Comment Andy Warhol a inspiré à Christian Louboutin sa semelle rouge
Jusqu’au 3 janvier 2021, Christian Louboutin est à l’honneur au Palais de la Porte Dorée. À l’occasion de cette rétrospective historique, première en France pour le célèbre créateur de souliers, retour sur un épisode clé de sa carrière : l’invention de sa désormais célèbre semelle rouge.
Par Matthieu Jacquet.
Si l’on interrogeait au hasard un passant pour lui demander à quoi reconnaître une chaussure Christian Louboutin, il est fort à parier que sa réponse serait la suivante : la semelle rouge. Devenue la signature de la maison du créateur seulement deux ans après sa fondation en 1991, cette caractéristique est aujourd’hui une véritable marque déposée, que certains tentent même d’imiter. Mais bien que bon nombre savent l’identifier, plus rares sont les personnes qui connaissent l’histoire étonnante derrière cette facette écarlate.
Tout commence en 1992. Christian Louboutin, qui vient il y a tout juste un an d’inaugurer sa propre maison de chaussures à Paris, travaille sur une nouvelle ligne de souliers à talons. Grand esthète et passionné d’art, le créateur français de 28 ans est alors traversé par l’image d’une œuvre d’Andy Warhol qu’il affectionne tout particulièrement : ses célèbres Flowers de 1964, une peinture à la sérigraphie représentant quatre fleurs d’hibiscus aux tons rouge, rose et orange. Mais à l’époque, Google Images n’existe pas encore. Ne disposant d’aucun livre ni reproduction de l’œuvre à proximité, le jeune homme se fie à sa mémoire et imite son propre souvenir de ces fleurs. Finalement, il n’en conserve qu’une, qu’il place sur la boucle d’un nouveau modèle d’escarpin, une manière délicate et habile de dissimuler son système de fermeture.
Composé de trois pétales de couleur unie cernés d’un contour noir en velours, l’hibiscus ajoute ainsi au soulier une décoration graphique qui le dote d’une élégance et d’une féminité remarquables. L’œuvre du père du pop art inspire également à Christian Louboutin une de ses rares variations chromatiques sur un même modèle : “comme je me référais malgré tout à Warhol, j’ai immédiatement pensé à décliner ce soulier dans différentes couleurs”, explique le créateur. Du jaune poussin au rose poudré en passant par le rouge, le bleu roi et le vert émeraude, du daim au satin en passant par le velours et les plumes, la chaussure “Pensée” se multiplie et aura sans doute de quoi satisfaire toutes les envies. Mais Christian Louboutin n’est pas satisfait : pour lui, il manque quelque chose au modèle.
C’est alors qu’il se tourne à nouveau son croquis d’origine et se rappelle y avoir esquissé spontanément une semelle rouge. Les prototypes étant déjà assemblés avec une semelle noire, le créateur se livre à l’improvisation et emprunte le vernis à ongles de son assistante pour repeindre de rouge l’intégralité de cette surface. Sans le savoir encore, Christian Louboutin donne ainsi naissance à l’emblème de ses prestigieux souliers, aujourd’hui reconnaissables entre mille. Quant aux pièces de la ligne “Pensée”, dévoilée et commercialisée officiellement en 1993, elles font aujourd’hui partie des modèles les plus iconiques de l’histoire de sa maison, qui fêtera bientôt ses trente ans d’existence.
Christian Louboutin, “L’exhibition[niste]”, du 16 juin au 3 janvier 2021 au Palais de la Porte Dorée, Paris 12e.