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14 Rencontre avec Olga Kurylenko, la James Bond girl abonnée aux films d'auteur

Rencontre avec Olga Kurylenko, la James Bond girl abonnée aux films d'auteur

Cinéma

En ce moment à l’affiche de l’étonnant thriller fantastique “The Room” de Christian Volckman, des “Traducteurs” de Régis Roinsard et de “The Bay of Silence” de Paula Von der Oest, l’actrice Olga Kurylenko n’en finit plus de nous surprendre.  Pour Numéro, elle revient sur son rapport effréné au travail, le tournage inhabituel d’“À la Merveille” de Terrence Malick et sa relation particulière avec l’Ukraine, son pays d’origine. 

© Patrice Van Malder. © Patrice Van Malder.
© Patrice Van Malder.

Depuis sa révélation en tant que James Bond girl en 2008, Olga Kurylenko a tourné dans plus de trente long-métrages, alternant entre grosses productions hollywoodiennes et films d’auteur. À cheval entre les cultures, l’actrice française s’est illustrée aussi bien auprès de Ben Affleck dans À​ la Merveille de Terrence Malick qu’en tant que victime directe de la catastrophe de Tchernobyl dans La Terre Outragée de la réalisatrice israélienne Michale Boganim. Dans son tout dernier film The Room, qui sort aujourd'hui en VOD, elle découvre avec horreur les pouvoirs envoûtants d’une maison mystérieuse. Rencontre.

 

 

NUMERO : J’ai appris sur Instagram que vous aviez contracté le Covid-19. Comment allez vous aujourd’hui?

Olga Kurylenko : Tout va bien maintenant ! Heureusement je n’ai pas eu de complications, je crois que j’ai de bons anticorps. En fait j’ai pu profiter à fond de cette période de confinement, c’est arrivé juste au bon moment pour moi parce-que j’avais terminé tous mes projets en cours. J’avais vraiment besoin d’un break !

 

 

Vous êtes parfois à l’affiche de trois ou quatre films en même temps. Comment faites-vous pour travailler autant ?

Je suis une personne un peu extrême. Avec moi c’est tout ou rien, il n’y a pas de juste milieu ! Quand je me mets à travailler, j’y vais à fond, j’enchaîne les tournages et je ne m’arrête que quand je suis totalement épuisée et que je n’ai pas le choix de faire une pause.

 

 

Dans votre dernier film The Room, votre personnage dit à son compagnon “tu vas devenir un grand peintre et moi une femme au foyer parfaite”. Est-ce quelque chose que vous pourriez dire dans la vraie vie ?

Il y a quelques années, je vous aurais répondu non tout de suite. Mon deuxième mari ne voulait pas du tout que je travaille, mais c’était hors de question ! Aujourd’hui, avec cette période de confinement j’ai réalisé qu’en fait j’aime bien être une femme au foyer. Et ça me fait un peu peur d’ailleurs ! Mais bon je m’occupe de mon fils, je lui fais l’école à la maison, je cuisine des petits plats, je fais du jardinage… Aujourd’hui si un homme me demandait de rester à la maison je lui dirais oui (rires). C’est peut-être l’âge qui fait ça !

 

 

Vous avez tourné dans plus de trente long-métrages et au moins quatre séries. Et pourtant vous n’avez travaillé qu’avec quatre réalisatrices !

Ah, c’est intéressant que vous ayez remarqué ça ! En fait j’ai tourné avec cinq femmes, mais je ne peux pas vous donner le nom de la cinquième car je n’ai pas le droit de parler du film, c’est un projet secret. Mais c’est vrai que ça ne fait pas beaucoup…

 

 

À​ votre avis est-ce que c’est lié au fait que depuis le James Bond de Marc Forster vous avez multiplié les films d’actions ?

Vous voulez dire que les femmes ne réalisent pas de films d’actions ? Peut-être…. Mais pourtant il y en a quand même quelques unes, comme Kathryn Bigelow par exemple. Ses films sont assez masculins. Et puis, Wonder Woman a été réalisée par une femme aussi !

 

 

“Terrence Malick a une manière très particulière de filmer. C'est un peu comme un documentaire où chacun doit improviser en fonction de son personnage.”

 

 

Mais vous avez aussi tourné dans des films d’auteurs comme L’Annulaire de Diane Bertrand, À​ la Merveille de Terrence Malick ou La Mort de Staline d’Armando Ianucci.

Oui, j’essaye toujours d’intercaler les films d’actions avec des films d’auteur. Personnellement c’est ce que je préfère voir en tant que spectatrice. D’ailleurs, au début de ma carrière je pensais vraiment que je ne ferais que ça !

 

 

Il paraît que pour le film de Terrence Malick vous n’avez pas eu le droit de lire le scénario. Comment fait-on en tant qu’actrice, pour aborder un rôle de cette manière ?

