Rencontre avec Zoë Kravitz, égérie Yves Saint Laurent : « Je ne sais pas trop pourquoi je jouerais la petite amie du héros »
L’actrice féline et rock’n’roll Zoë Kravitz, qui vient de terminer son premier long-métrage, Pussy Island, un thriller féministe, est l’égérie envoûtante du nouveau Black Opium Le Parfum d’Yves Saint Laurent, une ode à la nuit. Une occasion rêvée pour récolter ses confidences, en direct de New York.
propos recueillis par Violaine Schütz.
Actrice féline à l’aura rock’n’roll, chanteuse habitée et personnalité anticonformiste, l’Américaine Zoë Kravitz a imposé sa beauté magnétique et sa silhouette tatouée au sommet des collines hollywoodiennes parfois trop lisses. Aussi à l’aise dans des blockbusters comme The Batman que dans des projets atypiques et passionnants (Big Little Lies), la fille de deux icônes de la pop culture, le musicien Lenny Kravitz et l’actrice Lisa Bonet, a hérité de leur farouche esprit d’indépendance. Aventureuse, l’actrice âgée de 34 ans vient de terminer son premier long-métrage, Pussy Island, un thriller féministe qui s’inscrit dans les combats de l’ère #MeToo. Rencontre avec l’égérie du nouveau jus Black Opium Le Parfum d’Yves Saint Laurent.
La jeunesse anticonformiste de Zoë Kravitz, entre Mick Jagger, Prince et les Spice Girls
Enfant, Zoë Isabella Kravitz (de son vrai nom) chantait un tube du groupe de R’n’B TLC à la télévision. Ado, elle sautait sur les genoux des Spice Girls, croisait Mick Jagger dans un studio d’enregistrement et faisait la fête avec Prince. L’artiste née à Los Angeles – et installée depuis des années à Brooklyn – n’a jamais été comme les autres, et elle continue, à 34 ans, d’être une star traçant son chemin hors des sentiers battus. Chanteuse du groupe de R’n’B-synthpop Lolawolf et actrice respectée, la fille du musicien iconique Lenny Kravitz et de la sculpturale actrice à l’aura hippie Lisa Bonet mène sa vie à son propre rythme, imposant sa personnalité rock’n’roll, son allure mi-cool, mi-grunge et ses choix artistiques ambitieux et anticonformistes dans un Hollywood parfois trop policé.
Are You Gonna Go My Way (“Iras-tu dans mon sens ?”), chantait son père en 1993. À l’image des paroles de ce tube électrique, l’actrice s’est battue pour que les choses aillent dans son sens, et pour ne pas s’enfermer dans des rôles de jolie fille auxquels sa féline beauté la prédestinait. À l’écran, elle n’est jamais la femme-objet, mais joue des personnalités complexes et troubles. Troublantes même.
Dans la série Big Little Lies (2017-2019), elle incarne ainsi une prof de yoga qui cache un secret. Dans High Fidelity (2020), elle a tenu à montrer – en participant notamment à l’écriture du show – le visage d’une disquaire antipathique plutôt qu’une version édulcorée de ce personnage dépressif, interprété, dans le film éponyme (réalisé en 2000 par Stephen Frears), par l’acteur John Cusack. Enfin, dans The Batman (2022), elle apparaît comme une Catwoman toujours prête à sortir les griffes et ne se laissant jamais dompter par l’homme chauve-souris (le ténébreux Robert Pattinson).
La reine des blockbusters, de Mad Max à X-Men
Même si elle excelle dans des blockbusters, par essence fédérateurs (Les Animaux fantastiques, Mad Max: Fury Road, Divergente, X-Men – Le Commencement, Spider-Man: New Generation, The Batman), la charismatique actrice sait aussi surprendre. La New-Yorkaise fait partie des songwriteuses du dernier album de Taylor Swift, Midnights (2022) et c’est à elle qu’on doit l’idée des porte-bagages pour chats accompagnant Catwoman sur sa moto dans The Batman.
