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Qui est Imogen Poots, l’héroïne intense de The Chronology of Water ?
L’actrice britannique vue chez Terrence Malick, Richard Linklater et Michael Winterbottom impressionne dans The Chronology of Water, le premier long-métrage réalisé par Kristen Stewart. L’occasion de la rencontrer pour évoquer le mythe du Grand Ouest américain, le mouvement #MeToo mais aussi sa passion pour la musique.
propos recueillis par Violaine Schütz.
Publié le 13 octobre 2025. Modifié le 18 octobre 2025.
Sous ses airs de poupée aux cheveux blonds et aux yeux bleu piscine, l’Anglaise Imogen Poots, 36 ans, cache un tempérament beaucoup moins lisse qu’il n’y paraît. Et une filmographie aussi dense (plus de quarante films au compteur) qu’éclectique, même si elle n’a pas toujours tenu les premiers rôles.
Depuis l’adolescence, cette fille de journaliste et de producteur télé a oscillé entre les long-métrages d’horreur, les comédies romantiques, les drames, les thrillers et les films d’action. Et à chaque fois, celle que l’on a beaucoup comparée, à ses débuts, à Kate Winslet, a imprimé la pellicule de son charme juvénile et de son naturel désarmant.
Une actrice vue chez Richard Linklater et Terrence Malick
Exigeante dans ses choix, l’actrice aux airs de girl next door est apparue dans des long-métrages des plus recommandables tels que Orson Welles et Moi (2009) de Richard Linklater, Jane Eyre (2011) aux côtés de Michael Fassbender, A Very Englishman (2013) de Michael Winterbottom, Broadway Therapy (2014) de Peter Bogdanovich et le drame Knight of Cups (2015) de Terrence Malick.
Plus récemment, c’est dans l’oscarisé The Father (2020) de Florian Zeller et la bouleversante série HBO I Know This Much Is True (aux côtés de Mark Ruffalo) qu’Imogen Poots a brillé. De l’escort girl à la clubbeuse en passant par la punkette, l’Anglaise a collectionné les rôles atypiques.
Imogen Poots, l’héroïne de The Chronology of Water
La Britannique semble en effet avoir un faible pour les rôles de jeunes femmes complexes, souvent mélancoliques ou brisées. Un côté obscur qui lui va à merveille, comme le confirme la série Outer Range (2022-2024), diffusée sur Prime Video. Dans ce western surnaturel et métaphysique qui mêle drame familial et science-fiction, Imogen Poots incarne Autumn, une énigmatique poétesse itinérante qui semble cacher un lourd passé.
La jeune femme secrète, et peut-être plus dangereuse qu’elle n’en a l’air, a élu domicile sur le terrain du ranch du héros, l’éleveur Royal Abbott (Josh Brolin, échappé des Avengers et de Dune, deuxième partie). La vie de ce dernier va changer du jour au lendemain lorsqu’il va découvrir sur ses terres (situés dans le Wyoming), un immense trou noir. Une dimension étrange qui a attiré l’actrice anglaise, comme elle nous l’a confié dans une interview réalisée par écrans interposés.
Enfin, ce mercredi 15 octobre 2025, Imogen Poots confirme l’étendue de son talent dans le rôle d’une écrivaine meurtrie dans The Chronology of Water de Kristen Stewart. L’occasion de revenir sur notre interview avec cette comédienne à suivre de près.

L’interview d’Imogen Poots
Numéro : Vous avez joué de nombreux rôles de jeunes femmes brisées ou déprimées comme Jess Crichton dans A Long Way Down (une comédie sur le suicide adaptée d’un livre de Nick Hornby)…
Imogen Poots : Je trouve que c’est plus intéressant de jouer ce type de rôles. Il s’agit souvent de femmes plus complexes, qui ont des contradictions et traversent des obstacles. Il y a beaucoup à creuser dans ces personnages.
Dans plusieurs de vos films, vous ne portez pas de maquillage et vous ne jouez pas la petite amie du héros. Est-ce qu’il y a une dimension féministe dans vos choix de films et de séries ?
Je ne pense pas que jouer le rôle de la femme ou de la petite amie de quelqu’un soit anti-féministe. Par contre, c’est la façon dont le réalisateur pense le personnage qui m’importe. Si le cinéaste me dit : “J’ai pensé à une aventurière qui parcourt le Grand Ouest en crop top et en mini-jupe”, je ne vais pas trouver ça très réaliste. Je n’imaginais pas Autumn de la série Outer Range en Daisy Duke (l’héroïne sexy de la série Shérif, fais-moi peur) du Wyoming. D’ailleurs, il m’est déjà arrivé de dire à un réalisateur que telle tenue ou tel maquillage ne correspondait pas au personnage ou à son histoire. On a si peu de contrôle sur un personnage que c’est une partie importante de notre job de penser à ce genre de détails. C’est difficile de tout changer dans les mentalités, d’inverser les tendances radicalement, mais on peut tenter de petites choses pour essayer de faire bouger les lignes.

