5 spectacular fashion shows that made fashion history
Dernièrement, les fashion weeks furent l’occasion d’admirer des défilés tous plus impressionnants les uns que les autres : une performance théâtrale au Palais de Chaillot pour Maison Margiela Artisanal, un défilé sur les escaliers de la piazza di Spagna de Rome pour Valentino, un lâcher de boules de feu au Palais de Tokyo chez Rick Owens… Des présentations sensationnelles, qui ont autant marqué le public présent qu’enflammé les réseaux sociaux.
Par Camille Bois-Martin.
Présenter une collection n’a pas toujours impliqué un show spectaculaire. Dans la première moitié du XXe siècle, c’est dans l’intimité des petits salons privé, que les créations haute-couture sont présentées sur des mannequins à une poignée de clientes privilégiées et quelques journalistes. De temps en temps, les couturiers s’aventurent hors de ces espaces capitonnés pour en explorer d’autres : ceux du théâtre par exemple, à l’image de Paul Poiret qui concevait en 1913 les costumes de la pièce de théâtre Le Minaret, ou encore de Gabrielle Chanel en 1924 qui créait les silhouettes du ballet russe Le Train Bleu… À la fin des années 1960, l’apparition du prêt-à-porter et la démocratisation de la mode vont bouleverser le rôle et le format du défilé, tandis que le rôle du créateur évolue : de nouveaux noms comme Thierry Mugler ou Jean-Paul Gaultier apparaissent. Loin des rituels rigides que sont les présentations haute-couture, le prêt-à-porter va ouvrir un océan de possibilités dans lequel les créateurs de mode s’improviseront metteurs en scènes, transformant le défilé de mode en un court spectacle où ils expriment leur vision créative. D’Alexander Mcqueen à Martin Margiela en passant par Yves Saint Laurent, découvrez cinq défilés qui ont révolutionné l’histoire de la mode.
Présenter une collection n’a pas toujours impliqué d’imaginer un show spectaculaire. Dans la première moitié du 20e siècle, c’est dans l’intimité de salons privé que les créations haute-couture sont présentées sur des mannequins à une poignée de clientes privilégiées et quelques journalistes. Parfois, les couturiers s’aventurent hors de ces espaces capitonnés pour en explorer d’autres : ceux du théâtre par exemple, à l’image de Paul Poiret qui concevait en 1913 les costumes de la pièce de théâtre Le Minaret, ou encore de Gabrielle Chanel, en 1924, qui créait les silhouettes du ballet russe Le Train Bleu…
À la fin des années 1960, l’apparition du prêt-à-porter et la démocratisation de la mode vont bouleverser le rôle et le format du défilé, tandis que le rôle du créateur évolue – de nouveaux noms comme Thierry Mugler ou Jean-Paul Gaultier font notamment parler d’eux… Loin des rituels rigides que sont les présentations haute-couture, le prêt-à-porter ouvre alors un océan de possibilités dans lequel les créateurs de mode s’improviseront metteurs en scènes, transformant le défilé de mode en un court spectacle où ils expriment leur vision créative. D’Alexander Mcqueen à Martin Margiela en passant par Yves Saint Laurent, découvrez cinq défilés qui ont révolutionné l’histoire de la mode.
2. Le défilé Martin Margiela printemps-été 1989
À la fin du mois d’octobre 1988, dans un petit café-théâtre parisien de 300 places, le beau monde de la mode s’agite. Installés sur de rustres bancs en bois disposés dans le Café de la Gare, ces derniers, parmi lesquels Jean-Paul Gaultier, patientent avant le début du premier défilé de la maison du créateur belge Martin Margiela, tout juste diplômé de l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers. En guise d’invitation, une simple page de journal envoyée dix jours auparavant, sur laquelle les informations du défilé sont entourées en rouge, perdues parmi les annonces publicitaires. Au sein du théâtre, le décor se veut tout aussi simple : des grandes toiles blanches disposées au sol font office de podium, sur lequel vont se succéder 52 silhouettes, se faufilant également parmi les invités sur des chansons des Rolling Stones, Iggy Pop et Velvet Underground.
