ne saurait évidemment oublier la passion que vouait Christian Dior aux arts, et ses affinités profondes avec les peintres, musiciens, poètes, cinéastes et chorégraphes. La robe Nude de Maria Grazia Chiuri, brodée d’un buste en trompe-l’œil, exprime cette passion qui n’a cessé d’animer la maison à travers une réflexion autour du surréalisme et de l’inclassable et fantasque artiste Leonor Fini. C’est au légendaire cabaret Le Bœuf sur le toit que Christian Dior fréquente les artistes et les intellectuels de son époque. En 1928, il franchit le pas et ouvre une galerie d’art, puis une seconde en 1931. Il découvre Giacometti et expose Max Ernst, Pablo Picasso ou Man Ray. Des amitiés se tissent avec Jean Cocteau, Salvador Dalí et l’illustrateur mythique René Gruau, dont les dessins, réalisés pour la maison, n’ont rien perdu de leur grâce (le modèle de robe créé en 1949 baptisé Gruau rend hommage, à travers ses courbes arrondies, au trait de l’illustrateur).
Si La Galerie Dior, par la richesse de sa sélection, est d’ambition muséale, elle n’est nullement tournée vers le passé tant les créations présentées s’ancrent dans l’actualité, témoignant d’un souci permanent d’innovation et d’une folle inventivité formelle. En atteste l’hommage contemporain de Raf Simons aux robes de cocktail de Christian Dior. Pour la haute couture automne-hiver 2012-2013, une robe bustier raccourcie en guise de haut et l’utilisation de techniques contrastant fortement l’une avec l’autre (la toile de lin, d’une part, et la maille d’autre part) constituent une réinterprétation audacieuse du tailleur-pantalon. La flamboyance de John Galliano n’est pas oubliée avec, par exemple, sa vision éclatante de l’Égypte ancienne pour la haute couture printemps-été 2004, qui a marqué les esprits en transformant les modèles en impressionnants pharaons.
“Faites-moi un parfum qui sente l’amour.” C’est par ces mots que le visionnaire Christian Dior demanda, en 1947, à Paul Vacher de composer le cultissime parfum Miss Dior, l’année même où il révolutionnait la mode avec le “new- look”. Cette fragrance rend hommage à la sœur adorée du créateur, Catherine Dior, résistante et productrice de fleurs. C’est sur cette touche d’émotion et ce lien très personnel que se conclut l’exposition, hommage somptueux à la féminité qu’une ultime salle consacrée au “pouvoir de l’or” vient compléter. L’or, incarnation la plus éclatante du pouvoir, pare les femmes les plus puissantes. C’est d’ailleurs par une femme que le parfum J’adore a été créé, en 1999, puisqu’il est l’œuvre de Calice Becker. Une ode à la beauté triomphante de la femme contemporaine célébrée par la maison hier et aujourd’hui.
La Galerie Dior, 11 rue François 1er 75008 Paris.
La Galerie Dior est ouverte tous les jours sauf le mardi, de 11h à 19h. La dernière entrée se fait à 17h30.