Pourquoi la série La Chronique des Bridgerton ne nous a pas convaincus
Le pari, osé, s’annonçait prometteur. Diffusée sur Netflix, la nouvelle série labellisée Shonda Rhimes (Grey’s Anatomy) propose un croisement entre Downtow Abbey, Jane Austen et Gossip Girl. Sauf que La Chronique des Bridgerton peine à se hisser au rang de ces réussites. Explications.
Par Violaine Schütz.
L’idée avait tout pour plaire. Pour sa toute première incursion chez Netflix, la scénariste et showrunneuse superstar Shonda Rhimes (Grey’s Anatomy, Scandal, Murder) a imaginé – en tant que productrice principale – un conte de fées romantique au sein de la haute société de Londres, en 1813. Et surprise, dans ce soap pour lequel elle a empoché 150 millions de dollars, Noirs et Blancs évoluent dans des costumes d’aristocrates, sur un pied d’égalité. Avec une reine métisse pour couronner ce beau concept inclusif. Cette liberté prise avec le passé revêt un message puissant invitant à repenser les injustices de l’Histoire.
Sauf que l’Américaine peine à convaincre dans un genre dont les Anglais demeurent les rois incontestés. Dans cette version McDonald’s de l’univers de Jane Austen, les paysages – en carton-pâte – ne sont pas aussi oniriques que chez les Britanniques, les costumes n’ont pas d’éclat particulier, et l’humour n’est ni subversif ni piquant. Si Downton Abbey reste, dans le domaine, un exemple de finesse, La Chronique des Bridgerton, série en huit épisodes adaptée d’une série de livres éponymes écrits par Julia Quinn, ressemble à son remake à l’eau de rose, pas très éloigné d’un roman Harlequin : cheap et kitsch.
La série La Chronique des Bridgerton : un bal de clichés
Le principal défaut de La Chronique des Bridgerton, ce sont ses personnages et ses acteurs. Exception faite de la mystérieuse conteuse Lady Whistledown, magnifiée par la voix de la cultissime Julie Andrews, la majorité du casting semble tout droit sortie d’un téléfilm de Noël… La série suit la famille Bridgerton, et plus particulièrement Daphne Bridgerton, qui doit trouver l’époux idéal, avant de se rebeller contre sa condition. Mais l’actrice qui l’incarne, Phoebe Dynevor, passe les trois quart du temps à écarquiller les yeux de bal en bal sans réussir à faire passer une quelconque émotion. À son image, les héros (comme le beau Duc au passé sombre, cliché ultime) et les héroïnes de la série, peu charismatiques, ne parviennent pas à provoquer l’enthousiasme avec leurs minauderies et leurs moues pincées.
Alors que Shonda Rhimes est connue pour avoir dessiné des personnages féminins forts comme la courageuse Meredith Grey de Grey’s Anatomy ou la fascinante Olivia Pope de Scandal, on repassera pour trouver ici des femmes badass dont la bravoure et l’originalité forcent le respect. Si elles s’attaquent aux conventions qui règnent sous la Régence anglaise du XIXème siècle, leurs combats ressemblent à des coups d’épée dans l’eau tant leurs rôles manquent de substance, de complexité et de profondeur.
La foire aux vanités
Autre ratage flagrant : les petits récits anecdotiques, répétitifs et mous qui ne sont que des bluettes fleur bleue confinant au mieux au superficiel, et au pire, au ridicule. Les marivaudages et les intrigues de mariages arrangés donnent lieu à des dialogues creux et des situations convenues (l’histoire d’amour centrale qui démarre par la haine de l’autre). Alors que Netflix aurait pu nous offrir une foire aux vanités à la portée métaphysique et moderne, pourfendant les travers de la bonne société avec truculence.
Sans compter la façon, très inconsistante dont le show aborde l’homosexualité et le consentement. Quant aux scènes de sexe, loin de la sensualité sublime d’un Barry Lyndon ou d’un Liaisons Dangereuses, elles s’avèrent aussi excitantes que celles de Fifty Shades Of Grey… Bref, une première saison pleine de guimauve indigeste à laquelle on préférera, au menu des fictions au goût d’anachronisme, les macarons pop plus raffinés du Marie-Antoinette de Sofia Coppola.
La Chronique des Bridgerton, créée par Shonda Rhimes et Chris Van Dusen, disponible sur Netflix.