Rencontre avec Zita Hanrot et Antoine Reinartz, héros ultra mode de la série La Maison
Dans la série nouvelle d’Apple TV+ intitulée La Maison, Zita Hanrot et Antoine Reinartz plongent avec brio dans l’écosystème de la mode. Entre déchirements familiaux et coups d’éclat artistiques, les deux acteurs incarnent deux créateurs de mode aux visions opposées : la très engagée Paloma Castel et l’héritier Robinson Ledu. Rencontre avec deux comédiens passionnés.
propos recueillis par Nathan Merchadier.
L’interview de Zita Hanrot et Antoine Reinartz, à l’affiche de la série Apple TV+ La Maison
Numéro : Quels sont les éléments qui vous ont donné envie de rejoindre le casting de la série La Maison, qui parle de deux familles rivales dans le milieu de la mode ?
Antoine Reinartz : Pour être tout à fait franc, nous nous sommes appelés pour en parler car nous étions dans la même école et la même classe au conservatoire [rires].
Zita Hanrot : Effectivement, nous en avons parlé ensemble avant d’accepter ce projet un peu fou. Le tournage d’une série s’étale sur une durée beaucoup plus longue que celui d’un film. Pour La Maison, nous avons ainsi été réquisitionnés pendant près de sept mois et demi. Mais c’était une expérience géniale et je trouve qu’à travers le scénario, Valentine Milville, la créatrice de la série (qui est d’ailleurs ma grande cousine) et José Caltagirone ont vraiment réussi à construire un monde absolument crédible en tout point.
Comment décririez-vous vos personnages : les créateurs de mode Paloma Castel et Robinson Ledu ?
Zita Hanrot : J’ai tout de suite accroché avec le personnage de Paloma. Elle est très complexe. Elle vient du ruisseau et tout d’un coup, elle bénéficie d’un pouvoir énorme en arrivant à la tête de la maison Ledu. C’était un rôle très amusant à jouer et j’ai trouvé que l’ensemble des personnages de la série incarnaient une certaine idée du monde. Enfin, j’ai beaucoup aimé tourner une série sur la mode. Nous avions des vêtements incroyables et ces derniers nous ont aidés à assumer pleinement nos identités plurielles.
Antoine Reinartz : De mon côté, le personnage de Robinson m’a complètement séduit. J’ai beaucoup aimé l’idée d’aller vers quelque chose d’intime alors que dernièrement, on m’avait proposé beaucoup de rôles de fonction. C’était très intéressant d’explorer sa complexité car Robinson est un loser mais aussi un “fils de”. C’est un statut ambivalent car on résume beaucoup les nepo babies à cette position alors qu’il est parfois très difficile de se construire dans ce genre de familles.
“Pour incarner mon personnage de créatrice de mode, je me suis inspirée d’Olivier Rousteing et Alexander McQueen.” Zita Hanrot
Quelles relations entretiennent vos deux personnages dans la série ?
Zita Hanrot : Il y a de la rivalité mais aussi de la haine et de l’envie. Lorsque le personnage de Paloma arrive dans la famille Ledu, ils sont tous habillés en noir, sauf le personnage de Robinson. Comme s’il était le seul à ne pas être endeuillé, car ils portent tous le deuil d’un passé. Je me suis dis qu’il pourrait être un cousin, même si ce dernier n’est pas toujours tendre avec mon personnage. De l’amour à la haine, il n’y a qu’un pas…
Antoine Reinartz : Il pourrait y avoir de la place pour nous deux mais en fait, Paloma représente tout ce qu’Antoine n’arrive pas à faire. Il se sent beaucoup plus légitime qu’elle, quelque part, parce qu’il est né dans ce milieu. Il y a un entre-deux dans lequel Robinson s’est fait écrasé pour avoir une place à laquelle il n’accédera finalement jamais.
Pour entrer dans vos rôles, vous êtes-vous vraiment plongés dans le milieu de la mode en vous rendant, par exemple, à des soirées…
Zita Hanrot : Je dois vous avouer que je n’ai pas écumé les soirées mondaines car je venais d’accoucher. Alors j’ai regardé beaucoup de documentaires. Mais il y a deux designers qui m’ont beaucoup inspirée. Le premier, c’est Olivier Rousteing pour la place qu’il occupe dans le paysage de la mode française. J’admire son rapport à la création et aux réseaux sociaux. C’est très difficile d’être parfaitement dans son temps, et lui, il l’est complètement. Ensuite, il y a Alexander McQueen. Ce que j’avais envie de prendre chez lui, c’était à la fois sa fougue, son charme, son énergie et sa sensualité dans la façon de créer. Comme Paloma, il a quelque chose de très douloureux dans son passé mais qui ne l’empêche pas d’avoir ce charme qu’ont les personnes visionnaires.
Antoine Reinartz : Je suis plutôt allé puiser dans les récits de successions dans le monde, notamment ceux portant sur les familles Rothschild, Hermès… Ces histoires de grands héritiers m’ont énormément aidé à cerner la complexité du personnage de Robinson.
“Au sujet de la cancel culture, il faut arrêter de croire que le temps présent est irréprochable ou que tout était mieux avant.” Antoine Reinartz
La série évoque aussi en filigrane la cancel culture. En effet, le créateur de mode Vincent Ledu est “cancelled” après avoir été filmé en train de proférer des injures racistes. Quel est votre regard sur cette question ?
Zita Hanrot : Ce que je trouve génial dans la série, c’est qu’il y a beaucoup de personnages et que l’on peut aborder des points de vue différents sur la question. Cela permet d’apporter une réponse complexe à une thématique qui l’est tout autant. Je vais prendre l’exemple de Paloma : Vincent Ledu (interprété par Lambert Wilson dans la série, ndlr) incarne vraiment tout ce qu’elle déteste. C’est un boomer raciste et intolérant. Il symbolise tout un monde qu’elle ne veut plus voir. Et pourtant, au fil de la série, il va se nouer quelque chose d’important entre les deux personnages et son regard progressivement va changer sur cet homme.
Antoine Reinartz : On peut comprendre que Vincent Ledu, qui a créé sa marque il y a plusieurs décennies, ait encore envie de vivre plein de choses et qu’il ne veuille pas laisser sa place à un autre créateur. S’il y a de l’amour, cela permet aussi d’essayer de comprendre l’autre et de se mettre à sa place. Et entre Vincent Ledu et Paloma Castel, il existe cette dynamique. Pour revenir sur le sujet de la cancel culture, il faut arrêter de croire que le temps présent est irréprochable ou que tout était mieux avant. Pour moi, c’est ni l’un ni l’autre. Mais ce qui est difficile aujourd’hui, c’est que tout est filmé. Les images restent, tournent en boucle et tout le monde en parle. La série soulève ainsi toutes ces questions de droit à l’erreur, de droit à l’échec et de pardon.
La Maison (2024) de José Caltagirone et Valentine Milville, avec Zita Hanrot, Antoine Reinartz, Lambert Wilson, Amira Casar et Carole Bouquet. Les deux premiers épisodes sont disponibles sur Apple TV+.