13 nov 2023

L’histoire de l’iconique montre Reverso de Jaeger-LeCoultre en 5 modèles phares

Créée en 1931 par la maison d’horlogerie de luxe suisse Jaeger-LeCoultre, la montre Reverso s’est érigée au rang d’icône au fil du siècle dernier. Une trajectoire pavée d’innovations et de réinventions que retrace, jusqu’au 22 novembre, l’exposition “Reverso Stories” à New York. Focus sur 5 modèles phares qui ont marqué son histoire.

1. Reverso Originale (1931) : la naissance d’une icône

 

Fondée en 1931, la montre Reverso est reconnaissable entre mille, et ce en raison d’une particularité : son boîtier réversible permettant de pivoter son cadran vers l’intérieur du brancard. Une fonction qui se trouve à l’origine même de sa conception. Lors d’un voyage en Inde, à l’époque encore sous la domination du Royaume-Uni, l’homme d’affaires et distributeur de montres de luxe César de Trey échange avec officier de l’armée britannique qui lui fait parvenir la demande des soldats joueurs de polo. Ces derniers souhaiteraient, pendant les matchs, pouvoir garder leur montre au poignet sans risquer de l’abîmer ou de se blesser avec des brisures de verre. Proche du fabricant suisse Jacques-David LeCoultre, César de Trey lance ce défi à l’horloger parisien Edmond Jaeger, qui imagine alors une montre au système ingénieux : grâce à un support coulissant, le boîtier peut se retourner à 180°, pivotant la face en verre du cadran vers l’intérieur du brancard métallique pour révéler au dos une face en métal, parée pour résister aux chocs. En mars 1931, le brevet de la Reverso est déposé par la maison Jaeger-LeCoultre et, à peine neuf mois plus tard, les premiers modèles apparaissent sur le marché.

 

Dès les années 30, le succès de la Reverso est palpable. On vante bien sûr la singularité de son boîtier unique et de sa seconde face, qui accueille peu à peu des fantaisies au-delà de sa fonction sportive – gravures, motifs à l’émail et autres pierres précieuses – pour la rendre d’autant plus exclusive auprès des acheteurs. Ancrée dans son époque, la montre plaît également par son design inspiré par le mouvement Art déco très en vogue à l’époque : on retrouve aussi bien ses grands principes formels dans les lignes droites des godrons qui entourent le cadran que dans la forme rectangulaire du boitier, peu commune pour l’horlogerie, dominée par les cadrans circulaire. Respectant la formule mathématique du nombre d’or, les proportions de l’objet séduisent enfin l’œil par une harmonie visuelle proche de celle que l’on retrouve dans la nature, tandis que son design fin et élégant et ses bracelets en cuir de grande qualité attirent une clientèle mixte. Si une ligne féminine est rapidement créée, nombre de femmes n’hésiteront pas, en effet, à arborer la version masculine de la montre.

2. Reverso Soixantième (1991) : le retour en grâce

 

Suite à la croissance florissante de ses dix premières années, la trajectoire de la Reverso sera assombrie par la Seconde Guerre Mondiale, qui impactera grandement le commerce du luxe, mais aussi par la mode des cadrans ronds et le déclin du mouvement Art déco. Peu à peu, les stocks du modèle de Jaeger-LeCoultre s’amenuisent et la montre disparaît du marché. Il faudra attendre le début des années 70 pour que celle-ci fasse son retour en grâce : vendeur de montres italien, Giorgio Corvo rachète les modèles restants de la Reverso à la maison d’horlogerie et décide de relancer le modèle iconique qui, grâce à l’engouement nouveau de la jet-set italienne, se replace peu à peu sur la place des montres en vogue. Le regain d’intérêt doublé du succès commercial de la Reverso l’ouvre ainsi à l’innovation, telle que l’étanchéité dans les années 80, puis à l’ajout de complications avec la Reverso Soixantième : dévoilé pour les soixante ans de la montre, en 1991, ce nouveau modèle s’agrémente de guichets de dates et surtout, son boîtier en verre saphir au dos révèle pour la première fois en transparence son mécanisme dans toute sa beauté et sa complexité. Un détail important pour Jaeger-LeCoultre qui, depuis sa fondation en 1833, invente ses propres calibres pour chaque nouveauté. À ce jour, la maison d’horlogerie suisse en a produit non moins de 1400 au total, et déposé plus de 430 brevets.

