5 mai 2025

Les confidences de Laura Smet : “Je n’arrive pas à faire semblant”

La charismatique actrice française Laura Smet revient sur les écrans avec une série, Surface, et un single électro-pop en compagnie du duo The Penelopes. L’occasion de parler avec elle, lors du festival Canneseries, de son nouveau rôle, de musique et de son père, bientôt au centre d’un biopic attendu.

  • propos recueillis par Violaine Schütz.

  • L’interview de Laura Smet, star de la série Surface

    Numéro : Qu’est-ce qui vous a donné envie de jouer dans la série policière Surface, présentée au festival Canneseries et prochainement diffusée sur France 2 ?

    Laura Smet : Le scénario, l’histoire et le personnage que je joue. J’ai aimé la trajectoire de cette femme flic nommée Noémie. C’est quelqu’un qui va se guérir grâce aux circonstances de la vie. Pour une actrice, il y a tellement de choses à faire avec un personnage comme celui-là. Mais c’est assez fin parce que comme elle porte une cicatrice sur le visage qui est très forte, il n’y a pas vraiment besoin d’ajouter beaucoup de choses en réalité. On a l’impression que c’est très compliqué d’avoir cette marque, mais celle-ci m’a aidée à 80% à interpréter ce personnage. Parce que justement, le personnage s’était collé à mon visage. Il ne fallait donc pas trop appuyer sur certains traits.

    Vous jouez une capitaine de police parisienne affectée dans le commissariat d’une petite ville d’Occitanie qui a été blessée par la vie. Et défigurée. Comment décririez-vous votre personnage ?

    Quand elle arrive dans cette petite ville, elle est très mal. Comme morte de l’intérieur. Elle ne croit plus en rien et ne croit plus en elle. Noémie ne s’aime pas et se dégoûte physiquement. Elle pense que sa vie est foutue. Parfois, en raison de certaines circonstances, on a l’impression qu’on est complètement mis à l’écart. Mais on peut renaître aussi de ses cendres et Noémie Chastain, c’est un phénix pour moi. C’est quelqu’un de très lumineux parce qu’elle apprend à travers ses difficultés. Elle finit par les accepter et à en faire une force. Et puis, je la trouve très moderne.

    Pour mon personnage dans la série, j’ai pensé à Charlize Theron dans le film Monster et à La Famille Addams.” Laura Smet

    Comment voyez-vous l’évolution de votre personnage ?

    Lors du deuxième épisode de la série Surface, une petite fille lui touche la cicatrice. Et la petite fille lui dit que c’est doux. Cette phrase l’a fait alors basculer vers quelque chose de l’ordre de l’acceptation. Il y a tout de suite un changement qui s’opère à ce moment-là. Elle se laisse toucher. Pour moi, c’est comme un animal – un chien ou un loup – blessé. Quand on est blessé, on ne veut pas être approché. Et on aura tendance à montrer les crocs parce qu’on a peur de ce qui s’est passé. On devient sauvage. Mais Noémie arrive à se refaire apprivoiser et amadouer par ce groupe de policiers d’Occitanie. Parce que ce sont des gens vrais et sincères qui n’ont pas d’opinion préétablie à son sujet. Ils voient Noémie au-delà de sa cicatrice. Et ça l’ouvre à la liberté. Elle se répare grâce aux gens qui sont tellement simples et qui la regardent vraiment. C’est la première fois où elle se sent aimée à sa juste valeur.

