Comment Barrie est devenu le plus cool des labels de cachemire de luxe
Fondée en Écosse en 1903 et rachetée par la maison de mode Chanel en 2012, la manufacture de cachemire Barrie est depuis devenue le plus cool des labels de cachemire de luxe.
par Léa Zetlaoui.
Barrie, un label de cachemire entre tradition et innovation
En 2012, alors que la manufacture avait déjà collaboré avec Gabrielle Chanel puis par la suite avec Karl Lagerfeld, la maison de mode Chanel, fidèle à sa volonté de préserver des savoir-faire, mais aussi parce que Barrie fait preuve d’un formidable esprit d’innovation (travaillant aussi bien avec des techniques traditionnelles que sur des machines japonaises ultra modernes), acquiert l’entreprise au mois d’octobre. Depuis le fournisseur de tricots en cachemire d’Écosse s’est mué en un label de mode edgy qui repousse toujours plus loin les limites de son artisanat.
La première collection de prêt-à-porter voit le jour en 2014 et Barrie accueille en 2018 le directeur artistique Augustin Dol-Maillot.Depuis, le trentenaire entré chez Chanel en 2015, aux côtés de Karl Lagerfeld et Virginie Viard, compose des collections au sein desquelles, des coupes modernes, des designs graphiques et des couleurs pop – parfois mixés avec audaces – électrisent l’héritage classique de Barrie. Désormais, le cachemire se décline sur des pièces emblématiques du vestiaire contemporain comme des petits tailleurs à motif tartan rose et rouge, des vestes et pantalons oversize en trompe-l’oeil denim à coutures contrastantes, des bombardiers moelleux ou d’élégants pantalons style palazzo brodés et leurs pulls assortis. Travaillant main dans la main avec des développeurs créatifs et les artisans de la manufacture, le studio de design d’Augustin Dol-Maillot explore toutes les possibilités du cachemire, osant des dessins toujours plus complexes, comme ceux qui reprennent les médailles astrologiques de l’orfèvre Goossens, et des opérations toujours plus techniques comme ses motifs tridimensionnels. Des savoir-faire exclusifs, qui viennent chaque saison enrichir son patrimoine, et que Barrie partage par la suite avec la maison Chanel ainsi qu’avec d’autres grands noms de la mode. En attendant de voir ce que l’avenir réserve à Barrie, on ne peut qu’admirer le chemin parcouru par cette manufacture écossaise fondée il y a plus de cent ans et devenue en moins d’une décennie un label de mode en pleine ascension, doublé d’un laboratoire créatif innovant.
Les collections Barrie sont disponibles dans la boutique située au 22 rue Cambon, 75001 Paris et sur Barrie.com
*Un engouement confirmé par plusieurs rapports, notamment celui de la Mongolia International Capital Corporation qui annonçait en 2012, 17 millions de chèvres de Mongolie, soit une augmentation de 70% de la population de chèvres depuis 2006, un chiffre qui atteint 27 millions en 2018 et 29 millions en 2019.
L’histoire des Métiers d’art de Chanel relève autant du conte merveilleux que de la success story entrepreneuriale. Une aventure extraordinaire qui débute en 1985, quand la maison de la rue Cambon rachète un de ses fournisseurs exclusifs, le parurier Desrues, réputé pour ces boutons précieux façonnés à la main dans ses ateliers parisiens depuis 1929. Aujourd’hui gardienne des savoir-faire d’exception de ses quarante-trois maisons et manufactures d’artisanat d’art, Chanel assure non seulement leur transmission et leur expansion, mais aussi leur notoriété, notamment avec des défilés annuels dédiés, dont le premier remonte à 2012. Récemment onze Métiers d’art – parmi lesquels le plumassier Lemarié (fondé en 1880), le chapelier Maison Michel (1936), l’orfèvre Goossens (1950), les brodeurs Montex (1939) et Lesage (1924) – ont rejoint le 19M, un hub créatif inédit inauguré en 2021, installé aux portes de Paris. Et alors que ces Métiers d’art s’inscrivent en grande partie dans une tradition héritée de la haute couture et du luxe français, l’un d’entre eux se distingue autant par son activité que par son histoire.
Les plus beaux cachemire de luxe sont écossais
Avant que l’Italie ne devienne synonyme de cachemire de luxe, à l’orée des années 80, c’est en Grande-Bretagne que se tricotaient les plus belles pièces. Au milieu des paysages spectaculaires d’Ecosse, s’est développée au XVIIe et XVIIIe siècle, une industrie autour de cette fibre rare, issue de la tonte des chèvres de Mongolie, sublimée par la pureté de l’eau des rivières locales. Il se chuchote même que l’activité débute en 1771 par une affaire de contrebande concernant quatre machines à tricoter. Fondée en 1903 à Hawick, dans la région des Borders, la manufacture de tricot de cachemire d’Écosse Barrie gagne en notoriété durant la Première Guerre mondiale en confectionnant de la bonneterie et de sous-vêtements. C’est durant la décennie suivante, sous l’influence de Coco Chanel, que Barrie se lance dans la mode avec des cardigans, twin sets et pulls, avant de collaborer avec des maisons de couture, notamment le créateur Jean Patou, dans les années 30. Si depuis cette époque, la réputation d’excellence de Barrie reste intacte – notamment grâce à la qualité de son cachemire et à son savoir-faire rigoureux -, la région entière voit son hégémonie diminuer au fil des décennies. Quand il évoque le déclin de l’Ecosse au profit de l’Italie dans l’industrie du cachemire, Clive Brown, directeur des ventes et du développement de Barrie, l’admet volontiers : c’est autant par orgueil que par refus de se plier aux nouvelles lois du marketing et de la communication. Le temps de vouloir rectifier le tir, il est déjà trop tard.
En France, le pull en cachemire a cessé d’être un objet de luxe pour devenir un bien de consommation courante en 2007*. Cette même année, Uniqlo débarquait sur le territoire (d’abord en banlieue parisienne puis dans le quartier d’Opéra), avec ses pulls en cachemire proposés à un prix imbattable, situés entre 39,90€ et 69,90€. Auparavant, impossible de trouver une pièce à moins de 250€, chez Bompard ou Zadig & Voltaire. En cause, une fabrication made in China et une fibre de qualité inférieure. Quinze ans plus tard, les prix affichés ainsi que la demande ont augmenté (inflation, montée en gamme), tout comme la concurrence. Aujourd’hui, un pull en cachemire fabriqué en Chine coûte 129,90€ chez Uniqlo, 129,00 € chez Zara, 99,00€ chez Cos… Un prix équivalent à celui d’une paire de sneakers Nike ou Adidas. Chez Barrie, pour un sobre modèle à col rond, sont nécessaires la tonte de trois chèvres de Mongolie, et près de 12h et quarante étapes de fabrication, de la teinture au contrôle final, toutes réalisées en Écosse, et pour beaucoup à la main, dans la manufacture de Hawick. Une exigence et une qualité qui méritent amplement de dépenser 650€ pour un vêtement conçu pour durer toute une vie. Qui plus est, en 2021, Barrie obtient la certification Level I GOTS (Global Organic Textile Standard) qui garantit un mode de production écologique et socialement responsable.