Christian Louboutin raconte sa collaboration avec Maison Margiela
Le créateur de souliers parisien Christian Louboutin raconte sa collaboration avec Maison Margiela et John Galliano, initiée à l’occasion du défilé Maison Margiela Artisanal le 12 janvier 2024.
par Léa Zetlaoui.
La rencontre entre Maison Margiela et Christian Louboutin
Sans aucun doute, le jeudi 25 janvier 2024 restera une date mémorable dans l’histoire de la mode. Ce soir-là, sous le pont Alexandre III à Paris, John Galliano dévoilait sa nouvelle collection Maison Margiela Artisanal. Un ultime défilé de mode magistral, véritable apothéose de la vision du directeur artistique britannique, à la tête de la maison depuis 2014.
Si ce défilé demeure l’un des plus spectaculaires de ces dernières années, c’est qu’il aura plus de deux ans de préparation. Mais aussi le concours d’artisans visionnaires, grâce auxquels John Galliano a pu laisser libre cours à sa créativité sans limite. Parmi eux, Christian Louboutin, dont les emblématiques semelles rouges ont accompagné les pas des mannequins du défilé Maison Margiela Artisanal.
Événement inattendu, plus d’un an après ce défilé spectaculaire, Maison Margiela et Christian Louboutin dévoilent une double collaboration, composée de sept modèles de chaussures, fruit d’un dialogue créatif entre les deux créateurs. Tandis que Christian Louboutin revisite l’iconique Tabi de Maison Margiela, John Galliano appose sa technique du décortiqué, révélant coutures, armatures ou fermetures d’une pièce, aux chaussures emblématiques de Christian Louboutin. Ce dernier raconte à Numéro les dessous de cette collaboration.
Interview de Christian Louboutin
Numéro : Quand et comment a débuté cette collaboration avec Maison Margiela ?
Christian Louboutin : John [Galliano, ndlr] et moi nous, nous connaissons depuis très longtemps.nous sommes amis de longue date. Et un jour, alors que nous déjeunions il m’a proposé de faire quelque chose ensemble. J’ai immédiatement dit oui. La suite du déjeuner a été un torrent d’idées. Tout a été très spontané.
Qu’avez-vous pensé du défilé couture Maison Margiela de John Galliano présenté en janvier 2024 ?
Je savais que le défilé serait impressionnant. Mais pas de là à imaginer l’impact émotionnel et culturel qu’il aurait. La précision des coupes, le travail de superposition, le détail des textures, tout était extrêmement minutieux et recherché, c’était un travail quasi scientifique. L’émotion autour du show était intense et profonde. Beaucoup d’invités pleuraient. Et de mon côté, il m’a fallu quarante ans de défilés pour finalement pleurer aussi. John a réussi à créer une expérience poétique sans vraiment de précédent dans le monde de la mode.
Une collaboration mode comme un dialogue créatif
Comment avez-vous travaillé avec John Galliano pour concevoir les modèles de la collection ?
Ça a été instinctif et collaboratif. Au-delà de l’amitié qui nous lie, il s’est avéré assez rapidement que nous avions des manières de travailler assez similaires. Ce qui est fascinant, c’est que John a une passion pour tout ce qui touche à la mode. Et il est toujours à la recherche de nouveaux éléments à explorer. Nous avons cherché à mélanger nos deux mondes. Les codes de Margiela et mon approche plus féminine pour créer des pièces qui expérimentent ce dialogue constant entre nos visions. C’était une véritable conversation créative entre deux univers très distincts.
Combien de temps a pris le développement ? Avez-vous rencontré certaines difficultés ?
Le développement a pris pratiquement une année. Le défi était d’atteindre un niveau de précision extrême, en particulier dans la construction des modèles. Certains éléments comme les couches, les couleurs sous-jacentes, la technique de collage, ont demandé un travail minutieux. Il y avait aussi des défis créatifs un peu comme un jeu entre nos deux univers. C’était un processus challengeant, mais tellement satisfaisant quand on voit le résultat. Il y a un bel équilibre entre nos deux univers.
Que souhaitiez-vous exprimer à travers cette collaboration ?
L’idée était de fusionner nos deux ADN de manière fluide et organique, sans se mettre de limites. C’est cette notion de mixité que je voulais mettre en avant, un peu comme une famille moderne où les influences de chacun se mélangent de manière harmonieuse. Chaque style prend des traits de caractères différents du père ou de la mère, un peu comme si les deux maisons étaient les parents. Il ne s’agissait pas de séparer les deux influences, mais de les faire coexister dans une forme de perfection simple et brute, tout en restant fidèles à nos visions créatives respectives.
La Tabi, une chaussure culte signée Maison Margiela
En tant que créateurs de souliers, que représentait la Tabi pour vous ?
La Tabi est la synthèse de la déconstruction et du minimalisme créatif. Dans le cas de Margiela, c’est une forme de minimalisme qui cache une grande créativité. Sur cette collection, l’idée était de transformer la Tabi en une version plus féminine, plus proche de l’ADN Christian Louboutin en quelque sorte. La construction est un peu différente, il y a un décolleté plus profond que sur le modèle classique qui laisse apparaître davantage l’avant du pied. Cette version est plus fine aussi, on a voulu donner à cette silhouette plus d’élégance et de sensualité.
Quel est votre modèle préféré et pourquoi ?
Pour Maison Margiela par Christian Louboutin, mon modèle préféré serait la Marlougiela Silver Strass car c’est une Tabi revisitée de manière plus féminine avec le savoir-faire du strass qui est vraiment propre à notre travail. Le strass donne aussi cette impression de gouttes de pluies que l’on retrouvait dans le show Artisanal de Maison Margiela, donc il y a aussi une vraie continuité. Pour Christian Louboutin par Maison Margiela, la Martoubi est probablement mon modèle préféré, elle représente l’incarnation parfaite de nos deux univers. C’est un peu le mariage parfait. Si l’on imagine les deux maisons, que l’on enlève tout, que l’on garde qu’une seule chose pour chacune, et que l’on en fait un soulier, ça serait ça le résultat et c’est vraiment ça que je trouve très fort.
La collaboration est disponible sur christianlouboutin.com