Comment Palomo Spain met en scène l’extravagance masculine dans des collections baroques
En attendant notre transformation en avatars dans le métavers, Numéro Homme taille le portrait de visages bien réels : ceux de la fine fleur des jeunes créateurs de la mode masculine. Réunis à Paris devant l’objectif d’Erwan Frotin, ces designers du futur endossent les pièces de leur propre vestiaire et nous révèlent les inspirations, les parcours, les réflexions et les engagements novateurs qui sous-tendent leur succès. Focus sur le créateur andalou Alejandro Gómez Palomo qui explore l’extravagance masculine à travers un vestiaire théâtral et baroque.
Pour Alejandro Gómez Palomo, tout a commencé avec des poupées Barbie. Une vocation tient souvent à un souvenir d’enfance ténu. Né dans le petit village de Posadas, à côté de Cordoue, dans le sud de l’Espagne, le créateur de la marque Palomo Spain se rappelle avec émotion la joie que lui procuraient ses petites poupées blondes : “Je jouais avec leurs robes, je les habillais et les déshabillais sans cesse, j’essayais de reproduire les robes flamenco de John Galliano”, s’amuse le designer aujourd’hui. Son premier souvenir marquant de mode ? “Le défilé d’adieu d’Yves Saint Laurent, en 2002. J’ai encore des images de ce moment gravées dans ma tête.” Encouragé par ses parents, il s’envole à 18 ans pour la capitale britannique et s’inscrit au London College of Fashion. C’est là qu’il découvre qu’un autre monde est possible : “J’ai tout de suite été fasciné par la façon qu’avaient les Londoniens de s’habiller, surtout les garçons, sans jugement aucun et dans une totale liberté.” Sa collection de fin d’études, en 2015, composée de six silhouettes masculines fortes et richement brodées, le place au centre de l’attention des rédactrices et rédacteurs de mode les plus influents. “Tout est allé très vite, je n’ai pas vraiment compris ce qui se passait. [Rires.] La collection a été photographiée pour différents magazines et j’ai reçu mes premières commandes alors que mon atelier de confection n’était même pas prêt !”
Sa source d’inspiration ? Un monde onirique teinté de références théâtrales, articulé autour de personnages hauts en couleur, à la dimension fantasmée. “Ce sont parfois des romans, parfois des personnages historiques. Ma première collection était construite autour d’Orlando, le personnage qui a donné son nom au livre de Virginia Woolf. Dans mes créations, il me plaît de jouer autour de la notion de genre. Mes collections sont masculines sur le papier, mais elles s’adressent en réalité à tous. J’aime explorer la féminité dans la masculinité, faire ressortir la sensibilité et la délicatesse du vestiaire masculin.” En 2017, la chanteuse Beyoncé annonce la naissance de ses jumeaux à travers un cliché diffusé sur son compte Instagram. Elle y est vêtue d’un manteau à l’imprimé printanier issu de la collection printemps-été 2017 de Palomo Spain, intitulée “Boy Walks In An Exotic Forest”. Un sacré coup de projecteur pour la jeune marque. Aujourd’hui basé en Espagne dans son village natal, Alejandro Gómez Palomo continue d’exprimer son univers grandiloquent à travers des pièces à l’effet dramatique. Sa dernière collection, présentée à Madrid en octobre 2021 et baptisée “Córdoba”, est un hommage à la ville andalouse. “C’est un endroit à l’histoire très riche, laquelle est intrinsèquement liée à celle des musulmans, notamment à travers la Grande Mosquée.” Les costumes, portés larges et imprimés, sont dotés de petits jupons en tulle, de grandes chemises de peintre accompagnent des pantalons droits, tandis que des manteaux cintrés arborent des franges virevoltantes. “La mode que j’imagine s’adresse aux personnes qui veulent se sentir libres d’être différentes. J’envisage également que mes clients vont garder ces pièces longtemps, comme des objets de collection. Ce n’est surtout pas une mode jetable !”