Arturo Obegero rend un hommage poétique à son village natal dans sa collection printemps-été 2023
À travers sa collection printemps-été 2023 présentée ce jeudi 23 juin, le jeune créateur espagnol Arturo Obegero, fondateur du label homonyme lancé il y a cinq ans, tisse une lettre d’amour à sa ville natale, Tapia de Casariego, dans les Asturies, au nord de l’Espagne.
Par Elliot Mawas.
Face à l’installation future d’une entreprise d’extraction d’or dans sa région d’origine qui viendra perturber son écosystème et détruire son paysage, le créateur défend l’histoire de ses terres à travers une collection fantaisiste d’où surgissent des créatures toute droits sortis de la mythologie locale, comme pour se dresser face à la cupidité et l’avarice des hommes. Ainsi, les Xanas, ces fées de l’eau qui vivent à l’embouchure des rivières et qui protègent l’or, inspirent des robes, pantalons et des hauts de sirène drapés transparents à l’aspect sensuel, grâce à leur maille de viscose extrêmement fine, tandis qu’un ensemble satiné orné aux épaules, à la taille et autour des chevilles de plumes d’autruches blanche évoque le Home Marín (hommes de la mer) et l’Espumeru – des créatures qui se cachent dans les grottes du littoral. Si Arturo Obegero nous avait jusque là habitués à une palette oscillant entre noir, blancs et rouges, le jeune homme a profité de cet hommage à son village natal pour en extraire des images à différents moments de la journée, qui ont ensuite défini une palette colorée inédite dans l’histoire de son label : des nuances de violet et de rose évoquent le paysage crépusculaire de ses incroyables couchers de soleil, un bleu clair rappelle son ciel diurne et autre, plus profond, la couleur de la mer Méditerranée, jusqu’à un jaune solaire incarnant l’astre qui baigne la région méditerranéenne à son zénith.
Plus globalement, Arturo Obegero s’inspire aussi d’artistes et de mouvements ayant beaucoup compté en Espagne, comme les surréalistes. La combinaison noire “Man Ray Mermaid” sur lequel s’enroulent des chaînes en strass brodées pour former des dessins scintillants est une réponse au Torse de Vénus (1936) de l’artiste tandis que La victoire, peinture de René Magritte où apparaît une porte au-dessus d’une mer de nuages, imprègne l’esprit de la collection. Le verre marin recueilli dans la région est ici sublimé, devant une pierre sertie dans des boucles d’oreilles, bracelets et bagues : “c’est comme porter une goutte de l’océan avec soi” confie le créateur. Les silhouettes oscillent entre une théâtralité sculpturale – goût qu’il partage avec le créateur Cristobal Balenciaga (originaire de la même région) – et une fluidité permise par des drapés et des coupes amples qui s’inscrit dans la même recherche de mouvement que ses dernières collections. La collection, présentée sur une musique d’Ivankovà qui réinterprète le genre New Age pour explorer l’idée de transe, pourrait apparaitre dans l’univers de Dune, par sa douceur, ses drapés et transparence, sa poésie et son hommage puissant à la nature.