7 avr 2016

De la robe taille Empire au hoodie Vetements: l’exposition “Fashion Forward” retrace trois siècles de mode passionnants

Que s’est-il passé entre les robes à crinoline portées au XVIIIe siècle et le hoodie présenté par le label Vêtement ? C’est ce que parvient à raconter le musée des Arts décoratifs avec l’exposition “Fashion Forward : trois siècles de mode (1715-2016)”

Exercice périlleux que de proposer une rétrospective chronologique sur l’histoire de la mode sans tomber dans l’ennui et le poussiéreux. Pourtant, le musée des Arts décoratifs réussit, grâce à une scénographie aussi ludique qu’impressionnante, à résumer trois siècles de mode en 300 costumes.

 

La période de 1715 à 1920 est présentée sous forme de tableaux où les costumes sont mis en scène au milieu de tentures, de portes d’époque ou de miroirs anciens, tandis qu’une immense salle immaculée, rappelant un podium, expose les créateurs de 1920 à nos jours. De Vionnet à Dries Van Noten en passant par Martin Margiela, aucun ne manque à l’appel.

 

Alors que régulièrement il est décrété que la mode n’est plus, que l’industrie se meurt, et qu’il n’y a plus aucune créativité, Fashion Forward prouve, au contraire, que la mode, en plus d’avoir toujours su s’affranchir ou s’inspirer du passé pour construire le futur, repose aujourd’hui sur un subtil équilibre entre créativité, savoir-faire et industrie. En pleine remise en question de l’industrie, pourquoi cette exposition fait-elle sens ?

 

Le créateur artiste

 

En déambulant parmi ces créations d’exception, on ne peut qu’admirer la splendeur des plissés de Madame Grès, ou la complexité des robes sous Louis XVI. On s’arrête devant une robe entièrement brodée de Chanel, qu’elle date du début du XXe siècle ou qu’elle soit signée de Karl Lagerfeld pour le printemps-été 1996. On est ébloui par les toilettes perlées de Napoléon et de l’impératrice Joséphine. On reste bouche bée face à la robe tout en volume de Rei Kawakubo pour Comme des Garçons, et on est hypnotisé par un fourreau doré de Pierre Balmain. Finalement, on se rappelle avec émotion que l’immense talent des créateurs et des artisans a façonné la mode d’aujourd’hui.

 

Le corps libéré

 

Au fil de ce fascinant voyage dans l’histoire de la mode, on assiste, à travers ces 300 costumes, à une évolution des tendances et des mœurs. Comment la taille Empire est-elle apparue ? Comme une réponse frivole à la Terreur. Pourquoi M. Dior a-t-il imposé les silhouette new-look avec son tailleur “Bar” ? Pour oublier les tenues pratiques imposées par la guerre. André Courrèges, en pleine révolution des mœurs, raccourcit la longueur des robes et crée la mini-jupe. Avec l’explosion de la société de consommation dans les années 80, Thierry Mugler, Claude Montana et Jean Paul Gaultier proposent une mode exagérée et démesurée, faite de logos, d’épaulettes et de couleurs vives.

 

La mode scandaleuse

 

Audacieuse, scandaleuse, la mode a toujours fait couler beaucoup d’encre : des créations métalliques de Paco Rabanne en 1980 à la robe à dos nu plongeant de Guy Laroche pour Mireille Darc dans Le Grand Blond avec une chaussure noire. En 2016, si le hoodie Vetements s’expose à 50 cm d’une robe d’inspiration antique Valentino par Maria Grazia Chiuri et Pierpaolo Piccioli sans que personne ne s’en étonne, c’est justement grâce aux décennies précédentes, durant lesquelles créateurs de mode et personnalités avant-gardistes ont jeté des pavés dans la mare.

 

Adapter, réinterpréter…

 

Jean Paul Gaultier s’inspirant en 1980 des corsets et des pantalons du XVIIIe ? Une cape Schiaparelli de 1920 au motif soleil évoquant le symbole de Louis XIV ? Les décolletés des robes cocktail des années new-look suggérant ceux des années 1870 ? Adapter, réinterpréter, retravailler, les designers rendent hommage au passé pour que la mode demeure cette industrie follement créative et audacieuse.

 

 

Fashion Forward : trois siècles de mode (1715-2016),

du 7 avril au 14 août, 

au musée des Arts décoratifs, 

107, rue de Rivoli, Paris Ier.