“Le podcast n’a rien de commercial”, rencontre avec Victoire de Castellane, directrice artistique de Dior joaillerie
Il y a quelques jours, Victoire de Castellane, directrice artistique des collections de joaillerie de la maison Dior lançait un nouveau podcast dédié aux bijoux. À cette occasion, Numéro l’a rencontrée afin de comprendre pourquoi et comment est né ce projet étonnant qui offre un regard nouveau sur cette tradition séculaire qu’est la parure.
par Léa Zetlaoui.
Numéro : La vue semble être le sens le plus sollicité lorsqu’il est question de bijoux. Comment avez-vous réfléchi ce concept de podcast où il n’est question que d’ouïe ?
Victoire de Castellane : Nous imaginons souvent que les bijoux ne sont que visuels. Or pour moi ils sont aussi sonores et, comme ce sont des objets, on a envie de les décrire. Donc ils sollicitent l’ouïe et l’imagination. Un bijou est plein de symboles et fait aussi rêver, c’est donc important d’aborder ces différents aspects.
D’une manière générale, le podcast se démocratise considérablement dans les industries du luxe, de la mode et de la joaillerie. Comment nourrit-il selon vous la relation d’une maison avec le public ?
C’est un nouveau lien qui se crée sans prendre en compte la vue, et c’est fascinant de savoir comment et pourquoi un objet, qui d’habitude doit être vu, est, cette fois-ci, écouté. Je pense que les auditeurs sont ravis d’entendre les maisons parler des coulisses de la création et de métiers qu’ils ne connaissent pas. C’est une manière de lever le voile sur une part de mystère.
Vous envisagez le podcast comme un média institutionnel, et non pas commercial?
Cela n’a rien de commercial ! Le podcast est le récit d’une histoire.
Avant de lancer ce podcast, saviez-vous ce que vous vouliez raconter?
Quand on m’a proposé de faire un podcast, je me suis dit que j’allais aborder des sujets dont on parle peu en joaillerie. Par exemple, quel est la dimension symbolique des bijoux ? Pourquoi en pare-t-on son corps ? Cela vient-il d’un problème d’ego, d’un désir de se valoriser ? L’usage de la parure existe depuis la préhistoire, comment l’homme a-t-il eu l’idée de faire un collier avec un très beau galet ? Est-ce que le bijou appartient au monde de l’art? Est-ce que le bijou est compatible avec la mode ? Est-ce que la joaillerie l’est ? Ou encore, quel est le rapport qui existe entre des vêtements de mode et des bijoux… autant de questions que l’on se pose tous, encore, aujourd’hui. Pour m’aider à y répondre, j’ai donc convié des historiens et des ethnologues.
Comment avez-vous choisi les personnalités avec lesquelles vous dialoguez?
Je connaissais certains des invités, comme l’historien de la mode Olivier Saillard et les critiques d’art Éric Troncy et Donatien Grau. En revanche, je ne connaissais pas Vannina Micheli-Rechtman et Patrizia Ciambelli, mais j’avais lu des articles sur elles. L’ethnologue Patrizia Ciambelli a notamment écrit un ouvrage qui s’appelle Bijoux à secrets, que j’ai trouvé très intéressant. Tandis qu’avec la psychanalyste Vannina Micheli-Rechtman, qui étudie beaucoup les adolescentes et leur rapport au corps, je voulais savoir comment un bijou peut réparer le corps et faire que l’on se sent plus belle.
Qu’avez-vous appris à la fin de tous ces entretiens?
Au fur et à mesure des échanges, je me suis rendu compte que, même si les invités ne sont pas habitués à parler du bijou et que ce n’est pas leur corps de métier, il y a toujours quelque chose à en dire en rapport avec le corps et l’intimité. Le bijou reste quelque chose de très universel.
Il y a 22 ans, vous avez créé le département joaillerie chez Dior. Avez-vous perçu des changements aussi importants – par exemple dans l’accélération du rythme des collections – que ceux qui se sont produits dans la mode cette dernière décennie ?
Bien sûr, il y a eu une intensification du rythme et de la création de bijoux. La joaillerie évolue tout comme la mode, et d’autant plus chez Christian Dior, qui est une maison de couture. Pour autant, la joaillerie n’a rien à voir avec la mode. La mode doit se démoder mais le bijou doit rester intemporel. C’est un objet qui doit être éternel et se transmettre.
Un peu plus tôt cette année est sorti L’Abécédaire de Victoire de Castellane chez Dior, un ouvrage qui revient sur vos collections de joaillerie pour la maison. Quelles sont la ou les collections qui vous ont le plus marquée?
Je joue avec l’identité et les symboles de la maison depuis plus de vingt ans et, à chaque fois, je leur fais vivre des choses nouvelles, je les bouscule. Mes collections préférées sont celles qui annoncent de grandes ruptures et qui sont sorties à des moments inattendus à l’instar des collections Gem Dior (2019), Belladone Island (2007) ou Le Bal Des Roses (2011).
Les podcasts Dior Talks dédiés à la joaillerie et animés par Victoire de Castellane son à télécharger sur les plateformes.