En fait Terrence m’a fait venir deux semaines avant le début du tournage et il m’a énormément parlé de mon personnage. Je ne savais pas ce qu’il disait aux autres acteurs, c’était vraiment un travail individuel. Il a une manière très particulière de filmer, c’est un peu comme un documentaire. Il demande aux acteurs de visualiser leurs personnages, d’imaginer leurs réactions dans telle ou telle situation et après il les filme au quotidien. Par exemple il me suivait avec son caméraman la journée, il me disait d’aller à la messe ou encore de me disputer avec mon compagnon dans le film, Neil [Ben Affleck], mais il ne me disait jamais ce que je devais dire, c’était à moi d’improviser. 

“The Room” de Christian Volckman (2020). “The Room” de Christian Volckman (2020).
“The Room” de Christian Volckman (2020).

Votre travail de préparation pour The Room ressemblait-il aussi à ça ?

Pas du tout ! Christian Volckman m’a donné le scénario et on a fait pas mal de préparation en amont du tournage. J’ai eu énormément de chance de tourner avec Kevin Janssens, qui est mon mari dans le film, on s’est très bien entendu. On a réussi à avoir une vraie complicité, j’ai l’impression que ça se ressent à l’écran.

 

 

Dans le film, votre personnage habite une maison magique qui peut faire apparaître tout ce qu’on lui demande. Que demanderiez-vous si vous aviez accès à cette maison dans la réalité?

Beaucoup de gens me posent cette question, mais pour être honnête je ne veux rien. On ne peut pas demander du bonheur ou la paix dans le monde car ce ne sont pas des choses tangibles. Moi je n’ai envie de rien de matériel, je m’en fous, j’ai assez d’argent pour m’acheter des vêtements ou à manger. Bon… une voiture à la limite !

 

 

Sur votre compte Instagram, vous avez posté une publication le 8 mai pour célébrer le jour de la victoire des Alliés, ce qui a fait énormément réagir vos followers…

Comment avez-vous compris la publication? C’était du russe !

 

 

Certains commentaires étaient rédigés en français…

C’est incroyable les réactions que cette publication a pu avoir. Ça a créé une polémique comme je ne pouvais pas l’imaginer ! En fait ma mère a offert un jouet à mon fils, un tank en carton. Je l’ai dit sur Instagram et j’en ai profité pour souhaiter un joyeux 8 mai à tous, et là… Mon Dieu! Les gens ont tout mélangé. Des nationalistes ukrainiens extrémistes m’ont insulté, traité de traitre et accusé de soutenir le gouvernement russe. Ça n’a rien à voir ! Moi je voulais simplement commémorer la mémoire de ceux qui sont morts pendant la Seconde Guerre mondiale, c’est tout, je ne parlais pas du tout du conflit entre l’Ukraine et la Russie. Malheureusement, les médias s’en sont emparés et cette histoire a fait les gros titres dans la presse et à la télévision là-bas. Heureusement, certains m’ont quand même soutenue.

 

 

Avez-vous eu le même genre de réactions quand vous avez dénoncé le comportement d’Harvey Weinstein ?

Pas du tout. Étrangement personne n’en a parlé. Mais mon histoire avec Harvey Weinstein n’est pas aussi scandaleuse que celles d’autres actrices qui ont été violées. 

 

 

“Je ne sais jamais quoi répondre quand on me demande si je me sens plus Ukrainienne ou Française. Je n'ai pas envie de choisir!”

 

 

Vous êtes née en Union Soviétique, vous avez déménagé en France à l’âge de 16 ans, vous avez tourné aux Etats-Unis et vous habitez à Londres. Avez-vous parfois le sentiment d’être un peu perdue ?

J’habite à Londres mais franchement avec ce qui ce passe en ce moment là-bas j’ai envie de revenir en France ! Pour moi avoir plusieurs cultures et plusieurs langues est une vraie richesse. Je ne sais jamais quoi répondre quand on me demande si je suis plus Ukrainienne ou plus Française, je n’ai pas envie de choisir ! En plus c’est un réel atout dans mon métier, je peux tourner presque partout. Dans le film de Michale Boganim La Terre Outragée, je parle trois langues !

 

 

D’ailleurs vous faites souvent les doublages en français de vos films.

Oui, pour moi c’est important de le faire car ça me permet d’avoir vraiment le contrôle sur mon jeu. J’adore aussi enregistrer la post-synchro, ce qui étonne toujours les ingés sons car  en général aucun acteur n’aime faire ce travail. Pour moi, ça me permet d’analyser ma performance.

 

 

Johnny Depp dit toujours qu’il n’a jamais vu un seul de ses films.

Je pense qu’il y a deux raisons à cela : soit on est très sûr de soi et on pense qu’on a pas besoin de regarder ses films, soit on a très peur de découvrir qu’on est mauvais. Personnellement je n’ai jamais eu peur de découvrir que je n’ai pas bien joué. Si ma performance n’est pas bonne je ne vais pas déprimer et aller me pendre ! C’est essentiel pour moi de me regarder pour m’améliorer. Je pense qu’on peut toujours résoudre un problème.

 

 

Quels sont vos désirs de cinéma pour la suite ?

Avant je vous aurais dit que j’aimerais tourner avec Lars Von Trier ou David Lynch. Mais maintenant j’attends surtout d’être emballée par un projet. Pourquoi pas faire plus de comédies, histoire de changer un peu de registre ! 

 

 

The Room, de Christian Volckman. Disponible en VOD.