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25 Quand Steve Jobs piratait le réseau téléphonique des USA

Quand Steve Jobs piratait le réseau téléphonique des USA

À l’occasion de la sortie de la mini-série “Jurassic Web” sur Arte, qui retrace les grandes innovations illégales et géniales qui ont façonné l’Internet d’aujourd’hui, retour sur le jour où les futurs fondateurs d’Apple – Steve Jobs et Steve Wozniak – ont vendu en porte-à-porte un mystérieux boitier permettant de pirater l’un des plus puissants outils de communication au monde : le réseau téléphonique américain.

Steve Jobs et Steve Wozniak dans le garage de Los Altos, Californie où commence l'histoire d'Apple © DB Apple Steve Jobs et Steve Wozniak dans le garage de Los Altos, Californie où commence l'histoire d'Apple © DB Apple
Steve Jobs et Steve Wozniak dans le garage de Los Altos, Californie où commence l'histoire d'Apple © DB Apple

Octobre 1971, le jeune Steve Jobs alors âgé de 16 ans reçoit un appel de son ami Steve Wozniak, rencontré quelques mois plus tôt au Homebrew Computer Club, un club d'informatique mythique de la Silicon Valley. Steve Wozniak l’informe qu’il vient de découvrir l’existence d’un boitier permettant de passer des appels gratuits à travers tout le pays en feuilletant les pages de la revue masculine Esquire. Comme beaucoup d’américains, les deux futurs fondateurs d’Apple s’intéressent à une technologie créée une dizaine d’années plus tôt par une bande de jeunes hackers passionnés par les systèmes informatiques naissants.

 

Partie intégrante des nombreux mouvements contre-culturels qui peuplent les années 60, ces jeunes surnommés les phones freaks – en référence au terme freak qu’utilisaient les hippies pour se désigner eux-mêmes – s’amusent à exploiter les failles du système téléphonique américain pour développer leurs propres technologies. Comptant parmi eux beaucoup d’aveugles, ces pionniers du piratage informatique parviennent à prendre le contrôle du réseau en s’intéressant aux sons et aux tonalités émises par les téléphones. En imitant les codes sonores utilisés par les opérateurs pour relier les utilisateurs entre eux, le boîtier Blue Box découvert par Steve Jobs et Steve Wozniak dix ans après sa création permet de créer un véritable réseau parallèle, gratuit et en dehors de tout contrôle du gouvernement américain, rendant l’objet totalement illégal. 

Blue Box conçue par Steve Wozniak et Steve Jobs avant de fonder Apple © Computer History Museum Blue Box conçue par Steve Wozniak et Steve Jobs avant de fonder Apple © Computer History Museum
Blue Box conçue par Steve Wozniak et Steve Jobs avant de fonder Apple © Computer History Museum

Fascinés par la Blue Box, Steve Jobs et Steve Wozniak décident de travailler à son amélioration. Après des nuits d’expérimentations et l’aide d’un vieux phone freak californien surnommé Capitaine Crunch, ils parviennent à passer des appels vers l’international. Steve Wozniak raconte même avoir utilisé le boitier pour appeler le Vatican, se faisant passer pour le secrétaire d’état américain Henry Kissinger.

 

Mais Steve Jobs est déjà un entrepreneur dans l’âme et voit plus loin que les simples canulars. Les deux associés décident de commercialiser la Blue Box pour 170 dollars en faisant du porte-à-porte dans les dortoirs de l'université de Berkeley. Avec une technique bien rodée pour éviter d’être dénoncés aux autorités : d’abord, ils prétendent chercher une personne avec un nom inventé de toutes pièces qui commercialise des boîtiers capables de hacker le système téléphonique américain, puis ils déterminent si le potentiel client est plutôt intéressé ou interpellé par cette histoire avant d’essayer de vendre leur produit. Sans le savoir, les étudiants assistent aux premières keynotes d'Apple. Le FBI s'intéresse bien au trafic de Blue Box en Californie mais ne remontera jamais la piste de Steve Jobs et Steve Wozniak, qui ont vite arrêté leur combine après avoir vendu une quarantaine de boîtiers. “Sans notre collaboration sur la Blue Box, Apple n’aurait jamais vu le jour” confiera Steve Jobs dans son autobiographie. 

 

Jurassic Web (2020) de Chris Eley, disponible sur Arte.