“Si le cinéaste me dit : “J’ai pensé à une aventurière qui parcourt le Grand Ouest en crop top et en mini-jupe”, je ne vais pas trouver ça très réaliste.” Imogen Poots
Vous avez joué dans Knight of Cups de Terrence Malick (avec Cate Blanchett, Christian Bale et Natalie Portman), qui évoque les coulisses moroses d’Hollywood à travers le parcours mélancolique d’un scénariste. Quelle a été votre expérience d’Hollywood ?
Ce qui est intéressant, dans ce film, c’est qu’il joue sur le mythe d’Hollywood donc il mêle des choses fausses et des choses vraies. Mon expérience d’Hollywood, c’est d’avoir eu la chance de tourner avec de super réalisateurs. Mais je suis toujours attristée d’apprendre les histoires qu’ont subies les actrices qui ont témoigné dans le mouvement #MeToo. Ça évolue un peu, mais pas assez.
Vos films The Father (2020) de Florian Zeller et French Exit (2020) avec Michelle Pfeiffer ont un lien avec la France. Que pensez-vous de notre pays ?
J’adore la littérature et le cinéma français. J’apprécie la Nouvelle Vague mais aussi les films de Claire Denis, Céline Sciamma et Mia Hansen-Løve. Par contre, je ne sais pas dire beaucoup de mots en français, à part “Je veux aller à la piscine.” Cela veut peut-être dire que j’ai besoin de vacances (rires).
“Je suis toujours attristée d’apprendre les histoires qu’ont subies les actrices qui ont témoigné dans le mouvement #MeToo. Ça évolue un peu, mais pas assez.” Imogen Poots
Vous avez joué dans de nombreux films ou séries sur la musique (Jimi: All Is by My Side, Greetings from Tim Buckley, Popstar: Stop Never Stopping, Roadies). Quel rapport entretenez-vous avec la musique ?
Je suis une grande fan de musique. Quand j’étais ado, dès que j’écoutais un album, très fort, je devais me forcer pour arrêter de l’écouter et aller trainer avec des gens. J’adorais en particulier les disques des Smiths. Et j’aurais adoré être batteuse. Peut-être dans une autre vie… Sinon, j’adore tourner dans des films sur la musique car les gens qui font des films sur la musique sont souvent fous et excessifs. C’est donc très amusant.
Pensez-vous qu’il faut toujours aller voir les films au cinéma (et non sur des plateformes) ?
Bien sûr qu’il faut toujours aller voir des films dans les salles obscures. Ils sont faits pour être projetés sur grand écran, sans distraction à côté, surtout s’il s’agit de westerns. Mais les plateformes aident aussi à faire vivre les films.

“J’adore la littérature et le cinéma français.” Imogen Poots
On vous a récemment vue dans la série Outer Range ? Qu’est-ce qui vous a attirée dans ce projet : est-ce le fait qu’il s’agisse d’un western ou qu’interviennent des événements surnaturels ?
Les deux. Je trouvais qu’il s’agissait d’une combinaison amusante. L’aspect science-fiction me plaisait beaucoup. Et j’ai toujours été fascinée par le mythe de l’Amérique de l’Ouest. Voir le paysage réel des cowboys était passionnant. La série est censée se passer dans le Wyoming mais on a tourné au Nouveau-Mexique. J’y ai vu un tas de créatures différentes traversant la route au moment où la nuit tombait. Quand je devais aller aux toilettes, quelqu’un devait se tenir devant pour éviter que des bestioles viennent me déranger. Le lieu du tournage était sublime. Je n’arrêtais pas de prendre en photo le ciel, très changeant au Nouveau-Mexique, les couchers de soleil. J’ai des milliers de photos de ciel sur mon téléphone.
Vous êtes anglaise. Est-ce que l’Amérique décrite par la série, avec ses cowboys solitaires, ses chevaux et ses bisons vous fascinait ?
J’aime l’idée de cette Amérique-là, celle des cowboys. Je suis très fan, notamment, de l’univers de l’acteur et dramaturge Sam Shepard (que Patti Smith, son ex-petite amie, qualifiait d’“homme jouant les cowboys”, ndr) et d’autres écrivains qui ont posé des mots sur cette partie sauve des États-Unis. Mais ce qui est compliqué avec l’Amérique de l’Ouest, c’est qu’il y a des choses très sombres aussi qui sont attachées à ces représentations et que montre la série.
“En vieillissant, je deviens de moins en moins raisonnable.” Imogen Poots
Pouvez-vous nous parler un peu de votre personnage, Autumn, qui est une poétesse itinérante qui campe sur les terres du héros, Royal Abbott, et qui a un côté ésotérique ? Elle fait un peu penser aux héros de la Beat Generation…
C’est très cool que vous la voyez ainsi. Je pense que c’était un personnage très riche à jouer car elle change beaucoup au long des épisodes. On ne connaît pas sa vraie nature (est-elle bonne ou mauvaise ?). Elle est imprévisible et essaie d’aller par-delà ce qu’il y a à la surface lors de son pèlerinage dans ce ranch. Je suis plus raisonnable et moins mystique qu’elle même si je pense que certaines choses échappent à notre compréhension. Mais en vieillissant, je deviens de moins en moins raisonnable. Je fais preuve de plus de lâcher prise. Quand j’étais jeune, j’étais beaucoup plus sérieuse.
Dans la série, le héros découvre un trou noir mystérieux. Quelle est, pour vous, sa signification ?
Sans spoiler tous les épisodes, je pense qu’il s’agit, en quelque sorte, d’une métaphore et qu’elle a un lien avec la notion de temps. Ce trou noir agit comme un catalyseur. Nous découvrons au début de la série une famille, les Abbott, stable, confortable, la famille américaine croyante typique. Et la découverte du trou déstabilise tout, entraînant des réactions à la chaîne. Elle révèle la cupidité et la curiosité sans bornes des gens du coin.
Outer Range (2022-2024) de Brian Watkins, disponible sur Prime Video. The Chronology of Water de Kristen Stewart, au cinéma le 15 octobre 2025.