Trempés dans de la peinture fraîche, les pieds des mannequins maculent de rouge la piste. Certaines sont pieds nus, et d’autres portent les fameuses Tabis, que le créateur introduit dès le premier passage du défilé avant de les commercialiser en 1992. Imaginée comme une chaussure « invisible”, la bottine, dont la forme sépare le gros orteil du reste du pied, doit donner l’illusion d’un pied nu, posé sur un talon. C’est en tout cas ce que les traces au sol – réutilisées en motif pour le défilé suivant – laissent suggérer. Le visage des modèles sont voilés, totalement anonymes, alors même que l’époque voit naître les premières supermodels (en 1998, il fera même défiler des cintres à la place des mannequins).
Avec cette prise de position, marginale dans la mode, Martin Margiela transforme ainsi une présentation classique en un happening artistique, qui, par ailleurs, condense les piliers de sa pratique : le blanc, les lieux underground, la nudité traitée comme une matière… Pour cette collection, la maison ne comptera que sept clients, dont deux seulement seront livrés du fait de problèmes de production. Au-delà d’une vocation purement commerciale, ce défilé pose en tout cas les bases de l’univers du créateur et connaît, malgré tout, un grand succès médiatique. À tel point que ses prochaines invitations s’arracheront, tant par leur originalité que pour leur valeur symbolique. Une excitation que le créateur alimentera continuellement, en organisant un an plus tard son défilé dans un jardin abandonné du 20e arrondissement de Paris avec, en guise d’invitation, des dessins coloriés au feutre par des enfants… La légende Margiela était née. Un univers subversif dont on retrouvait toute l’audace au défilé Maison Margiela Artisanal, organisé il y a quelques jours sous le Pont Alexandre III et créant la stupéfaction générale…
3. Le défilé Versace automne-hiver 1999-2000
Tandis que Martin Margiela cachait le visage de ses mannequins, Gianni Versace choisissait, lui, d’en faire le climax de ses défilés. En particulier pour celui de sa collection automne-hiver 1991-1992, incontournable puisqu’il inaugure l’ère flamboyante des supermodels. Alors que le tube de George Michael Freedom! ’90 envahit les ondes depuis plusieurs mois, le créateur italien la choisit comme la bande-son de sa présentation. Mais il n’emprunte pas que son rythme entraînant au chanteur… Sorti en octobre 1990, le clip de la chanson réunissait en effet cinq mannequins, célèbres pour leurs couvertures de magazines, mais rares sur les podiums : Naomi Campbell, Linda Evangelista, Tatjana Patitz, Christy Turlington et Cindy Crawford. C’est alors que Gianni Versace, sur une idée de sa sœur Donatella, décide de les faire monter sur son podium. Début 1991, ces dernières enflamment ce défilé, depuis devenu culte. Aussi sexy qu’on puisse l’imaginer, elles arborent les créations moulantes et colorées de Versace pour son final, main dans la main, chantant en playback les paroles de Freedom! ’90. Le public est galvanisé : les supermodels sont nés, décrochant pendant les prochaines décennies les plus gros contrats tout en arpentant les podiums des maisons les plus prestigieuses, qui, passé ce défilé, vont toutes se les arracher. En 2018, Donatella Versace, qui a succédé à son frère après son assassinat en 1997, rend hommage à ce moment iconique de la mode en invitant les stars du défilé de 1991 à clôturer son show ; Carla Bruni, Claudia Schiffer, Naomi Campbell, Cindy Crawford, Helena Christensen… Dieu créa la femme, Versace la supermodel.
4. Le défilé Alexander McQueen printemps-été 1999
Alexander McQueen a marqué l’histoire de la mode à coups de ses nombreuses performances sensationnelles : de son podium recréant un jeu d’échecs géant en 2005 à sa présentation qui a (littéralement) pris le feu en 1997, en passant son célèbre défilé Voss en 2001 où l’écrivaine Michelle Olley apparait nue et masquée… Le créateur anglais, disparu en 2010, ne lésinait pas sur les moyens, et encore moins dans la provocation. Celui qu’on surnommait alors « l’enfant terrible de la mode” anglaise organise pour son défilé N°13 printemps-été 1999 une performance dans un hangar désaffecté, qui marquera à la fois l’histoire de la mode et celle de sa maison.
