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Numéro
12 3 pièces iconiques qui ne cessent de se réinventer

3 pièces iconiques qui ne cessent de se réinventer

MODE

Alors que la mode se tourne de plus en plus vers le vintage et valorise des initiatives durables, retour sur trois pièces cultes de grandes maisons qui ne prennent pas une ride : la Tabi de Maison Margiela, le sac en nylon Prada, et le trench-coat Burberry. Plus que de simples objets de désir, ces pièces iconiques portent l’ADN de leur maison et ont vocation à être déclinées sans cesse.

Le modèle Tabi tagué, printemps-été 1990 ; les semelles Tabi et leur rouleau de scotch, printemps-été 1996 ; la collaboration Maison Margiela x Reebok, 2020 ; t-shirt de la caspule anniversaire Tabi, 2019 ; le pendentif Tabi, 2019 ; la bague Tabi, 2020 Le modèle Tabi tagué, printemps-été 1990 ; les semelles Tabi et leur rouleau de scotch, printemps-été 1996 ; la collaboration Maison Margiela x Reebok, 2020 ; t-shirt de la caspule anniversaire Tabi, 2019 ; le pendentif Tabi, 2019 ; la bague Tabi, 2020
Le modèle Tabi tagué, printemps-été 1990 ; les semelles Tabi et leur rouleau de scotch, printemps-été 1996 ; la collaboration Maison Margiela x Reebok, 2020 ; t-shirt de la caspule anniversaire Tabi, 2019 ; le pendentif Tabi, 2019 ; la bague Tabi, 2020

1. La bottine Tabi de Maison Margiela : de la chaussure au bijou

 

23 octobre 1988 : sur un tapis de papier blanc, des traces de pas rouges se dessinent au passage de mannequins voilés. Il s’agit du premier défilé Maison Martin Margiela, et les marques de peinture laissées par les chaussures ont une forme peu commune : un talon cylindrique et une semelle fendue, présentant l'empreinte du modèle Tabi pour la toute première fois aux pieds des mannequins. Cette bottine si spéciale qui deviendra un signe distinctif du label trouve en fait ses origines — et son nom — au Japon : des chaussettes fendues entre deux orteils y existent depuis le XVe siècle, avant que Martin Margiela ne les découvre lors d’un voyage d’études avec l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers. C’est la beauté étrange de ce modèle qui séduit le créateur belge, mû par l’idée d’une chaussure qui n’en soit pas une. Voulant créer l’illusion d’un pied nu reposant sur un talon, le designer ira jusqu’à réduire le modèle à une simple semelle à talon cylindrique et fendue qui sera maintenue au pied avec de l’adhésif transparent, pour la collection printemps-été 1996. Ce modèle sera même vendu en boutique, avec son rouleau de scotch. 

 

Devenue iconique dès son apparition — au point d’être taguée par des fans de la maison pour la collection printemps-été 1990 —, la bottine sera retravaillée à chaque collection, du temps du créateur original Martin Margiela mais aussi depuis 2014 avec John Galliano à la direction artistique du label. Ainsi, en juin dernier, la Tabi perd son talon cylindrique pour se voir déclinée en version Chelsea en daim ou même en mocassins. Mais c’est avec la ligne 0, baptisée Artisanal, créée en 2005 et présentant des pièces réalisées à la main dans le studio parisien, que se font les interprétations les plus expérimentales : pour la collection Artisanal automne-hiver 2020, les Tabi sont transformées en spartiates en cuir, ou en bottes lacées en laine chevron. En janvier 2020, la Tabi dévient pour la première fois une sneaker, grâce à une collaboration avec Reebok. Mais la chaussure mythique ne se cantonne pas à habiller les pieds de ses fans. En juillet 2019, pour fêter les 30 ans de la Tabi, une collection capsule présente en plus des chaussures un t-shirt estampillé des empreintes bien reconnaissables, et sort même un porte-clef décapsuleur en forme de Tabi, tandis que la silhouette de la chaussure est immortalisée en pendentif, en exclusivité sur le site Ssense. Plus récemment, la maison dévoile une nouvelle interprétation : une bague en argent sterling, composée comme une semelle Tabi qui vient s’enrouler autour du doigt.

Collection Prada printemps-été 1994 ; la sac à dos "Vela" en nylon ; la collection Prada Sport ; Prada Linea Rossa, 2018 ; collection Prada automne-hiver 2020 Collection Prada printemps-été 1994 ; la sac à dos "Vela" en nylon ; la collection Prada Sport ; Prada Linea Rossa, 2018 ; collection Prada automne-hiver 2020
Collection Prada printemps-été 1994 ; la sac à dos "Vela" en nylon ; la collection Prada Sport ; Prada Linea Rossa, 2018 ; collection Prada automne-hiver 2020

2. Le sac en nylon Prada : plus que l’accessoire, la matière

 