    L’héroïne de la série Surface fait penser à des femmes flics tourmentées que l’on retrouve dans des séries américaines…

    Je ne me suis pas inspirée d’une série en particulier. Et je n’ai pas lu le livre d’Olivier Norek qui a inspiré Surface parce que le réalisateur m’avait demandé de ne pas le lire et d’attendre. Il a eu totalement raison parce que c’était beaucoup plus dark. En fait, j’avais plutôt en tête le film Monster avec Charlize Theron. Elle réussissait à dépasser son apparence physique dans ce long-métrage. Et pour le coup, on parle d’une vraie beauté. Quand tu la vois dans ce film, tu ne te dis pas qu’elle est laide. Elle s’accepte tellement que ça en devient un monstre de beauté, tellement elle est authentique. (Même si son personnage est monstrueux puisqu’il s’agit d’une tueuse en série, ndlr) J’ai aussi pensé à La Famille Addams en tournant la série. Des films dans lesquels les personnages sont censés ne pas être normaux. Mais en fait, la personne qui vous regarde vous voit totalement comme vous êtes, en dehors de la cicatrice ou de tout autre chose qui sort de l’ordinaire.

    Je n’arrive pas à faire semblant. On croit que c’est super. Mais ça peut aussi vous apporter beaucoup d’ennuis.” Laura Smet

    Avez-vous des points communs avec ce personnage ?

    Même si elle est quand même un peu plus torturée que moi, il y a des similitudes dans nos parcours. J’ai traversé des moments dans ma vie où ça n’allait pas du tout. Et j’ai quand même réussi à renaître de mes cendres. Donc, son côté Phénix me touche. Son imperfection qui me parle. Il y a quelque chose de vrai chez elle… Elle est très humaine. Moi, je n’arrive pas à faire semblant, par exemple. Alors, on croit que c’est super. Mais ça peut aussi vous apporter beaucoup d’ennuis. Parce que nous évoluons dans une société où tout est régi par le “paraître. Tout doit être lisse. Rien ne doit faire trop de bruit. Il faut rentrer dans les clous. Moi, j’ai tendance, de temps en temps, à dépasser certaines limites. J’ai retrouvé ça dans le personnage de Noémie, donc je m’en suis servi.

    On sait que les actrices françaises peuvent être très soucieuses de leur image. Comment abordiez-vous le fait d’apparaître à l’écran avec une cicatrice sur le visage ?

    Vous savez, moi, j’ai commencé avec le film Les Corps impatients de Xavier Giannoli (Illusions perdues, D’argent et de sang) pour lequel je m’étais rasé la tête. Donc je suis habituée aux transformations. Le jour où on va me dire : “On te propose un film dans lequel tu auras l’air “normale””, je ne suis pas sûre d’accepter parce que je me dirais que c’est très bizarre (rires). Mais non, ça ne m’a pas gênée parce que comme je le disais, cette cicatrice était une aide pour incarner mon personnage. À la fois pour rentrer dans la peau de Noémie et pour en sortir. Parce qu’à un moment donné, elle était vraiment en moi et je sentais que c’était difficile de l’oublier. D’autant plus qu’on n’est pas très éloignées l’une de l’autre.

    On a tous une faille, surtout lorsqu’on fait un métier artistique. Et parfois, celle-ci te brûle de l’intérieur.” Laura Smet

    Un peu comment certains costumes…

    Oui, le fait d’enlever tous les soirs cette cicatrice, et de la remettre le matin, c’était essentiel. De la même manière qu’au théâtre, il y a des vêtements qui vous aident à entrer dans le personnage et en sortir. Mais là, c’était encore plus fort parce que c’est quelque chose qu’on colle sur le visage. Et c’est marrant parce qu’au début de la série, je sentais la cicatrice. Alors qu’à la fin, je ne la sentais plus. La nuit, quand je ne l’avais pas, je la ressentais quand même. Je me réveillais en ayant l’impression qu’elle était là. Et ça m’a suivi pendant un mois après le tournage (qui en a duré quatre). En fait, c’était le personnage qui sortait peu à peu de moi.

    Que vous a apporté cette série ?