Sa dernière audace ? Réaliser elle-même un film, qu’elle vient de terminer de tourner (notamment dans la jungle du Yucatán), au titre provocant : Pussy Island. Le thriller féministe, écrit avant le mouvement #MeToo – et qui n’a pas encore de date de sortie – aborde la thématique du conflit entre les hommes et les femmes, et met en scène le petit ami de la star : Channing Tatum. Une montagne de muscles et d’émotions. On y suivra une jeune serveuse de Los Angeles, Frida (jouée par Naomie Ackie), se rendant sur l’île privée d’un magnat de la technologie, connue pour ses fêtes effrénées.
À l’image de l’héroïne de son film, la beauté tatouée affiche un tempérament fougueux et indompté dans la dernière campagne Yves Saint Laurent du nouveau jus addictif de la maison : Black Opium Le Parfum, dont elle est l’égérie. L’actrice y joue les oiseaux de nuit farouches et indépendants, qui n’aime ni les compromis, ni les interdits mais apprécie mener la danse et provoquer le vertige des sens. On a rencontré cette flamboyante affranchie qui prête également son sublime visage aux collections maquillage d’YSL pour parler de cinéma, de féminisme et de sa définition de la beauté.
L’interview de l’actrice Zoë Kravitz, égérie Yves Saint Laurent
Numéro : Comment choisissez-vous vos rôles ?
Zoë Kravitz : Je m’attache généralement davantage au propos du film ou de la série qu’au rôle qui m’est proposé. Si l’histoire est passionnante, même si l’on m’offre un petit rôle, le projet peut m’emballer car je souhaite contribuer à des histoires qui me semblent importantes à raconter. Je pense également qu’il est essentiel de tenter des choses différentes de celles que nous avons déjà faites. Alors, quand je lis un scénario et que je m’aperçois qu’il est tout à fait original par rapport à ce que j’ai fait auparavant, que c’est même un peu effrayant parce que je ne suis pas sûre de pouvoir y arriver, c’est souvent bon signe.
Vos rôles sont souvent complexes. Vous n’incarnez pas simplement la petite amie du héros, mais des femmes puissantes, dans l’action, une démarche très féministe…
En réalité, je veux simplement jouer des rôles de femmes avec lesquelles je peux me connecter. J’aime incarner des femmes auxquelles je m’identifie. Et je ne sais pas trop comment et pourquoi je jouerais la petite amie du héros, qui n’a aucun point de vue. Je ne saurais pas quoi en faire. Il n’y a pas d’humanité dans ce type de personnages.
« Quand un rôle est un peu effrayant, c’est bon signe. »
Zoë Kravitz
Les vêtements et le maquillage vous aident-ils à entrer dans un rôle ?
Ils ont un impact considérable sur la manière dont je me sens. Souvent, lorsque je joue un personnage, je sens qu’il naît vraiment quand je découvre ce qu’il va porter et que j’essaie les vêtements, que je suis coiffée et maquillée. C’est à ce moment-là que je ne me ressemble plus, et c’est très intéressant de constater ce qui se passe alors… Vous commencez à bouger ou à parler différemment. C’est ce qui est si puissant avec le maquillage. Vous mettez du rouge à lèvres, et tout d’un coup vous allez commencer à balancer vos hanches différemment. C’est la preuve que nous – les êtres humains – sommes grandement affectés par ce à quoi nous ressemblons. C’est passionnant de voir à quel point nous sommes influencés par notre apparence.
Dans quel film vous trouvez-vous le plus à votre avantage ?
J’aime le maquillage que je porte dans The Batman, réalisé par la make-up artist Pat McGrath. C’est une artiste incroyable et je me sens très chanceuse qu’elle soit venue sur le plateau du film et ait imaginé ces looks pour nous, les acteurs. Elle a créé quelque chose de sublime et de moderne, mais aussi de rugueux et de désordonné qui symbolise les différents aspects de la personnalité de Selina Kyle, alias Catwoman, que j’interprète.
Quelle a été votre plus grande audace jusqu’ici ?