Loin d’être un simple coup marketing – la maison refuse même une invitation à Victoria Beckham afin de concentrer l’attention du public sur le podium –, la présentation réunit des mannequins autour de deux robots immobiles installés de chaque côté de la pièce, semblables à ceux utilisés pour repeindre les carrosseries de voiture. Pour le final, Shalom Harlow prend place au centre de la salle. Debout sur une plaque tournante, la top arbore une robe bustier blanche tenue par une ceinture. Sur une musique d’opéra de plus en plus stridente, elle se débat tandis que les robots, maintenant animés, projettent des jets de peinture noirs et jaunes sur la mousseline immaculée. À la manière des drippings du peintre abstrait Jackson Pollock, la robe est alors recouverte de tâches de couleurs, tel un tableau grandeur nature du génie d’Alexander Mcqueen. Puis Shalom Harlow marche vers les caméras, le visage plein d’éclaboussures, et quitte le podium.
Ni lui, ni les spectateurs médusés, ne pouvaient anticiper le résultat de cette performance : et là se trouvait justement le cœur du sujet. Face à la violence d’une industrie toujours plus exigeante envers des créateurs confrontés à l’angoisse de la page blanche, le créateur fait de la dichotomie entre fabrication industrielle (les robots) et artisanale le cœur de sa collection couplant les broderies anglaises de la robe du final à un hommage aux Arts and Crafts (mouvement fondateur dans les arts décoratifs anglais de la fin du 19e siècle), auxquels font références les autres tenues en cuir, bois ou raphia de son défilé . Autant de revendications qu’Alexander McQueen n’aura de cesse de multiplier au gré de saisons et des défilés.
5. Le défilé Yves Saint Laurent du 12 juillet 1998
Si Yves Saint Laurent est plus connu pour l’élégance de ses défilés que pour leur faste, celui du 12 juillet 1998 est l’exception qui confirme la règle. Organisé au stade de France lors de la finale de la Coupe du Monde de football, celui-ci s’est tenu devant les 84 000 personnes présentes dans les gradins pour ce match mémorable, ainsi que ses 1,7 milliards de téléspectateurs. Une immense audience donc, à la hauteur de la carrière du créateur, qui célébrait l’héritage de sa maison inaugurée en 1962. Remplir un stade de ses créations, aucun créateur ne l’avait jusqu’ici imaginé : sauf Yves Saint Laurent, qui a réuni pour l’occasion plus de 300 pièces de ses archives, piochant dans 174 de ses collections.
Ainsi sa saharienne foulait-elle la pelouse du stade de France, suivie de son iconique tailleur-pantalon, sa robe Mondrian, ses vestes brodées de citations de Cocteau et Apollinaire… En tout, le défilé d’une quinzaine de minutes a nécessité le savoir-faire de plus de 900 personnes, parmi lesquelles une ribambelle de supermodels comme Carla Bruni, Adriana Karembeu, et sa muse Laetitia Casta. Dans une chorégraphie en six actes, les silhouettes défilent par thématique, avant de se rejoindre au centre du terrain pour le final, en formant le fameux logo YSL dessiné par le célèbre graphiste ukrainien Cassandre (1901-1968), visible en hauteur depuis les gradins. Une démonstration magistrale qui témoigne de l’influence d’Yves Saint Laurent dans la culture française. Trois ans plus tard, l’illustre couturier se retirait du monde de la mode.
Presenting a collection did not always involve spectacular shows. In the first half of the 20th century, Haute couture creations were presented on models to a handful of valued clients and a few journalists in the intimacy of small private rooms. From time to time, couturiers would venture beyond these plush padded spaces to explore other venues: the stage for instance, like Paul Poiret who designed the costumes of the play Le Minaret in 1913, while Gabrielle Chanel created the outfits for the Russian ballet Le Train Bleu in 1924. In the late 1960s, the advent of ready-to-wear and the popularisation of fashion transformed the purpose and format of fashion shows, while the role of designers evolved: new names such as Thierry Mugler or Jean-Paul Gaultier surfaced. Far from the stiff rituals of Haute couture presentations, ready-to-wear opened up a wealth of possibilities and fashion designers became stage directors, transforming the catwalk into short shows in which they expressed their creative vision. From Alexander McQueen to Martin Margiela, including Yves Saint Laurent, discover five fashion shows that revolutionised the history of fashion.
