4 fév 2020

Alaïa se confronte à Balenciaga dans une exposition au coeur du Marais

Azzedine Alaïa, immense couturier disparu il y a deux ans, réapparaît aux côtés de Balenciaga dont il collectionnait les robes. Un face à face inédit. 

Le visiteur entre dans l’exposition Alaia x Balenciaga comme il entrerait dans un labyrinthe de miroirs. De vastes panneaux de voile tendue tracent un parcours pensé comme une succession de niches encadrées par ces murs transparents. Cet effet d’optique est l’allégorie même de l’exposition : un face à face entre deux créateurs brillants se reflétant l’un dans l’autre à l’infini. Volonté d’Hubert de Givenchy quelques mois après la disparition d’Azzedine Alaïa, la fondation met en perspective le travail des deux couturiers. Un immense espace de création parmi lequel 56 pièces ont été sélectionnées.

 

La naissance d'un collectionneur

 

En 1968, épouvanté par l’avènement de la grande consommation qui met fin à la qualité d’artisan du créateur, Cristóbal Balenciaga ferme les portes de sa maison. Quelques temps plus tard, Madame René, sa plus proche collaboratrice, invite Alaïa, jeune couturier montant, à choisir des tissus parmi les stocks de la maison Balenciaga. Impressionné par la justesse des coupes et la qualité des tissus, le jeune Tunisien achète plusieurs robes. Ce n’est donc pas seulement le créateur qu’il nous est donné d’observer mais également le collectionneur. Alaïa s’entoure peu à peu de robes Vionnet, Schiaparelli, Grès, et toujours Balenciaga, modèle absolu.

Exposition Alaïa et Balenciaga sculpteurs de la forme

Dialogue entre des créations atemporelles 

 

Confrontation des deux couturiers, chaque niche ou presque est pensée comme un vis-à-vis de deux créations. Aucune explication, seulement un petit cartel pour préciser la collection et le tissu. Dans ce décor minimaliste, les robes dialoguent entre elles, rapprochées par leurs épaules exacerbées, leurs tailles étranglées ou leurs décolletés plongeants.

 

L’inspiration du maître espagnol se fait sentir, comme à travers ces deux boléros noirs, l’un signé Balenciaga, riche de passementeries et de pompons face à une seconde veste courte décorée d’une broderie “caviar” de perles et de fils métalliques. Plus de trente années séparent ces deux créations, qui demeurent néanmoins parfaitement atemporelles. Cette conversation créative n’est pas la seule à se faire entendre : le jeu des panels transparents laisse entendre chaque discussion entre visiteurs comme autant de murmures nés de la perfection de ces créations. 

Exposition Alaïa et Balenciaga sculpteurs de la forme

Un espace intime et enveloppant

 

Sous une vaste verrière, le séquençage d’un large espace en de multiples alcôves confirme le sentiment d’intimité qui se dégage de la fondation. Véritable “maison” de couture, le 18 rue de la Verrerie n’était pas seulement un studio de couture mais aussi le lieu de vie d’Azzedine Alaïa. Pour lui, comme Balenciaga et d’autres rares créateurs parmi lesquels Gabrielle Chanel, la vie et le travail n’étaient qu’un même espace réuni. Cet esprit est retranscrit dans la proximité du visiteur avec les robes, orientées de biais, afin que chacun puisse tourner autour d’elles et les saisir dans leur totalité. Les reliefs construits par une main experte font même naitre l’envie d’une proximité défendue.

 

Hors de ce parcours, un escalier nous mène au premier étage au sein duquel le visiteur peut observer croquis et images d’archives des créations Balenciaga, comme une parenthèse didactique hors d’une expérience immersive au plus près des vêtements.

 

Alaïa et Balenciaga sculpteurs de la forme, jusqu’au 28 juin 2020 à l’Association Azzedine Alaïa, 18 rue de la Verrerie, 75004 Paris

Azzedine Alaïa par Jean-Baptiste Mondino