12 oct 2021

L’artiste Refik Anadol imagine pour Bulgari une installation immersive conçue grâce à une intelligence artificielle

Installée jusqu’au 30 octobre Piazza del Duomo à Milan, l’œuvre numérique Serpenti Metamorphosis de Refik Anadol, inspirée par l’iconique collection Serpenti, offre une expérience immersive saisissante, conçue grâce à une intelligence artificielle.

Sujet d’actualité brulant dans le monde de l’art en 2021, les NFT – “Non Fungible Tokens” (jetons non fongibles) -, permettent enfin d’authentifier et rendre unique un document numérique. Un procédé très en vogue depuis quelques mois qui a récemment permis à l’artiste turque Refik Anadol d’asseoir sa légitimité : le 4 octobre, à Hong Kong, Sotheby’s vendait pour 5,1 millions de dollars sa collection d’oeuvres multimédia. Pionnier dans l’art numérique et influencé par la science-fiction, Refik Anadol, appartient à une nouvelle génération d’artiste à mi-chemin entre le réalisateur et le data scientist.  “J’ai commencé à travailler sur des ordinateurs et des jeux vidéos à l’âge de huit ans après avoir vu le film Blade Runner. C’est mon premier contact avec la science fiction. Que ce soit pour produire de la musique, des sons, du texte, ou des images… j’ai toujours utilisé l’intelligence artificielle comme un partenaire”, confie-t-il avec enthousiasme. Dans son studio de création à Los Angeles, on compte aujourd’hui autant de scientifiques que de designers : quatorze personnes originaires de dix pays l’aident quotidiennement a créer ses sculptures monumentales et hypnotisantes, composées grâce à des milliards de data, d’images collectées sur le net et des intelligences artificielles. “Ces cinq dernières années, j’ai entraîné mes équipes car travailler avec des intelligences artificielles est complexe. Quand elles commencent à apprendre c’est comme une boîte noire, on ne sait pas ce qu’elles apprennent. Interagir avec une intelligence artificielle amène donc un nouveau geste artistique”, explique l’artiste. 

 

La semaine dernière, à Milan, Refik Anadol présentait sa toute dernière œuvre numérique conçue spécialement pour la maison de joaillerie italienne Bulgari. Inspirée par l’iconique collection Serpenti de Bulgari et intitulée Serpenti Metamorphosis, cette installation immersive installée face au Duomo offre un contraste saisissant avec la célèbre cathédrale gothique. Dans une salle carrée, deux murs d’écrans affichent une fresque mouvante et fascinante aux couleurs vibrantes qui se reflètent sur les deux autres faces, le plafond et le sol en miroir. “Pour moi la notion de métamorphose ne se passe pas seulement dans le monde physique, mais également dans l’esprit d’une machine et d’une intelligence artificielle. Tout dans notre monde actuel, concerne la métamorphose”, raconte l’artiste. Pour composer cette sculpture vivante, Refik Anadol et son studio ont entraîné une intelligence artificielle qui a créé, à partir de 200 millions d’images de nature parmi lesquelles 70 millions de photos de vraies fleurs – dont les couleurs rappellent celles des serpents –, piochées sur internet (réseaux sociaux, fichiers open source, archives et bibliothèques de musée), son propre processus de transformation de la nature inspiré par la mue de l’animal. “Avec Serpenti Metamorphosis, la question est de savoir si l’on peut contrôler la métamorphose, l’environnement dans lequel elle évolue et la sensation qu’elle procure dans le monde réel”, poursuit-il. Avant de se lancer dans cette expérience, Refik Anadol a visité les archives Bulgari pour s’imprégner des collections Serpenti lancées dans les années 40 et inspirées par la mythologie. Motif emblématique qui, selon les époques, s’est fait abstrait ou figuratif, Serpenti a constamment encouragé la maison romaine à repousser ses limites en termes d’innovation. Quelques pièces Serpenti exposées à l’entrée et la sortie de l’exposition, issues de différentes époques, attestent du savoir-faire exceptionnel de la maison.  

 

L’œuvre de Refik Anadol présentée à Milan ne se limite pas à deux simples écrans. L’artiste a pensé son concept comme une expérience multisensorielle qui convoque également l’ouïe et l’odorat, grâce à des sons qui évoluent selon les images ainsi qu’un parfum, Rainforest, développé avec le célèbre nez Sophie Labbé. Composée également grâce à une intelligence artificielle – ainsi que des mots clés et des images –, la fragrance devient alors une nouvelle facette de cette vaste métamorphose. Avec Serpenti Metamorphosis, Refik Anadol nous emmène ainsi dans un voyage immersif exaltant qui, pendant quelques minutes, nous fait sortir de la réalité.


L’installation Serpenti Metamorphosis, situé Piazza del Duomo à Milan, jusqu’au 30 octobre via ce lien.