1. The Thierry Mugler fall-winter 1984-1985 and fall-winter 1995-1996 shows
Thierry Mugler was the first – and probably the best – showrunner in fashion. He made his mark in 1984 with an anniversary show of unprecedented scale, ten years after the creation of his house. Organised at the Zenith concert hall in Paris, the show took place on a 35-metre catwalk and was open to the public for the first time (something that inspired other labels, such as Marine Serre for her spring-summer 2023 show last June and Diesel’s upcoming show in September). The event was memorable: in all, 6,000 paying guests attended the show. In an exceptional turn of events, Thierry Mugler coordinated everything himself, from the lights to the set, including the 250 outfits that were shown to a soundtrack compiling the hits of the time. To celebrate the 20th anniversary of the brand, the designer repeated the experience, but this time at the Cirque d’Hiver venue. Once again, he oversaw all the details of the completely outrageous show, which aired on television, in full and live on the local TV network Paris Première. This was unheard of for a fashion show, and it would become a habit over the next few years. To the tune of Bobby Byrd and James Brown’s Sex Machine, supermodels Naomi Campbell, Jerry Hall, Claudia Schiffer and Kate Moss wore his most iconic creations, confirming his boundless genius. As a backdrop, he designed a spectacular stage with a huge star at its centre, a reference to the heady Angel fragrance. Some of the cult looks from this show have made history: his metal and Plexiglas jumpsuit designed with the artist Jean-Jacques Urcun made the front page of the most prestigious fashion magazines, as well as his velvet and satin dress inspired by the painting The Birth of Venus by the Renaissance painter Botticelli, which would be worn by Cardi B at the Grammy Awards in 2019… A real fashion moment, whose lasting impact was showcased in the exhibition dedicated to the creator at the Musée des Arts Décoratifs (the Paris Museum of Decorative Arts) until last April. And while Thierry Manfred Mugler sadly passed away earlier this year, the glamorous extravagance of his house lives on, perpetuated by the brilliant American designer Casey Cadwallader who joined the house in 2017 – and who demonstrated it in the video of his latest spring-summer 2022 collection.
2. The Martin Margiela spring-summer 1989 show
Late October 1988, in a small Parisian cabaret with 300 seats, the fashion world was in turmoil. They were sitting on rough wooden benches in the Café de la Gare theatre, among them Jean-Paul Gaultier, waiting for the first show of the Belgian designer Martin Margiela, who had just graduated from the Royal Academy of Fine Arts Antwerp. The invitation was a simple newspaper page sent out ten days before, which featured the information about the show circled in red, lost among the ads. In the theatre, the set was just as unassuming: large white canvases on the floor served as a catwalk, welcoming a sequence of 52 looks to songs by the Rolling Stones, Iggy Pop and the Velvet Underground, while the models walked among the guests. The models’ feet were dipped in fresh paint and stained the runway red. Some were barefoot, while others wore the famous Tabis, which the designer introduced at the first runway show before commercializing them in 1992. Designed as an « invisible » shoe, the boot, whose form separates the big toe from the rest of the foot, must give the illusion of a bare foot balanced on a heel. At least that is what the traces on the floor – used as a pattern for the following show – suggest. The models’ faces were completely anonymous, hidden behind veils, even though that decade had witnessed the birth of the first supermodels (in 1998, he even had hangers appear instead of models). With his nonconformist approach to fashion, Martin Margiela transformed the classic presentation into an artistic happening, which, moreover, showcased the cornerstones of his practice: the colour white, underground venues, nudity treated like a material… For this collection, the house had only seven clients, of whom only two were delivered due to production issues. Beyond its purely commercial ambition, this show laid the foundations of the designer’s world and was nevertheless a media sensation, so much so that the following invitations were snapped up, both for their originality and their symbolic value. A frenzy that the designer would continue to feed by organising his next show a year later in an abandoned garden in the 20th arrondissement of Paris, with, for invitations, drawings coloured in felt pens by children… The Margiela legend was born.
