5 créateurs revisitent l’héritage de Jean Paul Gaultier dans une collection capsule exceptionnelle
S’il avait annoncé mettre fin à sa carrière longue de 50 ans en janvier 2020, Jean Paul Gaultier n’avait pas tardé à annoncer une collection couture avec la créatrice japonaise Chitose Abe du label Sacai. En attendant de la découvrir, Florence Tétier, directrice créative de la maison invite 5 créateurs à revisiter son prêt-à-porter. Nix Lecourt Mansion, Alan Crocetti, Palomo Spain, Marvin M’Toumo et Ottolinger ont ainsi revisité l’héritage de Jean Paul Gaultier à travers la collection événement “Les Marins”, un des thèmes emblématiques du couturier.
par Léa Zetlaoui.
Florence Tétier, directrice créative de Jean Paul Gaultier
Ce mois de mai 2021 marque un nouveau tournant pour la maison Jean Paul Gaultier, sous la houlette de sa directrice créative Florence Tétier, qui renoue avec le prêt-à-porter, activité stoppée en 2015.
Sur Instagram, via le hashtag #futureiscollective et à travers deux images qui mettent en scène Tanel Bedrossiantz – mannequin masculin emblématique de la maison – et Bella Hadid, la maison dévoile, à l’occasion du mois des fiertés, un tout nouveau projet. Composée de pièces unisexes et inclusives, cette collection s’articule autour d’un des thèmes favoris du couturier, le mythe du marin.
La Marinière, pièce culte de Jean Paul Gaultier
Introduite dès son premier défilé en 1983, la marinière est un élément mythique du vocabulaire de Jean-Paul Gaultier. Si elle s’impose comme une réminiscence de son enfance, elle évoque également le film à haute tension homoérotique Querelle de Fassbinder (1983) dont le héros est un marin sensuel qui inspirera la figure du Mâle, grand succès des parfums Jean Paul Gaultier.
Pour cette collection, le studio de haute couture revisite la marinière à travers 6 pièces lacérées, recomposées, rassemblées, transformées, tandis que des pièces vintage et upcyclées seront proposées à la vente comme les tee-shirts transparents en mesh, des robes de marin ou des casquettes en jean. “En fait, je ne sais pas du tout ce que veut dire ce mot [upcyclé], mais je l’ai utilisé car “up” me faisait penser à la haute couture. Il s’agit donc de recycling avec ma propre couture, que j’ai mélangée aussi avec du prêt-à-porter”, confiait le créateur dans une interview à Numéro.
Cinq créateurs revisitent le prêt-à-porter Jean Paul Gaultier
Mais ce n’est pas tout. Jean Paul Gaultier s’est également entouré de 5 créateurs parmi les plus prometteurs de leur génération, qui partagent les valeurs de liberté, tolérance et créativité du couturier ainsi que des similarités dans leur parcours et dans leur vision de la mode. Pour cette collection Les Marins, Nix Lecourt Mansion, Ottolinger, Palomo Spain, Alan Crocetti et Marvin M’Toumo transcendent ainsi des pièces ou éléments emblématiques de la maison en créations contemporaines, offrant un nouveau regard sur l’héritage foisonnant du créateur.
La mode flamboyante Nix Lecourt Mansion
Avec ces “tenues de soirée pour personnes flamboyantes” inspirées de femmes à la personnalité singulière comme Dolores Sanchez – la première femme matador espagnole –, puis Séverine Sérizy – le personnage incarné par Catherine Deneuve dans Belle de jour –, puis la prêtresse vaudoue Marie Laveau, Nix Lecourt Mansion séduit en 2019 l’ANDAM qui lui décerne le Prix Pierre Bergé. Si elle s’inscrit davantage dans la lignée d’un Thierry Muller pour le côté dramatique et empowerment de ses créations, elle partage avec Jean Paul Gaultier un amour de la tradition haute couture qu’elle mélange allègrement à des références pop ou à des pièces d’inspiration lingerie.
