28 fév 2024

Rencontre avec PinkPantheress, le phénomène TikTok adulé par Billie Eilish et Bella Hadid

Son tube Boy’s a Liar Pt. 2, chanté avec la nouvelle princesse de la drill Ice Spice, a mis le monde (et TikTok) en émoi. Et Billie Eilish et Lil Nas X l’ont adoubée. Pourtant, la chanteuse et productrice anglaise PinkPantheress, 22 ans, reste un mystère. Alors qu’elle sera en concert ce mercredi 28 février 2024, à Paris (Élysée Montmartre), pour défendre son premier album, Heaven Knows (2023), Numéro se penche sur cette jeune artiste aussi paradoxale que phénoménale.

Au début de l’année 2023, la ritournelle synthétique et douce-amère entêtante Boy’s a Liar Pt. 2 s’est classée parmi dans le top 10 du Billboard Hot 100, soit le classement hebdomadaire établi par le magazine américain Billboard, des 100 chansons les plus populaires aux États-Unis. Sur YouTube, cette revenge song qui parle d’un garçon décevant cumule 165 millions de vues sur YouTube et Kim Kardashian et Bella Hadid se sont filmées en train de la chanter en playback. Mais si la chanson est devenue un phénomène, les noms de ses interprètes sont encore peu connus en France. Ce titre est en effet une version remaniée de Boy’s a Liar, un morceau sorti en 2022 par l’artiste britannique PinkPantheress, chantée avec la nouvelle princesse de la drill Ice Spice. Mais cela a commencé à change avec la sortie du premier album de PinkPantheress, en novembre 2023, intitulé Heaven Knows

PinkPantheress, une artiste discrète adoubée par Billie Eilish et Lil Nas X

Les morceaux de PinkPantheress, chanteuse et productrice de 22 ans sont devenus, aux États-Unis et en Angleterre, la bande-son idéale de la Gen Z, mais cette dernière reste discrète. Et le mystère cultivé par la collaboratrice de Willow Smith et Beabadoobee – qui a signé des titre pour les BO du dernier Black Panther et de Barbie), l’inscrit dans un décalage troublant avec les plateformes qui ont fait son succès. Certes PinkPantheress affiche 1,6 million de fans sur son compte Instagram et 2,6 millions de followers sur son compte TikTok. Billie Eilish, Lil Nas X, Grimes, Charli XCX et Lizzo lui ont déclaré leur flamme. Et Marc Jacobs l’a choisie pour poser pour son label Heaven. Pourtant, la Londonienne originaire de Bath n’affiche qu’une dizaine de photos sur Instagram, a longtemps refusé de dévoiler son vrai nom (Victoria Beverly Walker) et quand on arrive à caler une (très rare) interview avec elle en 2021, l’artiste laisse la caméra éteinte sur l’application Zoom.

« Je veux laisser parler ma musique pour moi, plutôt que d’attirer l’attention sur ma personne. » PinkPantheress

 

Avec une voix timide et un ton détaché, très nonchalant, PinkPantheress, ex-étudiante en cinéma dans une université de Londres qui souffre de dysmorphie et d’une perte auditive, livre au compte-goutte des bribes d’informations laconiques. Il faut presque lui arracher des réponses telles des épines dans une plaie encore fraîche. Celle qui chantait à ses débuts allongée dans sa chambre, par manque de confiance en elle, ne semble pas beaucoup aimer communiquer ou s’expliquer. Elle avoue, presque gênée : « Je veux laisser parler ma musique pour moi, plutôt que d’attirer l’attention sur ma personne. J’aime l’intimité, que les gens ne me regardent pas. »

Pêle-mêle, la Britannique nous confie tout de même : « J’aime les films d’horreur, les choses sombres » ; « J’apprécie qu’il y ait un contraste, un oxymore entre des paroles tristes et une musique dansante » ; « Mes paroles viennent de choses que j’ai lues dans des livres, ado ou que j’ai vues dans des films. » Pour mieux cerner l’artiste, mieux vaut se tourner vers les paroles de sa première mixtape très réussie sortie en 2021, To Hell with it (dont une version remixée a vu le jour en 2022). PinkPantheress, fille d’une soignante d’origine kényane et d’un universitaire installé aux États-Unis, y parle surtout d’histoires d’amour contrariées comme si elle avait extrait des lignes de ses journaux intimes pour les transformer en hymnes d’une génération.

PinkPantheress : une artiste très inspirée par les années 2000

 
Mixant la drum and bass, la bedroom pop, la jungle, l’hyperpop, la dance et le garage, la musicienne puise surtout dans les années 90 et 2000, que ce soit côté style ou côté musique. PinkPantheress a joué du piano enfant, avant d’officier, à 14 ans, comme leadeuse dans un groupe de rock reprenant des tubes de la formation américaine My Chemical Romance. Tout en travaillant, encore ado, chez Marks & Spencer et Claire’s. À 17 ans, elle commence à produire ses propres morceaux sur le logiciel GarageBand. La jeune fille produit des chansons comme on épinglerait de belles images sur Pinterest, en jouant à fond la carte de la nostalgie. On y entend un peu de tout en termes de genres musicaux et beaucoup de samples issus de la dance des nineties. Concernant ses influences, la « panthère rose » cite Lily Allen, Michael Jackson, la K-pop, Paramore, Blink-182, Good Charlotte, Green Day, Panic! at the Disco ou encore Linkin Park.

Un premier album réussi intitulé Heaven Knows

 
Mais ses chansons émotionnelles et accrocheuses ressemblent plus à un mix entre Clairo, d’Erika de Casier et de TLC qu’au rock pour adolescents qu’elle affectionne. Si les mélodies et la voix de PinkPantheress s’avèrent envoûtantes, l’artiste doit aujourd’hui parvenir à sortir les griffes et à affronter sa timidité afin de défendre au mieux ses morceaux sur scène et dans ses clips. Celle qui a délaissé il y a seulement quelques années la pénombre de sa chambre tapissée de photos de Dracula, de Jean-Paul Goude et d’Oasis pour donner quelques concerts, reste une geek dans l’âme. Et le star system semble l’effrayer quelque peu. Comme elle l’a confié au média i-D, elle a même raté l’opportunité d’une collaboration avec Kendrick Lamar car elle était en date, au cinéma, et que son téléphone était éteint. Reste que son art de la composition et son charme lo-fi nous laissent espérer une durée de vie du phénomène PinkPantheress bien plus longue qu’un challenge TikTok à la mode… Surtout que son nouvel album, Heaven Knows, sorti en novembre 2023 et comptant des collaborations avec Rema, Mura Masa et Danny L Harle, continue de séduire avec ses textes sur le chagrin et la solitude et ses mélodies accrocheuses.
 

 

Heaven Knows (2023) de PinkPantheress, disponible. En concert à l’Élysée Montmartre (Paris) le 28 février 2024.