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Numéro
16 David Hockney bat Jeff Koons aux enchères

David Hockney bat Jeff Koons aux enchères

ART & DESIGN

La toile du peintre David Hockney “Portrait of an Artist (Pool with Two Figures)” a été adjugée près de 80 millions d’euros lors d’une vente aux enchères chez Christie’s New York. Un nouveau record de vente pour un artiste vivant, le Britannique détrône Jeff Koons et son “Balloon Dog (Orange)”.

“Portrait of an Artist (Pool with Two Figures)” (1972) de David Hockney. “Portrait of an Artist (Pool with Two Figures)” (1972) de David Hockney.
“Portrait of an Artist (Pool with Two Figures)” (1972) de David Hockney.

La toile du peintre britannique David Hockney Portrait of an Artist (Pool with Two Figures) a été adjugée 90,3 millions de dollars (près de 80 millions d’euros) lors d’une vente aux enchères chez Christie’s New York, le 15 novembre dernier. Il s’agit d’un nouveau record de vente pour un artiste vivant : David Hockney détrône ainsi Jeff Koons dont la sculpture Balloon Dog (Orange) avait été adjugée 58,4 millions de dollars (environ 51 millions d’euros) dans cette même salle de vente en 2013.

 

 

Historiquement, dans notre imaginaire, son œuvre des années 60 et 70 est dominée par le bleu des piscines californiennes, qui éclate à la surface de A Bigger Splash (1967) ou de Portrait of an Artist (Pool with Two Figures) [1972].

 

 

En seulement neuf minutes, les enchères ont atteint ce montant faramineux, passant notamment des 18 millions de dollars de départ à 50 millions en à peine trente secondes… Cette grande toile culte de David Hockney (2,13 m sur 3,05) réalisée en 1972 représente Peter Schlesinger, l’ex-amant du peintre. Elle ne faisait d’ailleurs l’objet d’aucune garantie – c’est-à-dire de prix minimum assuré par Christie’s. Les 18 millions de dollars de départ correspondaient donc à l’annonce du premier enchérisseur. Si l’on ne connaît pas l’identité de l’heureux détenteur de ce tableau, star de la rétrospective consacrée à l’artiste au Centre Pompidou l’année dernière, il est bon de noter que David Hockney ne touchera pas un seul centime : il a vendu l’œuvre il y a 46 ans pour “seulement” 20 000 dollars.

“Balloon Dog (Orange)” de Jeff Koons “Balloon Dog (Orange)” de Jeff Koons
“Balloon Dog (Orange)” de Jeff Koons

Historiquement, dans notre imaginaire, son œuvre des années 60 et 70 est dominée par le bleu des piscines californiennes, qui éclate à la surface de A Bigger Splash (1967) ou de Portrait of an Artist (Pool with Two Figures) [1972], entre autres chefs-d’oeuvre. Hockney peint alors à l’acrylique, une technique plutôt nouvelle pour l’époque, qui ne permet pas de dégradés très précis, mais autorise de grands aplats colorés. Hockney a toujours représenté ce – et ceux – qui l’entouraient : arrivé à Los Angeles en janvier 1964, il peignit alors des piscines, mais surtout produisit un portrait pictural (et photographique) de la ville. Comme il le souligne lui-même : “Il n’existait pas de peintures de Los Angeles. Les gens, alors, n’avaient même pas idée de ce à quoi cet endroit pouvait ressembler. Quand je suis arrivé, on était en train d’achever certaines autoroutes. Et je me souviens, la première semaine où j’étais sur place, de m’être dit en regardant une rampe d’accès qui aboutissait dans les airs : ‘mon Dieu ! ce lieu a besoin de son Piranèse. Los Angeles devrait avoir son Piranèse, et justement, me voilà !”

 

 

David Hockney fut associé à l’émergence du pop art anglais mais réfuta rapidement cette association, construisant un isolement stylistique qui compliqua la réception de son oeuvre : comment prendre au sérieux un type qui peint des piscines et un lifestyle désinvolte et hédoniste ?

 

 

David Hockney fut associé, avec Richard Hamilton, à l’émergence du pop art anglais (qui précède le pop art américain), mais réfuta rapidement cette association, construisant ainsi un isolement stylistique qui, de toute évidence, compliqua la réception de son oeuvre : comment prendre au sérieux un type qui peint des piscines et un lifestyle désinvolte et hédoniste ?

 

C’est toutefois en Angleterre que commença la carrière de David Hockney, qui naquit à Bradford en 1937. À la Bradford School of Art, en 1953, il apprit la peinture à l’huile, puis rejoignit le Royal College of Art de Londres en 1959. Les toiles de ses débuts frappent par le caractère ouvertement gay de leur narration, alors que l’homosexualité restera considérée comme un crime dans le pays jusqu’en 1967. Pourtant Two Men in a Shower (1963), The Most Beautiful Boy in the World (1961), We Two Boys Together Clinging (1961) ou l’impertinent Cleaning Teeth, Early Evening (10 p.m.) [1962], qui figure plus un 69 gay qu’un brossage de dents, ne font pas mystère des choix de sexualité qu’elles célèbrent.

 

David Hockney fut associé, avec Richard Hamilton, à l’émergence du pop art anglais (qui précède le pop art américain), mais réfuta rapidement cette association, construisant ainsi un isolement stylistique qui, de toute évidence, compliqua la réception de son oeuvre : comment prendre au sérieux un type qui peint des piscines et un lifestyle désinvolte et hédoniste ? Dans les années 80, sa peinture figurative, et toujours perçue comme une survivance du pop art, ne connut pas un succès critique exemplaire. Confrontée aux styles dominants de l’époque et aux bouleversements infligés à l’histoire de l’art par le minimalisme et l’art conceptuel, elle embarquait, d’une manière décomplexée, Matisse et Picasso sous le soleil de Los Angeles, et fut moins considérée que les expérimentations qu’il menait alors avec de grandes compositions photographiques d’inspiration cubiste faites de Polaroid employés comme autant de points de vue simultanés d’une même scène.

 

David Hockney a eu 81 ans cette année. Il fume comme un pompier et s’est taillé une sérieuse réputation dans le camp des fumeurs : c’est la première question qu’il vous pose, lorsque vous le rencontrez. Fumer crée un préalable très positif à la conversation, d’autant plus périlleuse qu’il est frappé de surdité depuis une quarantaine d’années. Les lois antitabac le désespèrent mais aussi l’indignent : il ne semble pas aimer les restrictions de liberté, quelles qu’elles soient. Il fume sans discontinuer, veille à ce que les cendres tombent sur son pull, précise qu’il ne sort plus dans les lieux frappés d’interdiction de fumer. Lorsqu’on lui demande : “Reconnaissez-vous l’artiste des débuts dans celui d’aujourd’hui ?” Il répond sans hésiter : “Oui, absolument. En effet, quand je peins, j’ai toujours l’impression d’avoir 30 ans.”