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08 Avoir 15 ans à Cuba ? La vie des Quinceañeras vue par le photographe Frank Thiel

Avoir 15 ans à Cuba ? La vie des Quinceañeras vue par le photographe Frank Thiel

ART & DESIGN

À Cuba, le quinzième anniversaire d’une jeune femme symbolise le passage à l’âge adulte. Le photographe allemand Frank Thiel a rencontré ces Quinceañeras aux robes colorées et les a photographiées dans les rues de La Havane. À l'occasion de son exposition à la galerie Blain Southern, à Berlin, rencontre avec un photographe qui ne cesse de questionner les mutations de notre société.

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Connu pour avoir saisi la mutation de Berlin après la chute du Mur, mais aussi pour ses portraits de soldats anglais, américains, français et russes immortalisés sur leur base militaire avant leur retrait, le photographe allemand Frank Thiel s’attaque cette fois-ci aux robes de princesse des Quinceañeras de Cuba. Avec une esthétique documentaire saisissante, il témoigne d’une société riche de son histoire.

 

Numéro : Votre voyage à Cuba fait l'objet en ce moment d'une exposition intitulée Quinceañeras à la galerie Blain Southern à Berlin. Pourquoi vous êtes-vous intéressé particulièrement à ce pays ?

Frank Thiel : J’ai voyagé à plusieurs reprises à Cuba et dans d’autres pays caribéens et latino-américains pendant les 25 dernières années. Avec les réformes de Raùl Castro, on est passé d’une société immobile il y a encore quatre ou cinq ans à un monde beaucoup plus connecté. Ça a été vécu comme un choc électrique par les habitants. Depuis l’apparition des premiers accès WiFi, les images ont alors commencé à envahir les rues de la capitale. Nombre d'entre elles représentent des jeunes femmes cubaines prises à l'occasion de leur quinzième anniversaire. C'est ce qui m'a inspiré ce travail.

 

Pourriez-vous expliquer ce que ce quinzième anniversaire symbolise ?

Le quinzième anniversaire d’une jeune femme latino célèbre son passage à l’âge adulte : il est considéré comme l’un des jours les plus importants de toute sa vie. Durant ces célébrations, les familles font appel à des photographes professionnels. On peut ensuite voir ces photos accrochées dans presque toutes les maisons cubaines. La plupart de ces images imitent un monde fantaisiste et fashion à la manière des magazines de mode. Une façon comme une autre d’échapper à la réalité, le temps d’une photo.

 

Pourquoi cette tradition a-t-elle éveillé votre curiosité au point de faire de ces Quinceañeras le sujet entier de votre exposition ?

J’ai photographié toute une génération de jeunes femmes de 15 ans nées en 2000 dans leur environnement quotidien et dans les environs de leur maison familiale. Plus que de faire le portrait d'une génération, je voulais surtout montrer un parcours à travers les 15 municipalités qui composent La Havane. Je voulais faire un portrait de la ville, et j’ai ainsi photographié des lieux quelconques qui contredisent la vision romantique, nostalgique et idéalisée que l’on peut porter sur la ville et ses habitants. La transformation de la vie de chaque Quinceañera renvoie au contexte plus large de la mutation de la société cubaine dans son ensemble. Et finalement, le fait d’être étranger à ce pays m’a permis de faire des photos que ni une famille cubaine, ni un photographe de photos quince n’auraient imaginé.

 

 

“Qu’est-ce qu’il reste ou disparaît de l’individualité d’une personne quand elle porte un uniforme ?”

 

 

Vous êtes connu pour avoir photographié environ 200 anciens soldats à Berlin en 1990, juste après la réunification allemande, avant qu’ils quittent la ville. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce travail, intitulé Allies ?

Qu’est-ce qui reste, ou au contraire disparaît, de l’individualité d’une personne quand elle porte un uniforme ? C'est à partir de ce questionnement que le projet Allies, a pris forme. Le 12 septembre 1990, Le Traité de Moscou signait la fin définitive de la Seconde Guerre mondiale, la réunification des deux Allemagnes, et le retrait des forces militaires étrangères sur le sol de la capitale. Ne plus avoir de présence militaire étrangère à Berlin pour la première fois depuis 1945 était symbolique d’un nouvel ordre mondial. Faire le portrait de ces soldats me semblait être une manière intéressante de témoigner de l’histoire ayant suivi la Seconde Guerre mondiale et du nouveau climat politique. En 1990, j’ai decidé de faire une série de portraits de 200 soldats (50 par pays) sur leurs bases militaires respectives à Berlin. Anglais, Américains, Français et Russes, tous étaient photographiés de la même façon : de face, portrait de buste, le moins expressif possible. Depuis 1998, une installation permanente située à Checkpoint Charlie, carrefour emblématique des quatre zones d'influence, expose deux de ces portraits : un soldat américain face à Berlin Est et un soldat russe face à Berlin Ouest.

 

Au-delà de l’intérêt que vous avez porté aux soldats des quatre zones militaires, vous avez aussi photographié Berlin à travers sa métamorphose urbaine dans votre projet Berlin Series

Dès le début des années 1990, j’étais convaincu que Berlin allait nous montrer un chemin exemplaire de reconstruction d’une ville dans laquelle on allait aimer vivre. Mais vingt-cinq ans plus tard, on réalise que la ville a été, vers la fin de sa reconstruction, pensée de manière fragmentée… C’est pour moi le résultat d’une mauvaise gouvernance et d’un manque d’inventivité des sociétés occidentales. Ce qui m’intéressait dans Berlin Series, c’était de croiser regard idéologique et esthétique urbaine dans une ville en constante formation.

 

 

Quinceañeras par Frank Thiel jusqu’au 23 juin 2018, galerie Blain Southern Berlin, Potsdamer Straße 77–87, (Mercator Höfe), 10785 Berlin.