3 pièces de folie repérées au 39e Festival de Hyères
Si le Festival de Hyères regorge chaque année de talents émergents et de créations passionnantes, Numéro a repéré au cours de cette 39e édition une ribambelle de pièces surprenantes. Serviette en chocolat, robe en bâche de voiture, veste de moto accidentée… Retour sur trois vêtements fascinants, commentés par leurs créateurs Tal Maslavi, Romain Bichot et Logan Monroe Goff.
Propos recueillis par Camille Bois-Martin.
La serviette en chocolat de Tal Maslavi
“Cette collection que j’ai appelée ‘Sugar Rush’ est un voyage personnel, une recherche de ce que sont la satisfaction et le plaisir à notre époque. J’essaye de jouer avec les sens au travers des matériaux – le toucher, l’odorat, le goût… Notamment avec cette serviette en chocolat, qui est plus accessoire que comestible. Pour la rendre rigide, j’ai ajouté beaucoup de sucre.
J’en ai réalisé deux modèles, dont un que le jury a mangé pendant le Festival de Hyères ! J’adore explorer les matières et j’ai l’impression que, plus je les travaille, plus je trouve de nouvelles façon de les utiliser. Ce genre de pièce est représentative de mon travail, qui se concentrera à l’avenir plutôt sur les accessoires trompe-l’œil, comme des chaussures et des sacs qui ressemblent à des parts de gâteaux, fabriqués en plastique. ”
Tal Maslavi, lauréat Mention spéciale du jury du 39e Festival de Hyères, 2024.
La robe-bâche de voiture de Romain Bichot
“J’ai imaginé ma collection lors d’une balade nocturne dans la ville de Bruxelles, en rentrant de soirée. Il est 4h du matin, tu regardes autour de toi, il fait sombre et tu as peur. Alors tu cherches des objets pour te cacher, pour te fondre dans l’environnement urbain. J’ai d’abord conçu une robe-matelas à partir d’un matelas abandonné et roulé dans une poubelle que j’ai refait en silhouette. Puis j’ai pensé, pour le Prix Mercedes-Benz, à ces bâches de voiture que l’on met pour les protéger à la nuit tombée.
Ma première réflexion n’a pas été la durabilité à proprement parlé [ndlr : le Prix Mercedes-Benz a pour critère la sustainability], mais sur les mots production et consommation ; car c’est ce qui pose principalement problème dans la mode aujourd’hui, peut-être plus que les matières durables. Donc j’ai décidé d’acheter cette housse de voiture dans un magasin, dont j’ai gardé le ticket de caisse. J’ai créé un corset séparé pour le buste, et j’ai développé des épingles à nourrice pour draper la bâche en robe autour du mannequin, sans ajouter ni couture ni altérer la matière. Et, à la fin du Festival de Hyères, je vais la rapporter au magasin pour me la faire rembourser !”
Romain Bichot, lauréat du Prix 19M et du Prix Atelier des matières du 39e Festival de Hyères, 2024.
La veste accidentée de Logan Monroe Goff
“Je me décrirais comme un junky de la manipulation textile. J’adore le fait de pouvoir prendre un vêtement basique et de créer une toute nouvelle esthétique. Quand j’ai emménagé à Paris pour mes études de mode, je me suis passionné pour le tailoring, qui est à la base de mes premières collections : j’avais en tête cette idée de transition de l’adolescence à l’âge adulte, qui se traduit ici dans mes vêtements, et en particulier dans cette veste. Le cuir pour la jeunesse, le costume pour la maturité.
Pour cette silhouette, on retrouve tous les codes d’une veste de moto, sur laquelle j’ai cousu des morceaux de toile utilisée dans la confection des blazer. Surtout, ce blouson appartient en réalité à mon père, qui est un motard, et avec laquelle il a eu un accident il y a quelques années. Depuis, il l’avait rangée dans une boîte et ne l’avait jamais reportée, par superstition. Alors j’ai décidé de la récupérer pour ma collection, et de l’utiliser telle quelle – on peut notamment voir les traces de l’accident sur les manches. Mon père ne sait même pas que je la lui ai piquée ! Il va le découvrir pendant le Festival de Hyères…”
Logan Monroe Goff, lauréat du Prix Mercedes-Benz Sustainability au 39e Festival de Hyères, 2024.