"Je veux toujours mélanger la façon industrielle de faire les choses avec le patrimoine du passé, la tradition artisanale", expliquait Miuccia Prada au New Yorker en 1990. Six ans plus tôt, c'est sur cette idée qu’est lancé le premier sac à dos en nylon Prada. Nous sommes en 1979 et le monde de la mode découvre un objet utilitaire aux codes de la maison italienne spécialisée dans la maroquinerie, dans une matière industrielle utilisée pour fabriquer les tentes de l’armée. Extrêmement résistant et imperméable, le nylon n’est pourtant pas choyé par le luxe, et c’est la première fois qu’il est ainsi mis en avant par une grande maison ; de couleur noire, décoré uniquement de la plaque triangulaire en métal signature de Prada, ce sac à dos surnommé "Vela" connait à sa sortie un succès phénoménal. Il faut attendre la collection printemps-été 1994 pour que ce fameux nylon fasse son apparition sur des pièces de prêt-à-porter : toujours en noir, sur une veste à col officier, une doudoune sans manches, un long manteau d’extérieur, et même sur des mini-jupes trapèze. Ces pièces à l’allure sportive inspireront, trois ans plus tard en 1997, la ligne Prada Sport, une collection spécialisée dans des vêtements sportswear en nylon — repérables par une bande rouge décorative — qui durera quelques années avant de s’éteindre progressivement au cours des années 2000. 

 

Entre temps, le classique sac à main Prada a fait sont apparition en nylon, et sa ligne épurée combinée à cette matière futuriste en fait le favori des it-girls des années 2000. Vu et revu en plusieurs couleurs et formes, il connait depuis deux ans une recrudescence — notamment auprès des influenceuses sur Instagram — avec les Re-Editions 2000 et 2005 de la maison italienne. L’année 2018 fait décidément la part belle à la matière fétiche de Prada, qui ressuscite sa ligne sportive sous le nom de Linea Rossa — “ligne rouge” en italien. Dépoussiérée et rajeunie, elle se compose de pièces unisexes au design minimaliste, bien évidemment toujours en nylon, dans une palette variant du gris au rose fluo ou orange vif. Ainsi, le défilé automne-hiver 2020 voit des pièces de Linea Rossa se nicher dans les looks pointus de la maison. Dans le même temps, une initiative écologique de Prada baptisée Re-Nylon a pour objectif de convertir tout le nylon vierge de la maison en nylon régénéré ECONYL® d’ici fin 2021, et propose déjà les sacs emblématiques Prada, dont le Vela, dans cette version durable.

Une publicité Burberry dans les années 30 ; collection Burberry printemps-été 2020 : collection Burberry automne-hiver 2020 ; pré-collection printemps-été 2021 ; la collection durable ReBurberry Edit Une publicité Burberry dans les années 30 ; collection Burberry printemps-été 2020 : collection Burberry automne-hiver 2020 ; pré-collection printemps-été 2021 ; la collection durable ReBurberry Edit
Une publicité Burberry dans les années 30 ; collection Burberry printemps-été 2020 : collection Burberry automne-hiver 2020 ; pré-collection printemps-été 2021 ; la collection durable ReBurberry Edit

3. Le trench-coat Burberry : revisiter l’intemporel

 

C’est en 1879 que Thomas Burberry met au point la gabardine, un coton résistant aux intempéries. Contrairement aux étoffes imperméables traditionnelles, ce tissu révolutionnaire qui sera celui de l’iconique trench-coat de la maison n’a pas besoin d’être ciré ou caoutchouté pour repousser l’eau, ce qui le rend très léger et respirant. Mais il faudra attendre le siècle suivant pour que le trench Burberry fasse sa première apparition : héritier du manteau Tielocken breveté par Thomas Burberry en 1912, le premier trench est créé pour répondre aux besoins de la première guerre mondiale. Ce manteau long, au départ kaki, présente une double-croisure, un empiècement au dos, des ceintures réglables à la taille et des pattes de serrage aux poignets, le tout pour mieux protéger des conditions extrêmement rudes des tranchées — trenches, en anglais, qui lui donne son nom. Revisité par Hollywood dans les années 40, le trench se déleste de son image militaire pour être associé à l’image plus séduisante du détective ou de la femme fatale de film noir ; il sera porté par Humphrey Bogart, Marlene Dietrich ou plus tard, Meryl Streep. Entre temps, le trench est devenu beige et indissociable de Burberry. 

 

Reconnaissable entre mille, le trench Burberry garde bien longtemps sa forme classique et son rôle d’intemporel. En 2016, sous l’égide du directeur de création Christopher Bailey, la maison propose un service de personnalisation par initiales sur son nouveau trench, dont le nom “Heritage” traduit une volonté de perpétuer les classiques. C’est seulement quand Riccardo Tisci prend les commandes de la maison en 2018 que le trench se voit remis au coeur de la création : à travers ses collections homme et femme, le créateur ne cesse de revisiter ce grand classique, sous toutes les formes et dans toutes les matières. Ainsi, la collection printemps-été 2020 — dont 26 modèles seront réédités dans des versions en fibres recyclées — propose une version hybride dont la partie haute traditionnelle se prolonge en foulard imprimé. À l’automne-hiver de la même année, le trench — cette fois-ci à carreaux — se déstructure, et s’agrémente de fourrure à l’encolure et aux manches. Quand il reste dans sa classique gabardine beige, dans la pré-collection printemps-été 2021, c’est pour afficher la signature Burberry en immenses lettres rouges sur sa ceinture et son ourlet.