3. Reverso Duoface (1994) : un tournant dans l’innovation technique

 

Montre à tourbillon, répétition minute, chronographe… Au fil des années, les fonctionnalités de la Reverso se multiplient et se complexifient. Mais en 1994, la sortie de la Duoface marque, selon la directrice générale de Jaeger-LeCoultre Catherine Rénier, “une avancée spectaculaire pour la Reverso en apportant une valeur perçue, une offre unique dans l’industrie horlogère : avoir deux faces de complications différentes au verso de la montre”. Ainsi, pour la première fois depuis 1931, la face verso du boîtier apporte une autre fonction que celle de protection ou d’ornement qu’elle offrait jusqu’alors : un deuxième cadran, capable de livrer des informations complémentiaires et, en l’occurence, un autre fuseau horaire. Jouant sur une dualité des cadrans – côté recto, un cadran blanc en chiffres arabes, côté verso, un cadran noir en chiffres romains – , le modèle s’adapte ainsi à une clientèle exigeante avec les yeux tournés au quotidien vers d’autres villes du monde, à l’instar des directeurs de multinationales. La Duoface forme ainsi un nouvel exemple des savoir-faire de la maison suisse. Rappelons que pour seulement permettre la rotation du boîtier, non moins de cinquante composantes sont déjà nécessaires à la création du mécanisme, contre une douzaine pour la plupart des modèles. 

4. Reverso Hybris Mechanica Calibre 185 : la seule montre à quatre faces au monde

 

La Reverso Duoface compte aujourd’hui parmi les modèles iconiques de la maison. Une notoriété qui incite Jaeger-LeCoultre à voir plus loin, en continuant d’enrichir la montre de nouvelles fonctionnalités et données. C’est ainsi qu’apparaît la Reverso Triptyque en 2006, où les deux faces de la Duoface s’augmentent d’une troisième, à l’intérieur même du brancard. Chacune propose ainsi une lecture du temps : au recto, le cadran de l’heure civile, agrémenté d’un tourbillon ; au verso, celui du temps zodiacal, agrémenté d’un ciel étoilé ; enfin, dans le brancard, le cadran du calendrier perpétuel. Alors, pourquoi ne pas poursuivre sur cette lancée ? En 2021, pour ses quatre vingt-dix ans, Jaeger-LeCoultre dévoile alors sa Reverso la plus complexe jamais créée : la Reverso Hybris Mechanica Calibre 185, dite aussi la “Quadriptyque”, unique montre à quatre faces au monde qui, aux trois faces de la Triptyque, en ajoute une dernière au dos du brancard, directement contre le poignet. Très riche en complications, chaque face accueille un mouvement différent : la face recto avec le mouvement des heures, des jours de la semaine et de la date, la face verso avec un chronomètre et une sonnerie. La troisième face comporte trois différents cycles lunaires, tandis que la quatrième, la plus secrète, complète cette lecture en rendant visible les phases de la lune dans l’hémisphère sud. Fruit d’un véritable tour de force de la maison, cette pièce extrêmement rare est produite seulement en dix exemplaires. 

5. Reverso Tribute Enamel Hokusai (2023) : l’émaillage en majesté

 

Dès son développement dans les années 30, la surface métallique sans cadran offerte par la face verso de la Reverso offre une toile vierge idéale pour les gravures, peintures, mais aussi l’ajout de pierres précieuses. Grâce à leur savoir-faire, les artisans de l’équipe parviennent notamment à réaliser avec l’émail des motifs d’une grande précision et même reproduire des toiles existantes. Piet Mondrian, Alfons Mucha, Gustav Klimt, Vincent Van Gogh, Gustave Courbet ou encore Rembrandt… Au fil des dix dernières années, la maison d’horlogerie a ainsi célébré de nombreuses figures de l’histoire de l’art dans des collections de montres émaillées en édition limitée. Parmi les artistes choisis, on trouve également le célèbre peintre japonais Hokusai (1760-1849), dont les estampes délicates et poétiques sont connues à travers le monde. Chef-d’œuvre et icône de la peinture, La Grande Vague de Kanagawa (1831) fut la première, en 2018, à orner le dos de la Reverso Tribute, avant la Cascade de Kurifiri en 2021 et Les chutes d’Amida l’an passé. Pendant que l’exposition “Reverso Stories” ouvrait ses portes le 1er novembre dernier, à New York, Jaeger-LeCoultre dévoilait une nouvelle itération de cette collaboration avec deux autres œuvres du peintre japonais : La Cascade d’Ono et La Cascade de Yoshino. Éditées en dix exemplaires chacune, ces deux pièces exceptionnelles portent sur leur boîtier en or blanc non moins de quatorze couches d’émail, fondamentales pour obtenir la précision et la richesse des couleurs des œuvres originales, tout comme le dégradé caractéristique du peintre. Outre le verso du boîter émaillé, la Reverso Tribute Enamel Hokusai se dote également côté recto d’un cadran au guillochage unique, motif dit « grain d’orge”. Un ensemble de détails demandant des dizaines d’heures de travail et une immense minutie, notamment aux émailleurs, qui ne peuvent voir les couleurs finales de leur création avant le séchage des couches.

 

Jaeger LeCoultre, “The Reverso Stories”, exposition jusqu’au 22 novembre 2023, 29 W 23rd Street, New York.

 

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