Paris 2024 : dans les coulisses des Jeux Olympiques (épisode 2/10)
Outre leur aspect sportif, les Jeux Olympiques 2024 mettent également en avant un volet social et inclusif, et un autre écologique, qui nécessitent la coopération étroite de multiples acteurs de secteurs divers. À l’approche des JO, Numéro revient ici sur la préparation de cet événement en dix épisodes, au fil d’une chronique racontée à la première personne, articulant les interventions de personnalités majeures. Au programme de ce second volet : les Jeux de Londres 2012…
Propos recueillis par Olivier Joyard.
Sept ans après la claque de Singapour, les Bleus terminent septièmes au tableau des médailles avec un total de 35, dont 11 en or. Une performance correcte. En coulisse, le président de la République fraîchement élu, François Hollande, remet l’idée d’une candidature parisienne dans les têtes.
À Londres 2012, tout recommence
Tony Estanguet : Londres 2012, ce sont mes derniers Jeux en tant qu’athlète. J’y remporte une troisième médaille d’or. Je deviens aussi membre du CIO. Même si je faisais moins attention à cela, j’ai cru comprendre que François Hollande avait parlé de renouer avec le destin olympique. Il était présent pour la cérémonie d’ouverture et avait visité le village le premier jour. Moi, pendant ce temps, j’étais à l’entraînement au bassin de canoë-kayak.
Thierry Rey : Dès mai 2012, j’ai travaillé au cabinet de François Hollande en tant que conseiller au sport. Les Jeux de Londres arrivaient trois mois après. Là-bas, le président de la République a prononcé un discours devant toute la famille olympique française, avec la volonté de montrer que l’État pourrait être présent si une nouvelle candidature retenant les leçons des échecs du passé émergeait. En clair, Hollande dit : si vous vous présentez, on sera là. Nous avions un peu déterminé le contenu de l’intervention ensemble, car chaque conseiller est en charge de préconiser sur sa thématique.
Hidalgo-Hollande, le pas de deux
Après les Jeux de Londres 2012, la candidature parisienne se dessine doucement, malgré la concurrence de l’Exposition universelle 2025 – un projet trop coûteux qui sera finalement abandonné et laissera le champ libre à une candidature olympique. Mais il faut évacuer les dissensions politiques qui se profilent.
Thierry Rey : Avec le président Hollande, on a continué à bosser. Il a rencontré les membres français du CIO, Jean-Claude Killy et Guy Drut. Puis à Nice, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux de la francophonie en septembre 2013, je reçois une alerte sur mon téléphone : “Tokyo nommé ville hôte des jeux Olympiques 2020.” Cela signifie qu’en 2024, les JO peuvent avoir lieu en Europe, selon la règle non écrite de l’alternance des continents. J’envoie l’alerte au Président qui se trouve trois ou quatre rangs devant moi, et il me dit : “On y va.” Plus tard, on a rencontré Thomas Bach, le président du CIO.
Tony Estanguet : En 2014, je reçois un coup de fil de la ministre des Sports, Valérie Fourneyron, qui me parle de créer une cellule de réflexion, le Comité français du sport international (CFSI), dans l’hypothèse d’une candidature de Paris pour les JO. Il s’agit d’un petit groupe réuni autour de Bernard Lapasset [dirigeant sportif français de premier plan décédé en 2023]. La première étape a consisté à bien décortiquer Singapour et les différentes candidatures françaises non victorieuses, pour déterminer quelle gouvernance et quel projet il fallait mettre en place. C’était hyper intéressant. Peu de gens étaient au courant. Nous n’étions pas encore sortis du bois.
Thierry Rey : Au départ, la maire de Paris, Anne Hidalgo, n’avait pas beaucoup d’allant. Il a fallu aller la convaincre.
Pierre Rabadan : Fin 2014, la décision d’une nouvelle candidature n’était pas encore totalement prise. Anne Hidalgo avait demandé des engagements auprès du CIO, pour renouveler le modèle des jeux Olympiques en termes de probité, de coût financier et d’impact environnemental. Il y a eu un quiproquo avec François Hollande en novembre. Le Président a sous-entendu, lors d’une intervention télévisée, qu’il attendait l’aval de la maire. Cela l’avait un peu agacée. N’en déplaise à certains, c’est quand même une ville qui porte la candidature. Il fallait des assurances, notamment sur le fait de ne pas construire des bâtiments sans utilité après les Jeux. Quand Thomas Bach a été clair sur le sujet, Anne Hidalgo m’a demandé de travailler à ses côtés sur la candidature, pour la porter, et surtout pour gagner.
Thierry Rey : Un rapport de faisabilité sur les Jeux à Paris, porté par Tony Estanguet et Bernard Lapasset, a été présenté en février 2015. Il a vraiment contribué à convaincre tous les acteurs que l’aventure était possible.
Tony Estanguet : La candidature officielle de Paris 2024 est déclarée le 23 juin 2015, lors de la journée olympique au Comité national olympique et sportif français (CNOSF), à la Maison du sport français, à Paris. Cela se fait avec l’aval de la maire de Paris et du Président.
Cet épisode est le second d’une série de 10 épisodes, publiés chaque semaine sur numero.com à l’approche des Jeux Olympiques 2024.