Le baroque subversif de Palomo Spain
De son côté, le créateur espagnol Alejandro Palomo, fondateur de Palomo Spain, propose saison après saison des collections baroques et subversives, riches en ornements et en détails romantiques, qui bousculent le vestiaire masculin en piochant dans l’histoire du costume et surtout dans une esthétique éminemment féminine.
Le style brut d’Ottolinger
Pour le duo allemand Ottolinger, composé de Cosima Gadient et Christa Bösch, la mode s’impose comme un laboratoire d’expérimentation où elles imaginent des créations brutes, asymétriques et déstructurées, à partir de tissus déchirés, altérés de taches de peinture et parfois même brûlés, réassemblés en patchworks savants qui témoignent d’une créativité sans limite.
Les bijoux érotiques d’Alan Crocetti
Au sein de cette collection exceptionnelle, Jean Paul Gaultier invite également Alan Crocetti dont les bijoux brisent les codes du genre tant par leur design brut voire agressif que par le porté lui-même. Un sparadrap en argent posé sur le nez, des anneaux qui habillent le cartilage de l’oreille ou la lèvre inférieure, des bagues et bracelets qui emprisonnent les doigts entre eux… le créateur brésilien puise dans les cultures underground et dans un rejet de la tradition joaillière classique pour proposer des collections d’une grande liberté créative, tout comme Jean Paul Gaultier à ses débuts.
La poésie de Marvin M’Toumo
Enfin, Marvin M’Toumo, lauréat du prix Chloé au Festival de mode d’Hyères en 2020, complète cette sélection éclectique. Le chanteur, danseur, performeur et mannequin proposait pour le festival une collection ludique composée d’une multitude de personnages archétypaux – inspirés par des noms d’oiseaux – qui puisent autant dans la haute couture que dans le costume.
Le 22 janvier 2020, Jean Paul Gaultier présentait un défilé spectaculaire qui venait clore une carrière longue de 50 ans d’une richesse et d’une créativité exceptionnelles. À l’orée des années 80, Jean Paul Gaultier, surnommé “l’enfant terrible de la mode” a bouleversé l’univers de la haute couture avec des collections inspirées par les cultures populaires et underground, les stars du cinéma et de la musique et au sein desquelles transparaissent son esprit rebelle et son goût de la provocation. Au sein de cet ultime show grandiose qui réunissait Boy George, Dita Von Teese, Rossy de Palma, Béatrice Dalle, Kiddy Smile et Mylène Farmer ainsi que les top models Karen Elson, Bella et Gigi Hadid et Irina Shayk, Jean Paul Gaultier présentait un florilège de ses meilleures collections : costumes de marin, corsets coniques, robes de Marianne, total look jean destroy, combinaison tatouage, smokings revisités, ou encore silhouettes de madones et looks masculin-féminin se sont succédé avec effervescence et émotion.
Coup de théâtre, quelques jours après cet évènement, le couturier confiait à Numéro ne pas fermer sa maison, mais préparer de nouveaux projets plus en phase avec l’industrie actuelle. Il nous confiait alors : “J’ai trouvé un concept que je ne peux pas encore dévoiler, mais qui correspond à l’époque et qui permettra aux collections de couture de continuer sans moi. C’est tout à fait possible, il y a plein de jeunes – et de moins jeunes – qui ont du talent.” En mars 2020, Jean Paul Gaultier dévoilait les prémices de ce nouveau concept couture qui consiste à inviter chaque saison un designer à réinterpréter les codes de la maison française. Chitose Abe, créatrice japonaise à l’origine du label Sacai et connue pour son approche avant-gardiste du vêtement, sera la première à collaborer avec le couturier français, lors d’un défilé dont la date demeure encore inconnue – repoussée à cause de la pandémie.
Retrouvez la collection sur lesmarins.jeanpaulgaultier.com