5 jeunes créateurs repérés par Gucci
Du 16 au 22 novembre derniers, la maison Gucci organisait son GucciFest, un festival de films de mode diffusé sur plusieurs plateformes digitales et pensé comme une alternative au défilé. En plus d’une mini-série en 7 épisodes réalisée par son directeur artistique Alessandro Michele et le cinéaste Gus Van Sant, où apparaissaient de nombreux artistes à l’instar de Billie Eilish et Harry Styles vêtus des pièces de la collection printemps-été 2021 de la maison italienne, l’événement fut l’occasion de mettre en lumière 15 jeunes créateurs de mode ayant chacun produit un film avec Gucci. Focus sur 5 de ces talents prometteurs.
Par Matthieu Jacquet.
1. Charles de Vilmorin : quand les contes croisent les films d’horreur des années 80
Dans le monde merveilleux de Charles de Vilmorin se croisent lutins et fées, elfes et farfadets, créatures aquatiques et princes déchus, autant de créatures qui prennent vie dans son film réalisée avec Gucci et viennent transformer le créateur lui-même. Car à 23 ans, ce Français a déjà su coucher sur le papier et modeler sur les corps un imaginaire puissant : dans ses dessins, des visages et corps longilignes à la Egon Schiele s’augmentent de traits de crayons multicolores, d’oreilles pointues et de cornes, tandis que des visages, cœurs et fleurs se dessinent sur les nombreuses coutures de ses vestes matelassées hyper-volumineuses aux épaules marquées– clin d’œil féroce aux années 80 –, sur les imprimés aux tonalités vives et pop de ses leggings et via les broderies chatoyantes de ses chemises ou de ses pulls. Le tout compose un vestiaire baroque et sculptural où opulence et extravagance triomphent. Fin janvier prochain, le jeune homme sera d’ailleurs l’un des trois membres invités du calendrier officiel des collections haute couture printemps-été 2021.
2. Ahluwalia Studio : quand l’upcycling revisite les années 90
Si Priya Ahluwalia était une décennie, elle serait sans hésitation 1990. De ces années durant lesquelles elle a grandi au sud de Londres, la créatrice britannique revisite avec une tendre nostalgie un vestiaire sportswear en pleine expansion à l’époque, des polos aux vestes à zip, des imprimés graphiques et contrastés, qu’elle décline sur casquettes, shorts est débardeurs, jusqu’au denim bleu clair dans lequel elle coupe pantalons et chemises à boutons, qu’elle parsemait pour la saison automne-hiver 2020-2021 de motifs sinueux. Inspirée par sa propre famille et ses origines indo-nigérianes et jamaïcaines, la jeune femme lance son label de prêt-à-porter pour homme en 2018 et, après plusieurs voyages marquants, en Inde et au Nigéria, décide de faire du recyclage textile l’un de ses combats. Son innovation et son engagement éco-responsable lui vaudront un an plus tard de remporter le prix du Design H&M, de collaborer avec adidas et même d’être l’une des finalistes du prix LVMH en 2020. Tandis que dans un livre de photographies très personnel paru récemment, elle rendait hommage à la communauté punjabie de Londres, ce sont différentes cultures africaines que la jeune femme célèbre dans son film aux airs de documentaire pour Gucci, qui réunit autant poètes et activistes que figures matriarcales à travers des témoignages émouvants.
3. Boramy Viguier : quand le streetwear rencontre le Moyen-âge
Là où Charles de Vilmorin puise volontiers dans les contes et récits mythologiques, Boramy Viguier lui préfère l’épopée chevaleresque et la heroic fantasy. Son film Lord Sky Dungeon pour Gucci s’en fait une nouvelle preuve : devant des étendues montagneuses qui rappellent les royaumes du Seigneur des Anneaux, des personnages s’entraînent à l’épée, soufflent dans des olifants ou se balancent sur des encensoirs pendant qu’une reine Lilith, vêtue de blanc, verse un liquide sacré dans un chaudron avant d’affronter les chevaliers. Chez le trentenaire français, cet univers hybride mêlant aussi bien le monde médiéval que l’esthétique des jeux vidéos, et ses artefacts symboliques souvent mystiques ne servent qu’à mieux contextualiser des silhouettes où le streetwear rencontre le tailoring en se dotant de nombreux détails fonctionnels : vestes cagoulées, parkas à poches et capuches, hoodies et liens de serrage, tissus techniques et superpositions d’accessoires. En trois ans depuis la création de son label, Boramy Viguier a su bâtir son ADN à travers des pièces phares telles que ses manteaux en cuir végan ou à imprimés fleuris, ses veste gonflées façon bombers, ses ceintures à pochettes ou encore la coupe brodée devenue son logo signature, tous présentes dans sa pré-collection automne 2021.
4. RUI : quand la lingerie fragmente les corps
Si on qualifie souvent le vêtement de seconde peau, l’analogie pourrait difficilement être aussi juste que pour parler des pièces de RUI. Lancé l’an dernier par la créatrice chinoise Rui Zhou, le label se propose – d’après ses propres mots – d’“explorer l’idée d’imperfection” et de “célébrer l’élégance poétique entre le la peau et le vêtement”. Et c’est effectivement ce que l’on constate devant ses pièces repoussant les limites de la lingerie, dont la fragilité et la finesse font écho à celles des couches de l’épiderme. Tantôt étendues des épaules au chevilles, tantôt fragmentées pour n’entourer que les bras ou couvrir le ventre et le sexe comme une culotte, ses créations étirant et reliant des empiècements en maille légère par des perles brodées épousent le corps et semblent ne tenir qu’à un fil. Ici, les vides laissés par leurs ajours importent autant que les pleins teintés de couleurs douces – gris perle, vert d’eau, mauve, beige, bleu pastel ou encore rose poudré – pendant que quelques pantalons recouvrent les jambes de volumes plus sculpturaux. Pour Gucci, Rui Zhou raconte une fable étrange et poétique où quatre femmes incarnant des animaux se réunissent dans une maison, fascinées par une émeraude étincelante.
5. Stefan Cooke : quand le savoir-faire britannique permet l’expérimentation
Pulls tricotés, blazers ajustés, pantalons et vestes en tweed ou encore princes de Galles : nul ne fait doute, Stefan Cooke est bel et bien un label britannique. C’est après avoir fait ses armes auprès de Walter van Beirendonck puis John Galliano que le jeune homme a fondé ce label à son nom, en duo avec son partenaire Jake Burt. Là où ce dernier s’illustre plutôt dans la composition des ensembles et le stylisme, le premier se distingue particulièrement par son tailoring et son approche artisanale du matériau et des imprimés. En atteste l’une de leurs pièces les plus emblématiques : le pull à bord-côte dont les jours dessinent les losanges d’un motif jacquard, ces mêmes losanges esquissés par des clous sur quelques vestes et pantalons en denim. Dans son film en noir et blanc, le duo finaliste du prix LVMH en 2019 met en scène sa dernière collection dans un défilé devant des séquences d’archives parfois intimes et des vues du Royaume-Uni d’où émane un romantisme mélancolique à l’anglaise. Les nuances de gris de l’image incitent alors à se concentrer sur les contrastes et les jeux de texture des pièces, à l’instar des damiers, plissés et autres pantalons bimatières qui composent les silhouettes.
Découvrez tous les films des 15 créateurs choisis par Gucci sur le site du GucciFest.