Comment Andreas Kronthaler électrise l’héritage de Vivienne Westwood
Bras droit de Vivienne Westwood depuis 1989, Andreas Kronthaler accède à la lumière en 2016 avec sa propre ligne. Depuis, le créateur autrichien préserve et renouvelle l’héritage de la maison à coups d’expérimentations couture et de références spirituelles.
Par Léa Zetlaoui.
Andreas Kronthaler, digne héritier de Vivienne Westwood
L’Autrichien né au Tyrol n’a que 23 ans lorsqu’il rencontre la créatrice anglaise en 1989 (elle-même a alors 48 ans), et il la rejoint presqu’immédiatement à Londres pour devenir son bras droit. Le couple (désormais marié) conçoit dès lors ses collections à quatre mains. En 2016, Vivienne Westwood souhaite davantage se concentrer sur son engagement écologique. Elle décide alors de débaptiser “Gold Label”, sa ligne la plus couture, pour la nommer “Andreas Kronthaler pour Vivienne Westwood”, reconnaissance de la contribution majeure apportée par son partenaire. “C’était un peu comme rencontrer son âme sœur, un lien très fort s’est créé immédiatement. Autant que je sache, ce fut la même chose de son côté”, confie Andreas Kronthaler, confirmant au passage la connexion impressionnante de ces deux personnalités créatives. Voir en Andreas Kronthaler le digne héritier de Vivienne Westwood apparaît comme une évidence puisqu’en réalité il conçoit avec elle depuis 25 ans. C’est justement là que réside toute la difficulté de discerner réellement la patte Kronthaler, longtemps effacé par l’aura de la créatrice anglaise, adoubée par la reine, dont la personnalité hors du commun a tant imprégné l’industrie de la mode qu’aujourd’hui, ses corsets et robes vintage s’arrachent à des milliers d’euros.
Avec Andreas Kronthaler, vers des collections Vivienne Westwood plus expérimentales
Petit à petit pourtant, Andreas Kronthaler fait évoluer ses collections vers des horizons plus personnels, marqués par une approche plus expérimentale. Si l’on compare la saison automne-hiver 2019-2020 des deux lignes – Vivienne Westwood présentée à Londres en février 2019 et Andreas Kronthaler présentée à Paris en mars 2019 – la différence est frappante. Tandis que le premier défilé prenait des allures de manifestation écologique à l’ambiance survoltée, montrant au passage les classiques Westwood, le second faisait se succéder dans un décor dépouillé et au son du sublime Boléro de Ravel, des costumes oversized, des superpositions osées, des robes-corsets dramatiques, des volumes toujours plus maximalistes et des matériaux ultra-précieux. Si l’on remonte encore dans le temps (à la période où la ligne est officiellement estampillée de son nom), on constate que la créatrice punk décline, dans chacune de ses collections, ses modèles les plus emblématiques, tandis que la ligne Andreas Kronthaler évolue en un laboratoire d’expérimentation couture, moins punk et plus varié dans le choix des inspirations, avec des intentions plus spirituelles que politiques. Comme en témoignent les imprimés de sa collection printemps-été 2019, que le créateur commente ainsi : “Peut-être suis-je un romantique. Les imprimés chevaux symbolisent Londres et la National Gallery car pour moi c’est un des dessins les plus symboliques de la ville. Les planètes représentent Saturne, dont la période de révolution est de 28 ans, et qui était à son point le plus éloigné du soleil en 2018. Je voulais célébrer cet évènement. De plus, il y a un double sens, jouant avec le logo de Vivienne Westwood, l’orbe.”
Digne successeur de la fondatrice, certes, le créateur n’a rien perdu de sa personnalité malgré les 30 ans de vie commune. Andreas Kronthaler renouvelle et fait vivre l’héritage du label le plus célèbre d’Angleterre. Grâce au créateur autrichien, Vivienne Westwood demeure une des maisons les plus fertiles en terme de créativité et une des plus intéressantes en termes de références du paysage de la mode actuelle.
Le défilé Vivienne Westwod par Andreas Kronthaler inspiré par les skateuses de Kaboul et les artistes Paul Thek et Walter Pichler
C’est au sein d’un grand parking caché dans le 11e arrondissement de Paris qu’Andreas Kronthaler présentait, en septembre dernier, sa collection printemps-été 2019 pour Vivienne Westwood. L’espace est blanc, lumineux et au milieu trône une immense sculpture blanche, faite de papier et ballons, qui représente un arbre (développement durable oblige). Surgit dans cet espace un bodybuilder perché sur une trottinette électrique, vêtu d’un slip et d’un marcel en coton vert : c’est lui qui ouvre le défilé. Une entrée en matière pour le moins surprenante, faisant surgir en une fraction de seconde de multiples messages, évoquant aussi bien l’esthétique queer – tant cette personnalité aux muscles surdéveloppés sur le petit engin motorisé semble décalée – qu’une prise de position écologique sur le côté hype justement dudit engin. En un seul passage, Andreas Kronthaler aura marqué les esprits. Et la suite, telle une fresque picturale aux inspirations aussi variées que les skateuses de Kaboul photographiées par Jessica Fulford-Dobson ou les artistes Paul Thek et Walter Pichler, oscillent entre surréalisme et radicalité. Le tout sublimé par une collaboration avec Yasmine Eslami.