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Numéro
15 Ida Tursic & Wilfried Mille, nouveaux prétendants au Prix Marcel Duchamp

Ida Tursic & Wilfried Mille, nouveaux prétendants au Prix Marcel Duchamp

Art

Les noms des quatre artistes en lice pour le Prix Marcel Duchamp 2019 ont été révélés. Parmi eux, les peintres Ida Tursic & Wilfried Mille. Petits caniches et femmes dénudées, les sujets de leurs tableaux explorent avant tout la picturalité et les possibilités infinies de la couleur.

“Male Nude and Yellow Flowers”, Ida Tursic & Wilfried Mille, 2018. Courtesy Almine Rech gallery. “Male Nude and Yellow Flowers”, Ida Tursic & Wilfried Mille, 2018. Courtesy Almine Rech gallery.
“Male Nude and Yellow Flowers”, Ida Tursic & Wilfried Mille, 2018. Courtesy Almine Rech gallery.

Nous avons 88 ans. Nous sommes donc de la même génération que Niele Toroni, ce qui est très logique et plutôt agréable, explique avec un sourire entendu Wilfried Mille, qui parle rarement de lui à la première personne du pluriel, et que l’on ne soupçonne pas un instant de s’appliquer le “nous” de majesté. En l’occurrence, il évoque ici l’inséparable duo qu’il forme avec Ida Tursic (“elle est plus âgée que moi... de un mois”, précise-t-il : 44 ans cha- cun, 88 ans à eux deux). Les noms des quatre artistes en lice pour le Prix Marcel Duchamp 2019 ont été révélés : les peintres Ida Tursic & Wilfried Mille, le cinéaste Éric Baudelaire, la sculptrice et plasticienne Katinka Bock et Marguerite Humeau, surnommée l’“Indiana Jones de l’ère Google”.

 

Pour le Numéro 50, le duo Ida Tursic & Wilfried Mille nous avait offert une œuvre spécifique et inédite – deux œuvres en vérité, mais la jeune femme accroupie, simplement vêtue d’un corset de cuir noir et d’un fouet, portant sur son dos le numéro “50”, avait été considérée comme dépassant peut-être légèrement les convenances de la presse. Nous lui avions préféré cette charmante scène de domination dans laquelle un jeune homme en slip de cuir tient en laisse une jeune femme et son compagnon dans quelque sombre sous-sol... De fait, leur travail pictural, à l’époque, s’inspirait essentiellement d’images pornographiques glanées sur Internet ou dans des magazines, donnant lieu à d’extraordinaires aquarelles ou à de très grandes peintures : la plus imposante d’entre elles, The Wave – In Paradise with Silvia Saint (2002), mesure pas moins de trois mètres de haut et sept mètres de long. Si le premier plan est occupé par un magnifique champ de tulipes roses, et l’arrière-plan par une vague monumentale, la célèbre actrice tchèque de films X (elle a tourné dans pas moins de 291 films !) y est immortalisée dans une action qui ne laisse aucun doute. Etrange, d’ailleurs, de voir ces images-là utilisées par ce couple de peintres bien sous tous rapports, choisissant de vivre en Bourgogne plutôt qu’à Paris, à qui le Bon Dieu s’offrirait de lui-même sans confession, et réunis par une histoire à l’eau de rose dont ils n’aiment pas vraiment que l’on fasse le récit, préférant qu’on s’intéresse à leur peinture.

 

 

<p>“Nude and Colors, Orange and Blue”, Ida Tursic & Wilfried Mille, 2018. Courtesy Almine Rech gallery.</p>

“Nude and Colors, Orange and Blue”, Ida Tursic & Wilfried Mille, 2018. Courtesy Almine Rech gallery.

<p>“Nude and Colors, Green”, Ida Tursic & Wilfried Mille, 2018. Courtesy Almine Rech gallery.</p>

“Nude and Colors, Green”, Ida Tursic & Wilfried Mille, 2018. Courtesy Almine Rech gallery.

Disons alors simplement qu’Ida Tursic est née à Belgrade, en Serbie, Wilfried Mille à Boulogne-sur- Mer, la même année; qu’ils se sont rencontrés à l’école des beaux-arts de Dijon où ils ont étudié, ont entrepris de travailler ensemble, se sont mariés, et travaillent toujours ensemble. Disons encore que leur carrière s’est construite patiemment, loin de l’agitation qui fait retomber ses élus très vite dans l’oubli, que la Galerie Pietro Sparta s’est intéressée très tôt à eux, qu’ils ont ex-posé à Lisbonne, à Bruxelles, aujourd’hui à Moscou, qu’ils ont été lauréats du XIe prix Fondation d’entreprise Ricard en 2009 et que, à ce titre, le Centre Georges-Pompidou à Paris possède une de leurs toiles exemplaires : une vue en camaïeu de gris de l’arrière des lettres qui forment “Hollywood” (The Back of the Sign, 2007).

 

Et s’ils citent volontiers le travail de Niele Toroni (le grand artiste suisse résidant à Paris, et qui fonde en 1967 le groupe BMPT avec Daniel Buren, Olivier Mosset et Michel Parmentier) plutôt considéré comme un peintre minimaliste, c’est que, figurative ou pas, leur peinture est “avant tout” une peinture. Celle de Toroni s’appuyait sur ses procédures mêmes – des “empreintes de pinceau n° 50 répétées à intervalles réguliers (30 cm)”. Celle d’Ida Tursic et Wilfried Mille s’offre plus généreusement à l’iconographie complexe et prolifique du XXIe siècle, et emprunte à la pornographie, certes, mais aussi au cinéma d’auteur, à la photographie de mode ou publicitaire, aux torrents d’images déversés par le Web, à la géométrie : à tout ce qui aujourd’hui “fait image” et semble destiné à une disparition quasi immédiate.

<p>“Happy bichon”, Ida Tursic & Wilfried Mille, 2018. Courtesy Almine Rech gallery.</p>

“Happy bichon”, Ida Tursic & Wilfried Mille, 2018. Courtesy Almine Rech gallery.

<p>“Bettie”, Ida Tursic & Wilfried Mille, 2018. Courtesy Almine Rech gallery.</p>

“Bettie”, Ida Tursic & Wilfried Mille, 2018. Courtesy Almine Rech gallery.