Boramy Viguier, le créateur qui mêle heroïc fantasy et ésotérisme pour transformer le vestiaire masculin
En attendant notre transformation en avatars dans le métavers, Numéro Homme taille le portrait de visages bien réels : ceux de la fine fleur des jeunes créateurs de la mode masculine. Réunis à Paris devant l’objectif d’Erwan Frotin, ces designers du futur endossent les pièces de leur propre vestiaire et nous révèlent les inspirations, les parcours, les réflexions et les engagements novateurs qui sous-tendent leur succès. Focus sur le créateur franco-cambodgien Boramy Viguier, dont le label homonyme niche, au coeur du vestiaire masculin, des références à l’heroic fantasy, au monde médiéval et l’ésotérisme.
Franco-cambodgien, Boramy Viguier a, depuis le lancement de sa marque en 2018, réussi le pari de transposer ses obsessions en vêtements masculins teintés d’une aura mystique. “Ce qui m’intéresse, dans la mode comme dans la vie, ce sont les états de transcendance, sans forcément les relier à une religion quelconque. J’aime interroger ces moments hors du temps.” C’est pourtant d’une façon très pragmatique qu’il commence sa vie professionnelle, avec, tout d’abord, un passage auprès du galeriste Emmanuel Perrotin. Une expérience formatrice qui l’amène à s’interroger sur le rôle de la mode et des vêtements, et le conduit à rejoindre un temps la prestigieuse école Central Saint Martins de Londres. Là, il perfectionne sa maîtrise de la coupe, du façonnage des patrons et des proportions du corps. Il intègre ensuite la maison Lanvin, où, durant six années, il œuvre à la création des collections masculines, en étroite collaboration avec le directeur artistique de l’époque, Lucas Ossendrijver. C’est dans cet écrin qu’il affine son œil. Les grands classiques du vestiaire masculin deviennent son terrain de jeu, et il leur insuffle un supplément de style. Les matières, les coupes et les tombés demeurent impeccables, avec parfois des pas de côté – quand il mixe des costumes traditionnels et des pièces industrielles, comme des rivets. Pourquoi s’être dirigé vers la mode masculine plutôt que féminine ? “Je n’y ai jamais vraiment réfléchi, cela s’est fait naturellement. Je pense évidemment que je m’y projette plus facilement. Ce qui me plaît dans la mode masculine, c’est tout ce qui a trait à la technique. La construction d’un vêtement pour homme demande en effet une grande précision.”
En 2018, Boramy Viguier décide de sauter le pas et de se lancer en solo, sous son nom. Demi-finaliste du prix LVMH et finaliste du prix de l’ANDAM en 2019, le trentenaire maintient son cap avec une mode attractive et portable, mais transcendée par une envie d’évasion et à la dimension cinématographique affichée. Boramy Viguier présentait sa collection printemps-été 2022 dans une vidéo futuriste aux textures de jeu vidéo, où les mannequins couraient dans un espace abstrait. Il y faisait une magnifique démonstration de sa capacité à hybrider le tailoring traditionnel avec d’autres registres : les vestes à motif prince- de-galles défilaient portées sous des parkas techniques, les costumes étriqués étaient bardés de poches à rabats d’inspiration militaire. Apothéose de couleur, des chemisettes et blousons zippés déclinaient des motifs façon soieries anciennes et luxueuses. Bien dans son époque, Boramy Viguier attache une grande importance au processus de fabrication et au choix des matières premières. “Les usines avec lesquelles je collabore sont toutes installées en France. C’est non seulement une question de praticité, mais c’est aussi quelque chose de raisonnable. J’utilise également beaucoup de chutes de tissus.” Sa mode est écoresponsable, mais pas donneuse de leçons : “Dès que cela devient militant, cela m’ennuie !” En septembre 2021, il ajoute une corde à son arc en devenant directeur artistique du label culte Vuarnet, pour lequel il conçoit des vêtements féminins, pratiques et taillés pour le grand air : “J’apprécie l’idée de travailler avec une marque qui a un héritage, une histoire. En plus, j’ai toujours aimé la montagne, ça tombe bien.”