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Numéro
09 Le clan de Christophe Honoré : Chiara Mastroianni

Le clan de Christophe Honoré : Chiara Mastroianni

Cinéma

Depuis ses débuts en tant qu’auteur il y a une dizaine d’années, la liberté radicale de Christophe Honoré s’est affirmée au cinéma comme dans ses mises en scène au théâtre et à l’opéra. Nouveau pavé dans la mare, le film “Chambre 212” mise sur une théâtralité appuyée, servie par un casting de rêve. Toute la semaine, Numéro infiltre le clan de Christophe Honoré et dresse un portrait intime de ses membres. Aujourd’hui : Chiara Mastroianni.

Manteau croisé et jupe longue en drap de laine, Dries Van Noten. Tee-shirt en jersey de coton, Uniqlo.
Coiffure : Perrine Rougemont chez Caren. Maquillage : Sandrine Cano Bock chez Artlist. Assistante réalisation : Laura Perros. Set design : Marie Malterre. Numérique : Marine Grandpierre. 
Retouche : Georges-Emmanuel Arnaud. Production : Gallois Montbrun&Fabiani. Manteau croisé et jupe longue en drap de laine, Dries Van Noten. Tee-shirt en jersey de coton, Uniqlo.
Coiffure : Perrine Rougemont chez Caren. Maquillage : Sandrine Cano Bock chez Artlist. Assistante réalisation : Laura Perros. Set design : Marie Malterre. Numérique : Marine Grandpierre. 
Retouche : Georges-Emmanuel Arnaud. Production : Gallois Montbrun&Fabiani.
Manteau croisé et jupe longue en drap de laine, Dries Van Noten. Tee-shirt en jersey de coton, Uniqlo.
Coiffure : Perrine Rougemont chez Caren. Maquillage : Sandrine Cano Bock chez Artlist. Assistante réalisation : Laura Perros. Set design : Marie Malterre. Numérique : Marine Grandpierre.
Retouche : Georges-Emmanuel Arnaud. Production : Gallois Montbrun&Fabiani.

Je me souviens qu’au dernier jour de tournage des Chansons d’amour, en 2007, j’avais vraiment le cafard. J’ai un côté très sentimental avec les tournages. Je m’attache. Christophe Honoré est venu me dire au revoir en m’expliquant qu’on se retrouverait. J’ai pensé qu’il disait ça en l’air, pour que je libère la loge. Mon pessimisme légendaire faisait que je n’y croyais pas trop.” Chiara Mastroianni ne nous lâche pas des yeux en racontant cette histoire, comme s’il n’y avait pas de temps à perdre pour exprimer l’intensité de son engagement avec le cinéma, mais aussi sa crainte que tout s’arrête. “Me retrouver au centre d’un film, ça ne m’arrive pas très souvent”, glisse-t-elle. Une leçon de base s’ensuit. Être comédienne suppose moins de trouver les bons rôles que de parvenir à être regardée par la bonne personne. “C’est un peu le destin des acteurs, confirme-t- elle. Mon père me disait souvent que ça n’existe pas, les ‘meilleurs acteurs’ : ils sont au fin fond d’un pays, on ne saura jamais où. Tu peux être acteur tant que tu veux, quelqu’un doit te voir et te comprendre. Christophe, je lui dois énormément.

 

 

La trajectoire vers les plateaux a pourtant été chaotique. Catherine Deneuve ne se réjouissait pas de voir sa fille emprunter ce chemin.

 

 

Chambre 212 est la sixième collaboration entre le réalisateur de La Belle Personne et la fille de Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni, qui a obtenu le prix d’Interprétation féminine de la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2019. Avec Les Bien-Aimés ou encore Non, ma fille, tu n’iras pas danser, une trajectoire unique s’est dessinée entre eux. Ses fondations ? Une admiration commune, loin des rapports artiste-muse hiérarchisés, dont le cinéma s’est trop longtemps nourri. Avec ce film où Chiara joue un “don Juan féminin”, une nouvelle étape s’ébauche. “Nous avions exploré plusieurs personnages, toujours dans le drame. Je crois que cette fois, Christophe avait vraiment envie de quelque chose de plus léger, même si les sujets du film sont l’amour, la vieillesse et la lassitude !” Le réalisateur éclaire son désir de voir son actrice différemment. “Chiara, je l’ai beaucoup filmée en femme malheureuse. De par son visage, elle imprime la pellicule de mélancolie. Mais dans la vie, elle est très drôle. Elle a également beaucoup de dérision et d’ironie. Je n’avais jamais vraiment réussi à capter cela dans mes films.

“Chambre 212” de Christophe Honoré.

Pour Chiara, le cinéma a formé très tôt un milieu naturel. “Il est entré par toutes les portes”, dit-elle joliment. Côté maternel, l’enfant et préado qu’elle était voyait de nombreux films. “Comme ma mère est très cinéphile, c’était le seul truc pour lequel elle m’autorisait à me coucher tard. Je me souviens du vendredi soir comme d’un jour magique : il y avait le Ciné-Club à la télé et je n’avais pas cours le samedi. Pour moi, c’était un pas vers la liberté. Ma mère avait aussi une collection numérotée de VHS de vieux films américains, Capra, par exemple, mais aussi du cinéma italien...” Plus tard, la trajectoire vers les plateaux a pourtant été chaotique. Catherine Deneuve ne se réjouissait pas de voir sa fille emprunter ce chemin. La rencontre avec Melvil Poupaud sur les bancs du lycée s’est avérée décisive. “On a passé notre bac ensemble, avant de s’inscrire à la fac, sauf qu’on a très vite décroché. Melvil, qui avait commencé le cinéma enfant avec Raoul Ruiz, m’a poussée. Il me disait : ‘Tu t’en fous, essaie. Tu ne vas pas faire autre chose en rêvant à ça.’ Il m’a décoincée. Ensuite, j’ai eu très vite de la chance.

 

 

“On me trouve souvent sentimentale et trop triste quand une aventure de cinéma se termine, mais ça vient de là : les tournages m’ont aidée quand j’étais enfant.

 

 

Dans la première partie de sa carrière, Chiara Mastroianni a croisé des cinéastes aussi importants que Raoul Ruiz, Arnaud Desplechin et même Manoel de Oliveira, le maître portugais qui a vu en elle une incarnation contemporaine de la princesse de Clèves dans La Lettre (1999). “J’ai été très attirée par des auteurs singuliers. Ce qui me faisait plaisir, c’était l’idée de côtoyer des personnalités qui avaient un monde à elles. Même un tout petit rôle dans Nowhere de Gregg Araki, c’était complètement surréaliste et très formateur.”

 

Note pour plus tard : le cinéma devrait accueillir cette actrice unique avec encore plus d’amour. Ce qui est sûr, c’est qu’elle ne s’en détachera jamais. La raison émerge quand elle évoque celui que tout le monde appelait simplement Marcello. “Mon père, je ne vivais pas avec lui, ni dans la même ville ni dans le même pays. Alors c’était un événement de le voir. Et cela se passait principalement sur les tournages. Il s’y montrait très disponible, détendu, tandis que le reste de la vie lui pesait. C’est vraiment là qu’il était le plus heureux. Pour moi, le plateau était un endroit réconcilié. On me trouve souvent sentimentale et trop triste quand une aventure de cinéma se termine, mais ça vient de là : les tournages m’ont aidée quand j’étais enfant.

 

 

Chambre 212, de Christophe Honoré, en salle.