    Je ne remercierai jamais assez les producteurs de m’avoir choisie pour ce rôle parce que ça m’a soigné de mes propres peurs. Ça m’a questionnée aussi, sur le regard des autres et sur ce qu’on renvoie aux autres. Et aujourd’hui, je suis beaucoup plus cool vis-à-vis de ça. Je suis moins tournée vers ce regard-là. On ne peut pas plaire à tout le monde. Et il y a quelque chose d’assez réconfortant de savoir qu’avec cette série, on fait quelque chose pour ces femmes qui ont été balafrées et qui n’osent pas forcément se montrer. Elles sont belles, et il y a quelque chose de vrai chez elles. On a tous une faille, surtout lorsqu’on fait un métier artistique. Et parfois, celle-ci te brûle de l’intérieur. Et tu te sens vide. Le personnage de Noémie le porte sur son visage. Et donc forcément, elle peut aussi l’utiliser. Ça peut devenir une force, voire une arme.

    Aujourd’hui, je suis beaucoup plus cool vis-à-vis du regard des autres.” Laura Smet

    Vous allez bientôt sortir un single avec le duo The Penelopes, Over Sensitivity. Vous aviez déjà chanté par le passé. Pourquoi avoir choisi de recommencer aujourd’hui ?

    Parce qu’on me l’a demandé (rires). Plus sérieusement, ce n’est pas mon métier. Il y a des gens qui chantent beaucoup mieux que moi. J’avais déjà chanté avec mon frère mais c’était plus parce que c’était mon frère et que c’était cool de le faire en famille que je l’ai fait. Et pour les Penelopes, j’aimais notamment le fait de devoir chanter en anglais. Il y avait une certaine liberté parce que je ne ressentais pas le poids, sur mes épaules, de mon père, qui était l’une des plus grandes stars de la musique en langue française. Et puis les Penelopes sont tellement sympas. Ils m’ont tellement mise à l’aise qu’on a enregistré trois chansons. On va finir par créér un album ensemble, si ça continue, parce que je les adore.

    Deux biopics étaient prévus sur votre père. Finalement un seul aura lieu. Il sera réalisé par Cédric Jimenez. Etes-vous consultante sur ce projet ? 

    Non, je ne suis pas du tout consultante sur ce film. Ce n’est pas moi qui gère ça. Mais Cédric (Jimenez) a eu la délicatesse de m’appeler pour me parler de ce sujet. Contrairement aux autres (rires). Ce dont j’ai envie, c’est que les films se fassent. Mais sous les meilleurs auspices par rapport à la mémoire de mon père… Je veux ce qu’il y a de meilleur pour mon père et je ne voudrais pas ces longs-métrages colportent des mensonges. Parce que les films, ça reste. Et un jour, mon fils les verra. Et il n’a jamais connu son grand-père. Donc c’est très important que tout soit vrai, qu’il n’y ait pas de choses déformées. 

    C’est de la SF pour moi d’imaginer un acteur incarner mon père dans un biopic.” Laura Smet

    C’est compréhensible…

    Vous savez, j’ai tourné dans le biopic sur Yves Saint Laurent avec Pierre Niney. Et il y avait Pierre Bergé qui était là et qui défendait l’amour de sa vie qui était Yves Saint Laurent. Moi, l’amour de ma vie, c’était mon père. Et je continuerai à défendre sa mémoire, même si je ne fais pas partie d’un projet de film racontant sa vie. Parce que c’est important pour ma lignée et ma famille.

    Et que pensez-vous du choix de l’acteur Raphaël Quenard dans la peau de Johnny Hallyday dans le biopic de Cédric Jimenez ?

    Je ne connais pas vraiment cet acteur. Je ne pourrais pas vous dire. Franchement, c’est un sujet très délicat pour moi. Déjà, m’imaginer que quelqu’un interprète mon père, c’est de la science-fiction pour moi. Matthias Schoenaerts, qui avait été choisi pour le film réalisé par Jalil Lespert (qui semble aujourd’hui au point mort, ndlr), je trouvais qu’il y avait quelque chose de très bien qui collait vraiment à mon père.

    La série Surface, créée par Catherine Touzet et Marie Deshaires, n’a pas encore de date de sortie.