6 avr 2024

Espadon au Ritz, le retour d’un restaurant mythique avec la cheffe Eugénie Beziat

En septembre 2023, Espadon, le restaurant gastronomique du Ritz, accueillait Eugénie Béziat, sa nouvelle cheffe et première femme à obtenir ce rôle. Numéro vous raconte son dîner au sein de l’établissement récemment récompensé d’une étoile au Guide Michelin.

Le Ritz, un hôtel parisien mythique

Certaines institutions parisiennes jouissent d’une telle notoriété, que raconter une énième fois leur légende relève presque de l’absurde. Parmi les plus connus, la Tour Eiffel, le Sacré-Cœur, Notre-Dame de Paris ou les musées d’Orsay et du Louvre. Mais aussi l’hôtel Ritz. Et aux côtés de ces monuments incontournables, ce dernier fait figure d’exception.

 

Inauguré en 1898 par l’hôtelier suisse César Ritz et le chef français Auguste Escoffier, fondateur de la gastronomie moderne, l’établissement dominant la prestigieuse place Vendôme jouit d’une aura sans pareil. En effet, depuis cent vingt-six ans, le Ritz s’impose comme l’hôtel le plus luxueux du monde.

 

Et si sa décoration fastueuse, son service raffiné ainsi que sa modernité inédite pour l’époque y sont pour beaucoup à ses débuts, cette réputation d’une longévité exceptionnelle traverse les modes et les époques. Notamment grâce aux illustres personnalités qui fréquentent l’hôtel.

 

Dès 1900, Marcel Proust occupe par exemple un salon privé pour ses moments d’écriture, tandis que, durant les Années Folles (1920-1930), on peut également y croiser Ernest Hemingway au bar qui porte désormais son nom. En 1954, Gabrielle Chanel s’y installe définitivement, et ce jusqu’à sa mort en 1971. Kate Moss devient une habituée du bar Hemingway à la fin des années 90, tandis que Madonna et George Clooney ne jurent que par le Ritz lors de leur séjour parisien.
 

Franchir les portes de verre et de fer forgé du Ritz, c’est ainsi pénétrer un monde fascinant qui semble hors du temps et de l’espace. Rénové et modernisé entre 2014 et 2016, le bâtiment – classé depuis 1930 – retrouve tout son éclat d’antan, sans rien perdre de son charme suranné.

 

À mesure que l’on déambule au sein des galeries majestueuses et richement décorées, l’hôtel révèle ses différents espaces. Le fameux Salon Proust pour un tea time ou le légendaire bar Hemingway pour un cocktail, mais aussi plusieurs lieux privatisables, comme le Salon d’Hiver – dont les immenses baies vitrées donnent sur le sublime Grand jardin –, et bien sûr l’exceptionnelle piscine avec ses 17 mètres de long tapissés de 800 000 mosaïques.

 

Et alors que, depuis 2016, le Ritz continue de se réinventer, comme avec l’ouverture du Ritz Bar en 2021, récemment, c’est Espadon, le restaurant gastronomique de l’hôtel, qui devient l’objet de toutes les attentions.

L’Espadon, un restaurant gastronomique intimiste

 

 

Ouvert en 1956 par Charles Ritz, le fils du fondateur, Espadon a notamment accueilli dans ses cuisines les chefs Michel Roth (de 1992 à 2012) et Nicolas Sale (de 2015 à 2021), qui assurèrent son prestige au fil des décennies à coups d’étoiles octroyées par l’implacable Guide Michelin.

 

Il faudra attendre le 14 septembre 2023, veille d’un bal mémorable pour fêter ses 125 ans, pour que le Ritz dévoile le nom de sa nouvelle recrue. Et avec Eugénie Béziat, première femme à occuper ce poste tant convoité, l’hôtel fait une nouvelle fois preuve d’audace. 

 

La première initiative de la cheffe ? Rétablir le restaurant dans son salon d’origine, situé à quelques pas des bars, pour accueillir chaque soir les 30 convives qui auront eu la curiosité de (re)venir à Espadon.

 

On est d’abord surpris par l’ambiance, qui s’avère loin d’être aussi guindée que celle attendue d’un restaurant de ce standing. Si le service attentionné et l’atmosphère intimiste sont bien évidemment au rendez-vous, on sent surtout une réelle volonté de la part d’Espadon d’ouvrir ses portes au plus grand nombre.

 

Ainsi dans cet espace aux allures de – très belle et vaste – salle à manger, la décoration se déploie en des inspirations végétales comme un tapis à motifs signé Braquenié ou un délicat plafonnier façon herbier en cristal de Bohême. Sur les tables, la vaisselle artisanale et irrégulière en faïence d’Astier de Villatte exalte la majesté des créations culinaires Eugénie Béziat.

Avec Eugénie Beziat, Espadon retrouve son étoile

 

Bien que sujet aux polémiques depuis quelques années, le Guide Michelin demeure une référence dans l’univers de la gastronomie. Et ce 18 mars 2024, en récompensant Espadon d’une première étoile, le prestigieux livre rouge confirme la légitimité de la cheffe au parcours atypique, jusqu’aux cuisines de l’hôtel. 

 

Comme c’est souvent le cas dans les métiers artistiques, analyser l’œuvre ne pourrait mieux retracer la trajectoire de la personne qui l’a créée. Parfumée, épicée, généreuse… mais aussi empreinte de nostalgie, la cuisine d’Eugénie Béziat ne ressemble qu’à elle. Une approche qui lui déjà valu une étoile en 2020, quand elle officiait à La Flibuste (Villeneuve-Loubet).

 

Et un dîner à Espadon s’apparente à un voyage gustatif au cours duquel on se promène au gré de sa vie. En Afrique, continent qui l’a vue grandir durant les dix-huit premières années de sa vie, puis dans le sud de la France, et plus particulièrement Toulouse et la Provence où elle a fait ses armes, sans oublier, la Corse, où elle puise ses origines. 

 

Qui aurait cru que le croquant radis se marierait si bien avec la riche cacahuète et la fraîche cardamome verte, que l’huître grillée se métamorphoserait au contact du cresson et de la brousse, ou que la tendre Saint-jacques serait à ce point sublimée par des touches de chou-fleur et de pomelo. Plus tard, c’est le rouget accompagné de carotte et d’immortelle qui enchantent, puis vient la volaille rouge de Houda accompagnée de citron et d’oignon noir, en hommage au fameux Yassa. Impossible d’oublier le homard, cuit au barbecue, à la chaire d’une tendresse inouïe, qui se révèle comme jamais au contact du manioc et du Bissap (fleur d’hibiscus). 

 

Des associations de saveurs inattendues, que décuplent les vins sélectionnés par Florian Guilloteau, le directeur de la sommellerie du Ritz. Vin blanc de Mauzac, grand cru d’Alsace ou chablis complètent à merveilles les plats d’Eugénie Beziat pour Espadon, tout en privilégiant des vignerons responsables qui font écho à l’approche locavore de la cheffe française. 

 

Un moment magique d’une durée de trois heures trente, qui confirme que le Ritz demeure, encore aujourd’hui, l’un des plus beaux hôtels du monde, et qu’il ne cessera jamais de nous surprendre.

 

 

Espadon à l’hôtel Ritz, 15 place Vendôme, 75001 Paris. Menu Correspondances en 5 temps, 290 €. Menu Illuminations en 8 temps, 380 €. Réservation sur internet sur ritzparis.com, par téléphone au 01 43 16 30 30 ou par mail [email protected].