11 avr 2022

We are ona, le collectif qui dynamite les codes de l’expérience gastronomique

De Paris à Mexico en passant par Arles, le collectif We are ona organise des expériences gastronomiques éphémères dans des lieux souvent extraordinaires. Du 16 au 23 avril, à l’occasion de la Biennale d’art contemporain, il pose ses valise dans un palazzo vénitien où a vécu Casanova…

Un palazzo dans le quartier de Castello à Venise où, dit-on, aurait vécu Casanova, une maison cachée dans la verdure sur les hauteurs du XIXe arrondissement parisien, un rooftop au Mexique et une plage en Turquie… Éparpillés aux quatre coins du globe, ces lieux ont au moins un point en commun : on s’y réunit pour participer à une expérience gastronomique unique, iconoclaste et décapante. Depuis 2019, le collectif We are ona, initié par le Français d’origine italienne Luca Pronzato, pose ses valises dans des endroits cachés, pour des pop-up culinaires qui bouleversent les codes de l’expérience au restaurant. S’attabler n’est plus, ici, l’affaire de se retrouver, un soir, entre amis, pour partager joies, déceptions, tracas du quotidien et déconvenues au bureau. On est réunis, autour d’un comptoir-établi-table ronde, dans un lieu dont la vocation première, le plus souvent, n’est pas d’accueillir des convives et on partage un repas avec des inconnus qui donnent, au moment du dessert, l’illusion d’être vos meilleurs amis. 

 

Tout a commencé avant la pandémie de Covid-19. Il y a plus longtemps même. Luca Pronzato écume, pendant dix ans, les restaurants branchés du monde entier, ceux qui ont érigé les vins natures en rois bien avant que ce soit tendance. Il s’entoure de talents prometteurs et fait étape chez Noma, à Copenhague, où il travaille en salle et découvre le concept du pop-up – le chef néerlandais René Redzepi étant célébrissime pour son adresse itinérante, établie à Tokyo, à Sydney, à Tulum, etc. L’entrepreneur a sans doute été conquis par le concept… Tellement convaincu qu’il l’adapte à sa sauce : We are ona sera, d’après son fondateur, “une communauté de talents réunis pour créer des souvenirs incroyables”. L’idée est donc d’inviter des chefs du monde entier dans des lieux insolites en adaptant toujours le menu en fonction de la destination. 

© Ilya Kagan

À Venise, à partir du 16 avril 2022 et à l’occasion de la Biennale d’art contemporain, les convives du pop-up ouvert dans un palazzo découvriront, installés autour d’une table de huit mètres, la cuisine de Thomas Coupeau – chef français habitué des restaurants éphémères, passé par les adresses parisiennes Carbon, Cantina et Jones Café – à travers un menu “inspiré de l’élégance à la française en utilisant des produits de la région de Venise”. “Nous aimons beaucoup faire découvrir ses cuisines différentes à nos guests tout en respectant la provenance locale des ingrédients”, commente Luca Pronzato, qui a sélectionné des vins naturels d’exception pour l’occasion. À Paris, dans une maison au charme intemporel nichée sur les hauteurs du XIXe arrondissement (nous devons, bien sûr, taire l’adresse exacte) où l’on hume l’odeur des braises, où l’on entend rire aux éclats jusque tard dans la soirée et où l’on ne résiste pas à capturer les bouteilles de vin alignées et utilisées en guise de bougeoir, We are ona programme, sur sept jours, une série de dîners conçus par le chef mexicain Lucho Martinez. Il imagine un repas en huit temps, d’inspiration latino, où le topinambour est relevé au piment poblano (vert, doux et originaire de l’Etat de Puebla au Mexique) et où le chocolat est assorti au miso et agrémenté d’une “rosita de cacao” (une fleur utilisée par les Aztèques pour des préparations à base de cacao).

 

Mais l’expérience du restaurant itinérant ne s’arrête pas là. Elle revêt plusieurs formes. Si chaque restaurant éphémère permet, selon son instigateur, à l’équipe de “voyager, de rencontrer des talents et guests enrichissants et d’apprendre toujours plus sur [sa] passion”, il peut, parfois, tendre vers la sédentarisation, comme à Mexico City où, sur le toit de l’immeuble Circulo Mexicano, un chef est invité à cuisiner tous les mois. À l’inverse, certains pop-up ont une durée de vie très réduite. Hormis les expériences d’une semaine dans un réservoir d’eau à Bâle, des vieilles écuries à Arles ou une usine à Milan, We are one pose ses valises pour des événements culinaires le temps d’une soirée, notamment pour les festivités du monde de la mode. Il y a quelques jours, par exemple, Luca Pronzato et ses équipes ont invité Mory Sacko, un jeune chef étoilé à qui France 3 a offert sa propre émission, à imaginer un dîner pour un magazine français… En sélectionnant des lieux pour leur dimension onirique, “en se baladant, en écoutant l’histoire d’une zone géographique, en tombant amoureux d’une région”, le collectif réussit, avec des menus à moins de cent euros par personne (hors vin), à vendre quelques heures de rêve à leur convives. Ces derniers qui, placés les uns à côté des autres de façon manifestement très calculée, dégustent des plats à la saveur du travail d’équipe, sourcés par les organisateurs directement chez les producteurs et concoctés par des équipes fidèles. Car c’est ça, finalement, We are ona : une expérience qui vaut le détour parce qu’elle célèbre les cuisines du monde et l’esprit d’équipe… Et offre une belle opportunité de faire du networking.

 

Le prochain pop-up de We are ona se tiendra à Venise du 16 au 23 avril, à l’occasion de la Biennale d’art contemporain. Réserver ici.