Rencontre avec le joaillier dandy Elie Top : “La personnalité d’une femme se révèle à travers ses choix de bijoux”
Artcurial a invité le très chic Elie Top à mettre en lumière les plus belles pièces de joaillerie, d’horlogerie et de maroquinerie qui seront présentées lors de ses grandes ventes estivales à l’Hôtel Hermitage de Monte-Carlo, du 16 au 21 juin. Rencontre.
Propos recueillis par Thibaut Wychowanok.
Evénement estival incontournable, la grande vente Artcurial de joaillerie, horlogerie et maroquinerie prend, comme chaque année, ses quartiers à Monaco, du 16 au 21 juillet. À cette occasion, et pour la première fois, la maison de ventes parisienne a fait appel à une personnalité emblématique pour proposer une sélection très personnelle des plus belles pièces mises en vente. C’est à l’œil avisé du créateur Elie Top que l’on doit ainsi la mise en lumière d’un pendentif signé du sculpteur César (compression de capsules de Schweppes), de deux sublimes broches inspirées de coquillages de Suzanne Belperron, d’un bracelet Cartier néo-égyptien des années 20 en inox et ivoire, d’une montre-bijou Piaget, ou de pièces Art Nouveau de Georges Fouquet ou Lalique…
Plutôt que de se contenter d’un simple florilège, le dandy parisien, directeur artistique des bijoux Lanvin aux côtés d’Alber Elbaz et fondateur de sa propre maison de joaillerie en 2015, a préféré jouer avec ces pièces d’exception au travers de croquis surréalistes à l’élégance baroque. Ses mains ou visages dessinés à l’encre et au pastel se parent des créations pour en exprimer tout le mystère et la fantaisie. À travers ces illustrations (à découvrir également dans le catalogue des ventes) s’esquisse ainsi le portrait type de la femme collectionneuse qui pourrait se laisser séduire à Monte-Carlo cet été. “Une aventurière éclectique, une séductrice qui s’enflamme au gré de ses passions, explique Elie Top. Ou encore une héritière avertie, à la fois affective et érudite.”
« On passe de pièces très raffinées – des papillons Lalique ou des bracelets Cartier – à des pièces d’une kitscherie hallucinante – des colliers avec des singes que Michael Jackson lui avait offerts par exemple. »
On vous a découvert à travers cette collaboration une passion pour les catalogues de maison de ventes. En quoi peuvent-ils être inspirants ?
La plus grande partie de ma nourriture iconographique en est issue ! Vous savez, il n’y a pas tant d’ouvrages que cela traitant de la joaillerie. On finit tous par s’accrocher aux mêmes livres de référence… même si Internet a beaucoup changé la donne. Les catalogues de vente demeurent les lieux privilégiés de découverte. On y trouve des trésors ! Je m’amuse très souvent à deviner de qui ils sont signés… Ça exerce l’œil. (Rires.)
Certains catalogues vous ont-ils particulièrement marqué ?
Les catalogues légendaires des ventes de la duchesse de Windsor, de la princesse Gloria von Thurn und Taxis, de Diana Vreeland ou des grandes stars hollywoodiennes comme Marlene Dietrich ou Joan Crawford, bien sûr… On voit se dessiner leur personnalité à travers leurs choix de bijoux. Mais mon approche très hétéroclite se rapproche sans doute plus de celle de Liz Taylor. J’ai beaucoup pensé à elle pendant la sélection des pièces d’Artcurial. Son livre My Love Affair With Jewelry donne à voir l’éclectisme de son goût. On passe de pièces très raffinées – des papillons Lalique ou des bracelets Cartier – à des pièces d’une kitscherie hallucinante – des colliers avec des singes que Michael Jackson lui avait offerts par exemple. Elle aimait les bijoux en général. Elle n’avait pas de limites et n’hésitait pas à faire s’entrechoquer les styles. Comme elle, en bijoux, je peux m’adonner à à peu près tout.
« Il y a toujours une exigence de renouvellement. On brûle une saison ce que l’on a aimé la saison précédente. »
Quels principes ont présidé à votre sélection parmi les collections d’Artcurial ?
Je suis une envie, tout simplement. Le monde de la joaillerie aime les catégories éternelles et les codes établis. Je me laisse au contraire porter par un fonctionnement plus proche de celui de la mode où j’ai fait mes premières armes [aux côtés d’Yves Saint Laurent]. Dans la mode, il y a toujours une exigence de renouvellement. On brûle une saison ce que l’on a aimé la saison précédente. Chez Lanvin par exemple, nous pouvions aller vers des choses très abstraites puis vers des créations très figuratives. L’attraction des contraires est une chose assez naturelle. En parcourant les collections d’Artcurial, je pouvais aussi bien être attiré par un bijou victorien que par une pièce Art déco.
Êtes-vous toujours aussi instinctif ?
Je me refuse en tout cas à intellectualiser. C’est trop dangereux. On se met des règles et ça nous pousse à éliminer des choses d’emblée alors que ce sont parfois les pièces qui peuvent paraître d’un goût douteux qui se révèlent les plus audacieuses.
« Avec Loulou de la Falaise, un bracelet pouvait tout à coup se transformer en pince à nappe. »
Les pièces ne doivent donc pas toujours être belles ou de bon goût ?
J’ai des périodes de prédilection, mais je suis capable d’aimer à peu près tout. En revanche, ce que je sais, c’est que la beauté ne réside pas dans la valeur de la pierre. Je cultive une approche très esthétique de la joaillerie, une attitude désinvolte qui mêle amour de la parure et distance vis-à-vis de la valeur de choses. Cela me vient de Loulou de la Falaise à qui je dois beaucoup. Avec elle, un bracelet pouvait tout à coup se transformer en pince à nappe. Elle n’hésitait pas à mélanger un diamant avec un bracelet afghan. Chanel faisait cela aussi. Elle mêlait des pierres précieuses avec des métaux simples. Peut-être y avait-il aussi un besoin de rompre avec l’esprit bourgeois de l’époque. Les temps ont changé mais je me reconnais dans ce besoin de briser les frontières et de refuser les catégories.
Ventes Artcurial, du 16 au 21 juillet à l’Hôtel Hermitage de Monte-Carlo, www.artcurial.com.