3. The Versace fall-winter 1999-2000 show
While Martin Margiela hid the faces of his models, Gianni Versace chose to make them the climax of his shows. In particular for his fall-winter 1991-1992 collection, which was a must-see as it ushered in the flamboyant era of supermodels. While for several months George Michael’s hit Freedom! ’90 had been taking the airwaves by storm, the Italian designer chose it as the soundtrack of his presentation. But he didn’t just borrow the catchy tune from the singer… The video for the song, released in October 1990, featured five models who were famous for their magazine covers but appeared seldom in fashion shows: Naomi Campbell, Linda Evangelista, Tatjana Patitz, Christy Turlington and Cindy Crawford. It was then that Gianni Versace, inspired by his sister Donatella, decided to invite them on his catwalk. Early 1991, the models set the catwalk ablaze and it has since become a cult show. Fiendishly sexy, they wore Versace’s tight, colourful designs for the finale, holding hands, lip-synching the lyrics to Freedom! ’90. The audience was galvanised: the supermodels were born, who would go on to land the biggest contracts for the following decades while walking the catwalks of the most prestigious fashion houses, all of which would be snapping them up in the aftermath of this show. In 2018, Donatella Versace, who succeeded her brother after his murder in 1997, paid tribute to this iconic fashion moment by inviting the stars of the 1991 catwalk to close her show; Carla Bruni, Claudia Schiffer, Naomi Campbell, Cindy Crawford, Helena Christensen… God created woman, and Versace the supermodel.
4. The Alexander McQueen spring-summer 1999 show
Alexander McQueen was famous for his many sensational performances: for instance his catwalk recreating a giant chess game in 2005, the presentation that (literally) caught fire in 1997 or his famous Voss show in 2001 in which the writer Michelle Olley appeared naked with a mask. The English designer, who sadly passed away in 2010, spared no expenses and challenged his audiences. The man known for being the enfant terrible of fashion organised a performance in a disused warehouse for his N°13 spring-summer 1999 show, which left its mark both on the history of fashion and that of his house. Far from a marketing stunt – the house even refused to invite Victoria Beckham, who was not at the time a respected businesswoman, in order to focus the public’s attention on the catwalk. The models walked around two motionless robots set up on either side of the room, similar to those used to paint car bodies. For the finale, Shalom Harlow took her place in the centre of the room. Standing on a turntable, she wore a white strapless gown cinched with a belt. To increasingly piercing opera music, she struggled as the now animated robots sprayed black and yellow paint onto the pristine muslin of her outfit. In the manner of abstract painter Jackson Pollock’s drippings, the dress was covered in splashes of colour, a full-scale expression of Alexander McQueen‘s genius. Then Shalom Harlow walked towards the cameras, her face splattered in paint, before exiting the catwalk. Neither the designer nor the stunned spectators could have anticipated the outcome of this performance, and therein lies the heart of the matter. The violence of an industry that is ever more demanding of designers gripped by fear of the blank page, the dichotomy between industrial production (the robots) and crafts, with the whitework needlework on the dress, while the other outfits in his show made of leather, wood or raffia paid tribute to Arts and Crafts (a founding movement in the English decorative arts in the late 19th century). All statements that Alexander McQueen would continue to make in his shows.
5. The Yves Saint Laurent show on 12th July 1998
Although Yves Saint Laurent was better known for the elegance of his fashion shows than for their extravagance, the one held on 12th July 1998 was the exception that proved the rule. Organised at the Stade de France during the World Cup final, it was held in front of the 84,000 people in the stands of this memorable game and its 1.7 billion television viewers. The tremendous audience, equal to the designer’s career, celebrated the legacy of his house, which opened in 1962. Filling a stadium with his or her creations was something no designer had ever imagined before: except Yves Saint Laurent, who brought together more than 300 pieces from his archives for the occasion, scouring through 174 of his collections. His safari jacket walked across the pitch of the Stade de France, followed by his iconic tuxedo trouser suit, his Mondrian dress, his jackets embroidered with quotations by Cocteau and Apollinaire… In all, the fifteen-minute show required the expertise of more than 900 people, including a host of supermodels such as Carla Bruni, Adriana Karembeu, and his muse Laetitia Casta. In a six-part choreography, the outfits were organised by theme, with the models joining in the centre of the field for the finale, forming the famous YSL logo created by the renowned Ukrainian graphic designer Cassandre (1901-1968), visible from the stands. A remarkable demonstration of Yves Saint Laurent’s influence on French culture. Three years later, he retired from the world of fashion.
