18 nov 2019

Comment tout savoir de Prada ?

Prada pourrait se résumer en un style inimitable et ses trente ans de créations. Pourtant, si depuis la fin des années 70 la maison italienne suscite autant d’intérêt, c’est parce qu’elle appelle à voir plus loin.

 

 

C’est en tout cas ce que l’on constate dans l’ouvrage “Prada Défilés” publié aux Éditions de la Martinière et qui rassemble l’intégralité des défilés féminins de la maison milanaise, de cette fameuse collection automne-hiver 1988-1989 à celle du printemps-été 2019, les lignes croisière 2018 et 2019 incluses. Composée de plus de 1300 photos, le livre cumule plus de trente ans de création sous l’égide d’une seule et même personnalité, si bien qu'après sa lecture, il parait difficile voire impossible de cataloguer le style et les inspirations Prada derrière de simples images ou catégories. Néanmoins, force est de constater que chacune de ces collections œuvre pour une seule et même cause : donner aux femmes, à travers le prisme de la mode, la possibilité de s’assumer pleinement en tant que telles, en déconstruisant à travers des propositions inattendues tous les clichés établis.

 

Ainsi la bourgeoise inspirée de Saint Laurent, Bunuel et Godard porte ses jupes taille basse et ses cardigans entièrement ouverts (printemps-été 2000); les fleurs, souvent symboles romantiques, sont au contraire des étendards d’empowerment et de courage (automne-hiver 2005-2006, printemps-été 2013); le monde ultra masculin des voitures côtoie la douceur du pastel (printemps-été 2012), ou alors la dentelle fatale se frotte à la rigueur de chemises en popeline totalement boutonnées (automne-hiver 2008-2009), renversant ainsi tous les codes établis ; les associations de couleurs sont surprenantes comme le marron et le bleu (printemps-été 1996), le rouge et le citron vert (printemps-été 2001) ou le rouge et le rose (automne-hiver 2017-2018). Également, des imprimés graphiques (automne-hiver 2012-2013), s'inspirent de la BD (printemps-été 2018), des animaux (automne-hiver 1995-1996), des fruits (printemps-été 2011). Côté accessoires, des chaussures encore jamais vues font leur apparition (automne-hiver 1998-1999; automne-hiver 2011; printemps-été 2006; printemps-été 2014); sans oublier les chaussettes hautes (printemps-été 2006, automne-hiver 2010-2011; printemps-été 2014; automne-hiver 2018-2019 et printemps-été 2019).

 

Comme précisé plus tôt, en aucun cas les exemples ci-dessus ne peuvent résumer à eux-seuls l’essence même du style Prada. Aussi, la façon dont la créatrice italienne s’est, au fur et à mesure des années, appropriée les associations et superpositions les plus étranges jusqu’à en faire une marque de fabrique, semble finalement assez difficile à décrire. Car celle-ci dessine au fil des saisons une avant-garde complexe, fortement inspirée par l'univers de l'art contemporain et finalement de l'art en général, mais définitivement ancré dans la réalité – extrêmement différent de celui d’une Rei Kawakubo, par exemple.

 

Afin de nous aider à mieux comprendre cette complexité résidant derrière la femme et le style Prada, le Design Museum à Londres prévoit la première exposition entièrement et uniquement consacrée à la maison milanaise. Ainsi Deyan Sudjic, directeur de l’institution, a plongé dans les archives de Prada et étudié des créations datant de ses débuts (en 1913), jusqu’aux récentes collaborations artistiques et architecturales, avec Rem Koolhas ou Herzog and De Meuron. La retrospective, qui fait déjà grand bruit, s’intitulera “Prada. Front and Back” (“Prada. De face et de dos”) et sera inaugurée en septembre 2020. En attendant, l’ouvrage sus-mentionné fera très bien l’affaire.

 

 

“Prada Défilés“, aux Éditions de la Martinière

 

 

Exposition “Prada. Front and Back”.

Ouverture en septembre 2020 au Design Museum of London

224-238 Kensington High Street, London W8 6AG.

Au mois de mars 1988, Miuccia Prada défile pour la première fois à la Fashion Week de Milan : désormais, le sellier italien, qui entra dans l’histoire en 1984 grâce finalement à des sacs en nylon, joue dans la cour des grands. Avec ses 70 pièces, la collection automne-hiver 1988-1989 trace déjà les contours de ce qui deviendra le style Prada : des créations faussement classiques et inspirées des codes masculins, ainsi qu’une mode sans fioriture mais gonflée de paradoxes. 

 

En plein cœur d’une industrie bâtie sur un système cyclique, qui virevolte de tendances en tendances pour susciter sans relâche le désir auprès de ses clients, Miuccia Prada s’est au contraire illustrée par sa constance avec l’élaboration d’une grammaire stylistique propre. Construit en marge des perpétuels changements, ce vocabulaire inimitable évolue saison après saison, sans jamais se répéter ni perdre de son aura éminemment contemporaine.