The re-enactment of Michael Jackson’s trial
2005. Le procès de la grande icône pop et toc Michael Jackson interdit aux caméras ? L’occasion pour la chaîne américaine E ! Entertainment de mettre en scène un show exceptionnel, en recréant la cour à l’identique sur un plateau télé. Le sosie du chanteur, quelques acteurs… et le spectacle commence.
Par Olivier Joyard.
“The world is a stage, the stage is a world… of entertainment” (le monde est une scène, la scène est un monde… de divertissement) chantait en 1953 le casting de Tous en scène, comédie musicale de Vincente Minnelli. Cinq décennies plus tard, rien n‘est venu le démentir, même si le niveau a un peu baissé. Le faux domine toujours, mais il est un peu moins crédible en tant que faux. Aujourd’hui, les acteurs d’un quelconque film hollywoodien s’appliqueraient plutôt à lancer un clownesque : “The world is a wig, the wig is a world” ( le monde est une perruque, la perruque est un monde), cheveux en plastique et faux cils en avant. Tout ça parce qu’ils auraient vu à la télé le stupéfiant événement pop, cathodique, judiciaire et conceptuel du moment : la diffusion quotidienne de la recréaction du procès pour pédophilie de Michael Jackson, sur la chaîne anglaise BSkyB et le network américain E !, connu pour ses inimitables et trashy Hollywood Stories.
“Nous ne regrettons pas qu’il nous soit interdit de dramatiser les événements, jusqu’à présent, le contenu réel du procès a été suffisamment dramatique”, conclut Kevin McLellan sans aucun état d’âme.
Nous aurions pu a priori assister en direct aux péripéties de “Bambi”, mais par un souci de décence plutôt compréhensible, le juge a interdit les caméras dans l’enceinte du tribunal. Exit Court TV et autres spécialistes de la diffusion de procès, place à l’imagination débordante des rois du divertissement. “La recréation d’un procès n’est pas une première, tempère Kevin McLellan, directeur de E ! Entertainment. En 1996, lors du procès civil de O.J Simpson, nous avions déjà mis au point cette méthode. Dès l’annonce de l’interdiction du juge, l’idée s’est imposée.”
Le dispositif imaginé par E ! A dû composer avec les multiples contraintes dues à la décision du juge. Mais la chaîne a également profité d’une bizarre disposition de la justice américaine, qui autorise le “court reporter”, personne prenant en note le verbatim des audiences, à en faire commerce. Le cash règle bien des soucis. Quelques minutes après la clôture des débats, la chaîne reçoit les transcriptions. Un comité éditorial choisit les moments les plus dramatiques, qui seront rejoués dans la foulée et diffusés le lendemain. Le plateau de tournage, situé au rez-de-chaussée des bureaux de E !, dans une tour impersonnelle de Wilshire Boulevard, à Los Angeles, est alors le théâtre d’un étrange exercice, digne d’une installation vidéo : quatre caméras quadrillent un tribunal reproduit à l’identique, les acteurs disposent de quelques minutes pour s’imprégner de leur texte, qui défilera ensuite sur d’immenses prompteurs, comme un karaoké géant, une pantomime totalement désincarnée. “Si un mot n’est pas le bon, nous recommençons la prise depuis le début, explique McLellan. Tout changement est interdit.”
Performance ? Trash TV de bas étage ? Une fois encore, c’est à la télévision que se personnalisent les grandes obsessions contemporaines, et que s’organisent les spectacles les plus intéressants.
Les acteurs, devenus mécaniques, recoivent les conseils de plusieurs envoyés spéciaux de E !, qui assistent des intervenants. Si Michael Jackson fait les gros yeux, l’acteur qui interprète son “rôle”, le sosie professionnel Edward Moss, fait lui aussi les gros yeux. Si MJ se gratte la tête, il se gratte la tête. Le jour où MJ est arrivé devant la cour en pyjama, Edward Moss a porté un pyjama. Les caméras ne bougent que très peu, la lumière est crue, directement sur les visages. Entre les “extraits” du procès, des spécialistes du droit commentent sobrement ce qui vient d’être dit. “Nous ne regrettons pas qu’il nous soit interdit de dramatiser les événements, jusqu’à présent, le contenu réel du procès a été suffisamment dramatique”, conclut Kevin McLellan sans aucun état d’âme.
Cette mise en scène du procès d’une créature dont la vie n’est déjà qu’une mise en scène parmi les plus extrêmes, constitue un de ces abîmes théoriques que nous offre aujourd’hui la pop culture internationale. Performance ? Trash TV de bas étage ? Une fois encore, c’est à la télévision que se personnalisent les grandes obsessions contemporaines, et que s’organisent les spectacles les plus intéressants. Celui-ci, en parcourant d’inquiétants bas-fonds, a un goût de tristesse infinie. Le goût des masques fatigués et des rêves de Peter Pan détraqués. Fascinant, évidemment.