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10 3 auteurs oubliés par la littérature

3 auteurs oubliés par la littérature

CULTURE

Dans les brocantes ou sur les étals des bouquinistes, on croise ces livres, peut-être même s’en saisit-on un moment, avant de les reposer, parce qu’ils ne nous évoquent rien ou que nous n’en avons jamais entendu parler. Pourtant, parmi les trésors oubliés, trois auteurs mériteraient d’être davantage considérés, de par leur style, leur regard novateur, ou encore leur histoire.

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1. Dorothy Richardson (1873-1957) : l'inventrice d'une nouvelle technique d'écriture 

 

Alors qu’on l’attribue souvent à Virginia Woolf, le “flux de conscience” est en réalité utilisé pour la première fois dans la littérature par l’auteure britannique Dorothy Richardson. Technique d’écriture très utilisée dans la littérature moderniste par des auteurs tels que William Faulkner ou James Joyce, ce style vise à traduire, en mots, un courant ininterrompu de pensées, comme un monologue intérieur. Auteure de nombreux essais, poèmes et articles de journaux, côtoyant le fameux cercle littéraire Bloomsbury Group, Dorothy Richardson est avant tout connue pour sa série Pilgrimage (Pèlerinage), composée de 13 tomes.

 

Pendant 18 années, ces treize volumes décryptent la vie de Miriam Henderson, ses doutes et ses sentiments, dans un style si fin et délicat que le lecteur est transporté à l’intérieur même des pensées de la jeune femme. Radicalement novateur pour l’époque, ce récit au style jamais exploité en littérature est presque dénué de ponctuation afin de retranscrire au mieux les mouvements aléatoires de la pensée. Progressiste, Dorothy Richardson y affirme la légitimité des expériences féminines en tant que sujet littéraire, expériences d’ailleurs largement inspirées de sa propre vie. En 1923, cela lui vaudra même une critique du septième tome Revolving Lights (non-traduit en français), par Virginia Woolf qui déclare alors que l’auteure a inventé la “phrase psychologique du genre féminin”.

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2. Richard Wright (1908-1960) : le premier auteur noir best-seller

 

Premier écrivain noir à avoir écrit un best-seller, Richard Wright est pourtant peu connu. Abandonné par son père à l’âge de 5 ans, il s’installe à Jackson, Mississippi avec son jeune frère et sa mère. Cinq ans plus tard, la mère de Wright est victime d’un AVC et commence alors pour le futur écrivain une trajectoire erratique. Balloté de ville en ville, le jeune garçon subit de nombreuses violences, victime du racisme d’un Sud américain dominé par les lois Jim Crow et d’un climat familial particulièrement brutal. Souhaitant se lancer en tant qu’écrivain, il déménage à Chicago en 1927, pour gagner le Nord, plus clément envers les Afro-Américains.

 

Ce début de vie errant et le rejet d’un racisme dominant fondent le thème de son premier roman Native Son, publié en 1940 : Bigger Thomas, jeune Afro-Américain de 20 ans vit dans un quartier pauvre de Chicago. Contrairement aux personnages autour de lui, il se révolte contre sa condition d’homme noir jusqu’à commettre l’irréparable. En trois semaines, 215 000 copies de Native Son sont vendues.

 

Sa carrière d’auteur ainsi lancée de manière fulgurante, Richard Wright publie dans ce sillon des dizaines de fictions et essais, dont Black Boy, histoire de son enfance, récit d’une résilience poignante. En 1946, pour échapper à la chasse aux sorcières du maccarthysme alors qu’il a été membre du Parti communiste de 1933 à 1944, il s’installe avec sa famille à Paris, où il demeurera jusqu’à sa mort. Là, il côtoie Jean-Paul Sartre et Albert Camus ainsi que son compatriote James Baldwin et s’inspire de l’existentialisme pour écrire Le transfuge en 1953. Décédant d’une crise cardiaque à 52 ans, son héritage est immense et constitue un important témoignage dénonçant le racisme ancré dans la société américaine.

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3. Pearl Buck (1892-1973) : la prix Nobel oubliée

 

Auteure de plus de 70 ouvrages, prix Pulitzer, et prix Nobel de littérature, Pearl Buck avait tout pour entrer dans une postérité retentissante. Pourtant, alors qu’elle rencontre un franc succès au milieu du XXe siècle, l’Histoire semblerait avoir oublié cette romancière américaine. Élevée en Chine depuis son plus jeune âge, elle grandit auprès d’un père missionnaire austère qui tente alors vainement de convertir la population chinoise à l’Eglise presbytérienne. Pour ses études, elle retourne aux Etats-Unis, et, à peine sortie de sa faculté en Virginie, elle retourne en Chine se marier à un professeur, aussi morose que son père, vivant dès lors une existence fade et amère de femme dévouée.

 

Insatisfaite de cette vie peu épanouissante, elle commence à écrire dans les années 1930, fortement inspirée par sa vie en Chine et en Orient, où elle aura vécu des événement historiques majeurs, comme l’ascension de Tchang Kai-shek ou encore l’incident de Nankin en mars 1927. En 1932, elle est la première femme américaine à décrocher le prix Pulitzer pour son second roman La Terre Chinoise et, en 1938, elle reçoit le couronnement ultime : le prix Nobel de littérature, face à des auteurs aussi célèbres qu’Henry James et Mark Twain, pour “ses descriptions riches et épiques de la vie des paysans en Chine et pour ses chefs-d'œuvre biographiques”. Militant avant les droits civiques pour l’égalité des races, elle se distingue aussi par des écrits profondément féministes, à l’image d’Un coeur fier, retraçant le destin d’une femme enfermée dans son mariage qui souhaite s’affirmer en tant que sculptrice. Alors qu’elle était l’auteure américaine la plus traduit dans les années 60, ses dernières années s’écoulent dans la solitude jusqu’à sa mort en 1973.