12 mai 2021

Christian Louboutin raconte les secrets de sa boutique iconique

À la fin de l’année 1991, Christian Louboutin lance sa maison dédiée aux souliers et ouvre une boutique dans la galerie Véro-Dodat à Paris. Cet écrin, désormais iconique, à la décoration baroque et colorée, s’est offert une seconde jeunesse et annonce sa réouverture pour le 19 mai! À cette occasion, Numéro a posé quelques questions au célèbre créateur qui raconte en détail les secrets derrière cette boutique incontournable. 

Propos recueillis par Léa Zetlaoui.

Comment avez-vous trouvé cet emplacement exceptionnel il y a 30 ans ? 

A l’époque, j’avais arrêté de dessiner des souliers, je faisais du paysagisme. Je tenais absolument à acheter une lampe chez Eric Philippe, l’antiquaire de la Galerie Véro-Dodat. J’y retournais chaque semaine, et chaque semaine il me répétait qu’elle n’était pas à vendre. Un jour pour se débarrasser de moi il m’a demandé comment allait mes souliers. C’est lui alors qui m’a suggéré d’ouvrir ma propre boutique, au bout du passage Véro-Dodat, dans une galerie qui était libre. J’ai toujours adoré ce passage, où déjà mes promenades me conduisaient lorsque j’avais quatorze ans. J’y ai découvert les artistes Giger, James Mount, Royère, … Jamais je n’aurais créé de souliers sans avoir un écrin où les montrer. En découvrant cet espace je me suis dit que je ne pouvais pas ne pas le prendre (il était irrésistible !) et que si je le prenais, il faudrait bien mettre quelque chose à l’intérieur. C’est comme ça que je me suis remis au dessin et que j’ai conçu ma première collection : par hasard, parce que j’avais loué un lieu qui me plaisait. 

 

N’était-ce pas risqué de s’installer dans un quartier à la marge des boutiques de luxe ? 

J’aime l’idée que mes boutiques deviennent une destination en soi plutôt que d’être une boutique parmi tant d’autres dans le circuit du shopping de luxe. Plus qu’un emplacement, je choisis d’ouvrir mes boutiques au gré de mes promenades dans une ville, une rue qui me plait, une architecture, une atmosphère. 

 

La boutique historique de Christian Louboutin, située dans la galerie Véro-Dodat à Paris

Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour engager des rénovations ? 

J’aime les endroits qui fonctionnent dans la pérennité, c’est pour cela que réaliser des endroits qui vivent longtemps me parait être plutôt une bonne chose. 

 

Qu’aviez-vous envie de changer ? 

Les collections de sacs s’étant agrandies, la beauté ayant pris sa place aussi, il était important de mettre en scène ces chapitres sans les mettre dans des coins qui ne leurs feraient pas honneur. 

 

Comment avez-vous choisi les artistes qui vous entourent sur ce projet ? 

Des artistes qui me sont chers dont je connais la qualité créative et professionnelle. Je partage avec Louis Barthelemy une passion dévorante pour l’Egypte et pour les savoir-faire séculaires en péril. Il est basé au Caire, travaille avec des artisans d’exception et permet de garder vivants une expertise et des techniques qui risqueraient de disparaitre faute de demande et de transmission. Il a créé pour la boutique la toile brodée Loubouxor qui s’inspire du zodiaque de Dendérah, un célèbre bas-relief de l’Égypte antique aujourd’hui exposée au Musée du Louvre à Paris. Son interprétation représente des dieux et des déesses se voyant offrir des souliers et célèbre la Femme avec joie et sensualité. L’œuvre de la boutique a nécessité 6 mois de travail. Je connais Elisabeth Garouste depuis très longtemps, elle a réalisé une grande partie du mobilier mêlant des éléments végétaux tels que le bois et la craie à de la feuille d’or. C’est toujours une joie de travailler avec quelqu’un qu’on aime. 

La boutique historique de Christian Louboutin, située dans la galerie Véro-Dodat à Paris

Une anecdote sur cette boutique historique ? 

Je venais tout juste d’ouvrir la boutique, j’étais tout à la fois : designer, vendeur, caissier, j’étais seul pour tout faire. Une voiture s’arrête devant l’entrée du passage, le chauffeur ouvre la portière et en sort Caroline de Monaco. Elle venait voir une exposition dans la galerie, mais c’est chez moi qu’elle s’est arrêtée, intriguée par un de mes premiers modèles, La Pensée. Passait dans la rue au même moment une rédactrice américaine qui écrivait pour W Magazine sur les nouvelles adresses à Paris. A elles deux, elles ont lancé ma carrière. Je les appelle mes bonnes fées. 

 

Quel est selon vous l’avenir des boutiques dans une période où le e-commerce s’impose en force ?

Les boutiques sont au sens propre comme au sens figuré de vraies vitrines mais aussi l’expression de l’essence même des marques, c’est en cela qu’elles sont importantes. Mais il faut réellement qu’elles offrent une expérience et une qualité de service qui en valent la peine.

 

Christian Louboutin

19 Rue Jean-Jacques Rousseau, 75001 Paris 

Ré-ouverture le 19 mai 2021