J’essaie d’être audacieuse dans la plupart des choses que j’entreprends. J’ai écrit et réalisé un film récemment, Pussy Island, et il m’a fallu un certain courage pour sortir des sentiers battus et évoluer vers la réalisation. À chaque fois que quelqu’un, mais je pense spécifiquement aux femmes, tente quelque chose qu’il n’est pas sûr de pouvoir faire, il prend un risque qui nécessite du courage. Concernant les femmes, il y a beaucoup de pression pour tout faire parfaitement, et ce, tout le temps. Donc, quand nous nous aventurons hors de notre zone de confort, cela n’est pas une mince affaire.
« Pour les femmes, il y a beaucoup de pression pour tout faire parfaitement,
Zoë Kravitz
et ce, tout le temps. »
Vous êtes l’égérie de Black Opium Le Parfum, le nouveau jus d’Yves Saint Laurent. Quelle vision avez-vous de cet effluve ?
C’est une fragrance magnifique car elle est complexe. Elle mélange des odeurs de vanille assez douces, que beaucoup de gens ressentent comme dégageant une grande féminité, et des notes plus boisées, profondes et riches comme un shot de café. On ne peut pas dire qu’elles sont vraiment masculines, mais elles contribuent à former un ensemble extrêmement riche et subtil. C’est un jus très Yves Saint Laurent parce que la maison est fortement axée sur l’équilibre entre les différentes facettes des femmes. C’est une odeur très sexy, malicieuse. Et je dois dire que j’adore les campagnes, à la fois fun et belles, mettant en scène le parfum. Il a toujours été question d’aventure, de nuit et d’indépendance.
L’imagerie subversive de Black Opium est une ode à la nuit. Êtes-vous un oiseau de nuit ?
Oui, j’ai un côté party girl. J’aime sortir. Ça arrive peut-être un peu moins depuis que je suis plus âgée, mais je suis très sociable et j’aime rester debout tard le soir. Je suis définitivement un oiseau de nuit, et même lorsque je suis seule à la maison, je ne me couche pas tôt. Je pense que ce qui est excitant dans le fait de vivre dans une ville comme New York, c’est que vous pouvez sortir de chez vous et aller dîner, et puis vous vous apercevez, tout d’un coup, qu’il est 3 heures du matin car vous avez bondi d’un lieu à un autre et rencontré de nouvelles personnes. J’adore les aventures inattendues.
Pensez-vous que les nuits sont plus belles que les jours ?
Je ne sais pas si elles sont plus belles, mais il règne une énergie différente la nuit, et c’est quelque chose de vraiment spécial. Même si je suis fatiguée, quand je me réveille tard dans la soirée ou dans la nuit, je sens que ma créativité est très forte. Je pense qu’il se passe quelque chose aux alentours de minuit, 1 heure du matin. Quelque chose se réveille en moi. Je suis l’une des seules personnes que je connaisse qui, quand elle joue dans un film ou une publicité, adore les tournages nocturnes. La plupart des gens détestent ça parce que vous commencez à travailler quand le soleil est couché et vous finissez au moment où il se lève.
Vous reconnaissez-vous dans la femme Saint Laurent ?
Oui, tout à fait. Il y a de l’audace et de la confiance chez elle. Elle ne s’excuse pas, et n’éprouve pas de regrets. Elle a une part d’androgynie à la fois élégante et contemporaine. C’est quelque chose que la maison a toujours cherché à célébrer. Une indépendance, une simplicité et un équilibre entre le masculin et le féminin. Finalement, il s’agit d’une question de confiance en soi. Quand on a confiance en soi, on n’a pas besoin d’en rajouter. Il suffit de choisir les bonnes couleurs, les bonnes coupes et les bonnes matières. Il y a un côté “classique”, intemporel, chez Saint Laurent.
Quelle est votre définition de la beauté ?
Je sais que ça peut sembler un peu cliché, mais je pense sincèrement qu’elle prend sa source à l’intérieur de nous. Parfois, j’arrive à sentir que quelqu’un n’est pas une bonne personne. Et, si l’on se trouve face à une mauvaise personne, je ne pense pas qu’il y ait alors les fondements nécessaires pour parler de beauté.
Black Opium Le Parfum, Yves Saint Laurent, disponible.
Le film Pussy Island de Zoë Kravitz n’a pas encore de date de sortie.