Le jour où The Weekend a fait scandale avec la série The Idol
En 2023, The Weeknd s’associait au créateur d’Euphoria, Sam Levinson, pour écrire une série HBO, The Idol, dans laquelle il joue le rôle d’un gourou de la musique toxique face à Lily-Rose Depp en pop star hypersexualisée. Alors que le musicien et l’actrice sont au centre de l’actualité (avec un album à venir en janvier et le film Nosferatu, actuellement au cinéma), retour sur les dessous du show sulfureux et dérangeant.
par Violaine Schütz.
À l’instar de Lady Gaga, The Weeknd voudrait-il se reconvertir en tant qu’acteur ? Le chanteur, déjà aperçu dans l’excellent film Uncut Gems (2019) des frères Safdie, sera bientôt à l’affiche d’un long-métrage réalisé par Trey Edward Shulz (Waves), aux côtés de Jenna Ortega (Mercredi).
L’un des scandales du Festival de Cannes 2023
Avant ça, l’artiste canadien a joué et participé à l’écriture d’un projet très commenté : The Idol. Cette série réalisée par le créateur d’Euphoria, Sam Levinson, est diffusée sur la chaîne HBO et sur Max en France.
Mais les deux premiers épisodes ont d’abord été projetés au Festival de Cannes le 22 mai 2023, provoquant des réactions mitigées. Les critiques de cinéma ont notamment jugé excessif le nombre de scènes impliquant de la nudité. D’autres ont reproché au show son côté factice, gratuit et vulgaire. Bref, un vrai scandale…
The Idol, une série HBO trash et sexy avec Lily-Rose Depp et The Weeknd
“Drogue, sexe et pop”, tel pourrait être le résumé des premiers épisodes de The Idol. On y découvre en effet une Lily-Rose Depp en chanteuse sexy victime de revenge porn et répétant une chorégraphie hypersexualisée face à son équipe, des requins cyniques de l’industrie musicale. Son look et son attitude rappellent étrangement la pop star Britney Spears, dont la vie tragique n’a cessé d’alimenter les tabloïds. Dans le magazine W, Lily-Rose Depp a avoué s’être inspirée de Britney Spears, mais aussi de Mariah Carey et de Beyoncé pour jouer le rôle de l’héroïne, Jocelyn. L’actrice, très convaincante en pop star écorchée, a décroché ce projet en chantant, a cappella, le standard de jazz Fever.
Parmi les autres choix de casting, la série met en scène la pop star queer Troye Sivan, Tunde Adebimpe, le chanteur du groupe TV on the Radio, la regrettée Anne Heche (décédée en août 2022), Jennie Kim de Blackpink ou encore Elizabeth Berkley, l’impressionnante héroïne du cultissime Showgirls (1995) de Paul Verhoeven (pour mieux signaler que Sam Levinson se revendique du réalisateur néerlandais).
Quant au synopsis du show qui comporte six épisodes, il s’agit d’une histoire d’amour toxique entre Jocelyn, une chanteuse de pop qui fait une dépression après le décès de sa mère (Lily-Rose Depp, excellente dans Nosferatu ce mois-ci) et doit revenir au sommet avec son nouveau single et le propriétaire d’une boîte de nuit de Los Angeles (The Weeknd) aux airs de gourou, au passé trouble et à la coupe de cheveux douteuse (une queue de rat).
Une critique véhémente de l’industrie musicale signée The Weeknd
Dans le premier épisode, Sam Levinson se moque à la fois des journalistes musicaux, des managers, des tourneurs et des coordinateurs d’intimité, qui apparaissent tels des vautours sans foi ni loi. Comme si The Weeknd, qui affirme dans l’une des scènes que la pop est un cheval de Troie, se servait de la série pour régler ses comptes. The Idol se rêve en satire acide de l’industrie de la musique et du spectacle et du culte, parfois malsain, qu’elle génère.
Un sujet cher à The Weeknd qui est plusieurs fois apparu le visage recouvert de bandages, défiguré ou déformé pour alerter sur les dérives liées à l’ego et l’obsession hollywoodienne pour l’apparence. Il avait en effet expliqué à Variety : “La signification de ces bandages sur ma tête sont dus à une réflexion sur la mentalité absurde des célébrités d’Hollywood qui passent beaucoup de temps à se transformer pour des raisons superficielles dans le seul but de plaire et d’être validées.”
Le chanteur canadien, qui annonçait il y a peu être la sortie de son nouvel album Hurry Up Tomorrow (le 24 janvier 2025), qui pourrait être le dernier sous le nom de The Weeknd, a également plusieurs fois pris parti contre le music business, notamment contre les cérémonies de récompenses telles que les Grammy Awards qui l’ont maintes fois boudé. L’artiste a ainsi décidé de boycotter cette institution qu’il accuse de corruption et de manque de transparence dans le choix des stars sélectionnées.
Un tournage chaotique et des clichés peu séduisants
La série clinquante et outrancière The Idol évoque à la fois les univers d‘Harmony Korine, Paul Verhoeven, Bret Easton Elllis et la série Euphoria. Mais ce show fait également penser, dans ses thématiques mais sans en atteindre le génie, à l’immense Phantom of the Paradise (1974) de Brian De Palma. Ce long-métrage contait l’histoire d’une apprentie chanteuse manipulée par un manager diabolique (une version moderne de Faust).
Ce film reste l’inspiration idéale pour aborder de manière aussi métaphysique et satirique que subversive les coulisses – vicieuses – de l’industrie musicale. Sauf que, comme le laissait présager le média américain Rolling Stone, dans une enquête publiée le 1er mars 2023, The Idol, qui aurait coûté entre 54 et 75 millions de dollars, n’est pas tout à fait à la hauteur de ses ambitions.
Comme l’indique le magazine Rolling Stone, la “perspective féminine” de la série a été abandonnée en cours de route, au profit d’un storytelling plus que problématique, avec des “scènes sexuelles et physiquement violentes troublantes.” Treize sources anonymes évoquent un tournage, démarré en 2021, chaotique, avec un Sam Levinson quasiment absent – à cause de la saison 2 d’Euphoria – ainsi qu’un remaniement du script au dernier moment, des retards et le départ précipité de la réalisatrice, Amy Seimetz.
Une série qui provoque le malaise
L’un des shows les plus commentés de l’année 2023 voudrait dénoncer la manipulation dont fait l’objet une pop star féminine et le côté superficiel du show business. Mais elle incarne tout ce qu’elle annonce. Et fait souvent preuve d’une indécence, d’une violence, de fantasmes SM éculés et de clichés, qui tiennent plus du parti pris malaisant que de l’ironie mordante.
Jocelyn (Lily-Rose Depp) apparaît, dans des plans voyeuristes, comme une poupée articulée par un male gaze particulièrement délétère, et on peine à entrer dans son cerveau et à comprendre ses actions qui consistent à valider la maltraitance. Certaines répliques révulsent comme quand elle dit être aimantée par Tedros car il a l’air d’un violeur. Reste la BO, impeccable, qui laisse penser que The Weeknd devrait peut-être s’en tenir à la musique.
The Idol (2023) de Sam Levinson avec The Weeknd et Lily-Rose Depp, disponible sur Max. Hurry Up Tomorrow de The Weeknd, disponible le 24 janvier 2025.