Après Margiela, le MoMU d’Anvers célèbre Olivier Theyskens
Après l’exposition Margiela chez Hermès et avant sa fermeture pour rénovation, le MoMU, musée de la Mode d’Anvers, offre au créateur belge Olivier Theyskens sa première retrospective, très réussie.
Par Léa Zetlaoui.
En vingt ans de carrière, Olivier Theyskens a eu mille vies. D’abord en créant, à seulement 20 ans, son propre label, puis en réveillant coup sur coup les maisons parisiennes Rochas et Nina Ricci avant de se voir confier la direction artistique de Theory, qu’il parvient, en une collection, à imposer sur la scène mode américaine. Après une pause de deux ans, le Belge fait un discret mais remarqué retour en proposant de nouveau ses propres créations. Depuis le mois d’octobre, le MoMu, musée de la Mode d’Anvers, célèbre son travail dans une magnifique rétrospective qui reprend chronologiquement les périodes les plus marquantes de sa carrière, faisant de ce créateur atypique l’un des plus jeunes jamais exposé dans ce type d’institutions. Pourquoi et comment s’est-il imposé comme l’un des créateurs les plus talentueux de sa génération?
Quelques semaines plus tard, il accède à la notoriété internationale quand Madonna porte une robe de sa collection printemps-été 1999
Des débuts fracassants
Après deux années passées à l’école des arts visuels de La Cambre, Olivier Theyskens abandonne ses études pour présenter sa première collection à Paris (hiver 1998), entièrement réalisée à la main, chez lui, et qui fera l’unanimité, tant auprès des professionnels du milieu que de la presse. Quelques semaines plus tard, il accède à la notoriété internationale quand Madonna porte une robe de sa collection printemps-été 1999 – assurément l’une des plus marquantes de la décennie –, lors de la cérémonie des Oscars en 1998. Influences gothiques, références historiques, matières exceptionnelles et techniques impeccables, sous son label, Olivier Theyskens s’érige en créateur prodige, ultra exigeant, voire radical, qui préfère ne pas vendre ses collections plutôt que de sacrifier la qualité. À une époque marquée par le minimalisme d’Helmut Lang, la radicalité de Martin Margiela ou d’Alexander McQueen, le porno chic de Tom Ford chez Gucci et la flamboyance de John Galliano, le romantisme gothique et poétique d’Olivier Theyskens, tel un condensé de tous ces courants, détonne et fait mouche.
Le jeune créateur décline de mille manières son style sans jamais trahir l’ADN de la marque pour laquelle il officie.
Un style unique au service de Rochas et de Nina Ricci
Par la suite, le jeune créateur décline de mille manières son style sans jamais trahir l’ADN de la marque pour laquelle il officie. En 2002, chez Rochas, il perpétue l’héritage de Marcel Rochas, auquel il ajoute sa passion pour la coupe, et remet au goût du jour deux obsessions chères au fondateur de la maison : la guêpière, dont il va transposer les codes sur des robes, des jupes et des accessoires, et la dentelle Chantilly, qu’il parvient à moderniser et à sophistiquer comme personne.
Chez Nina Ricci, Olivier Theyskens développe un univers gothico-romantique qu’il continue d’agrémenter de références historiques, auxquelles il associe une dimension plus bucolique, avec teintes pastel, motifs fleuris et broderies précieuses ; ou, au contraire, futuriste, avec des couleurs sombres et des silhouettes acérées, presque agressives parfois. Dans cette nouvelle approche, son attrait pour le mouvement du vêtement devient quasiment obsessionnel. Il proposera notamment des pièces inspirées par la forme de la bouteille du célèbre parfum L’Air du Temps, mettant ainsi en œuvre sa maîtrise de la coupe en biais, ainsi que de nouveaux modèles asymétriques caractérisés par des formes courtes devant et longues derrière, et dont la traîne vole à chaque pas.
Des choix de carrière audacieux
Plus contemporaines, voire streetwear, les collections d’Olivier Theyskens pour Theory se situent dans un nouveau style que l’on pourrait qualifier d’avanced contemporary design. Une mode créative dont les prix sont plus accessibles. Là encore, le Belge reste fidèle à sa vision en fusionnant mode couture et “esthétique américaine”. Ce choix le distingue de ses pairs et fait de lui l’un des seuls créateurs à officier sur ce créneau. En 2014, après avoir quitté Theory, il prend du recul pendant deux années afin de réfléchir et décide de relancer sa marque, quatorze ans après l’avoir mise en sommeil. Opérant un véritable retour aux sources, il propose des silhouettes féminines teintées de détails aux airs subtilement gothiques, comme si, avec l’âge, ce créateur d’exception avait fini par s’apaiser.