3. Le défilé Versace automne-hiver 1999-2000
Tandis que Martin Margiela cache le visage de ses mannequins, Gianni Versace choisit, lui, d’en faire le climax de ses défilés. En particulier pour celui de sa collection automne-hiver 1991-1992, incontournable puisqu’il inaugure l’ère flamboyante des supermodels. Alors que le tube de George Michael Freedom! ’90 envahit les ondes depuis plusieurs mois, le créateur italien la choisit comme la bande-son de sa présentation. Mais il n’emprunte pas que son rythme entraînant au chanteur… Sorti en octobre 1990, le clip de la chanson réunit en effet cinq mannequins, célèbres pour leurs couvertures de magazines, mais rares sur les podiums : Naomi Campbell, Linda Evangelista, Tatjana Patitz, Christy Turlington et Cindy Crawford.
C’est alors que Gianni Versace, sur une idée de sa sœur Donatella, décide de les faire monter sur son podium. Aussi sexy qu’on puisse l’imaginer, ces dernières enflamment ce défilé depuis devenu culte, arborant les créations moulantes et colorées de Versace pour son final, main dans la main, chantant en playback les paroles de Freedom! ’90. Le public est galvanisé : les supermodels sont nées, décrochant pendant les prochaines décennies les plus gros contrats tout en arpentant les podiums des maisons les plus prestigieuses, qui, passé ce défilé, vont toutes se les arracher. En 2017, Donatella Versace, qui succède à son frère après son assassinat en 1997, rend hommage à ce moment iconique de la mode en invitant les stars du défilé de 1991 à clôturer son show – Carla Bruni, Claudia Schiffer, Naomi Campbell, Cindy Crawford, Helena Christensen… Dieu créa la femme, Versace la supermodel.
1. Les défilés Thierry Mugler automne-hiver 1984-1985 et automne-hiver 1995-1996
Thierry Mugler a été le premier – et probablement le meilleur – showrunner de la mode. Il marque les esprits dès 1984, avec un défilé anniversaire inédit dans toutes ses proportions, marquant les dix ans après la création de sa maison. Organisé au Zénith de Paris, le spectacle se déploie sur un podium de 35 mètres, et est pour la première fois ouvert au public (ce dont certains labels s’inspireront, à l’image du défilé Marine Serre printemps-été 2023 en juin 2022 ou encore Diesel en septembre de la même année). L’évènement est mémorable : en tout, 6 000 personnes ayant acheté leurs places assistent à la représentation.
Fait exceptionnel, Thierry Mugler a tout coordonné lui-même, des lumières, au décor, en passant par les 250 tenues qui se succèdent au rythme des tubes de l’époque. Pour les vingt ans de la marque, le créateur réitère l’expérience mais, cette fois-ci, au Cirque d’hiver. À nouveau, il veille à tous les détails de ce défilé-spectacle totalement démesuré, qui sera rediffusé intégralement à la télévision, en direct sur Paris Première. Un évènement inédit pour un défilé de mode, qui deviendra une habitude au cours des prochaines années. Sur les airs de Sex Machine de Bobby Byrd et James Brown, les mannequins stars Naomi Campbell, Jerry Hall, Claudia Schiffer, et Kate Moss incarnent ses créations les plus iconiques, témoignant de son génie sans fin. Comme écrin, il conçoit une scène spectaculaire avec, en son centre, une immense étoile, en référence à son capiteux parfum Angel.
De ce défilé subsistent des silhouettes cultes : sa combinaison en métal et Plexiglas conçue avec l’artiste Jean-Jacques Urcun fera la une des plus prestigieux magazines de mode, ou encore sa robe de velours et satin, inspirée par le tableau La naissance de Vénus du peintre renaissant Botticelli, qui sera arborée en 2019 par Cardi B aux Grammy Awards… Un véritable moment de mode, dont on a pu admirer les souvenirs lors de l’exposition dédiée au créateur au Musée des Arts décoratifs au printemps 2022. Et si Thierry Manfred Mugler nous a depuis quittés, l’extravagance teintée de glamour de sa maison demeure, perpétuée saison après saison par le génial créateur américain Casey Cadwallader (arrivé en 2017) – à l’image de son stupéfiant show musical défilé printemps-été 2024.