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House of Guinness : que penser de la nouvelle série du créateur de Peaky Blinders ?
Le créateur de la série Peaky Blinders propose, sur Netflix, un tout nouveau projet : House of Guinness. Mais arrive-t-il à se hisser au niveau de son show culte ?
par Alexis Thibault.
House of Guinness, la nouvelle série du créateur de Peaky Blinders
La série House of Guinness, disponible sur Netflix depuis septembre 2025, s’ouvre comme un drame shakespearien. En 1868, un patriarche s’effondre, et de son absence surgit un empire à maintenir. À la mort de Sir Benjamin Guinness, ses quatre enfants — Arthur, Edward, Anne et Ben — se retrouvent prisonniers d’un testament qui lie fraternité, héritage et pouvoir. Huit épisodes composent cette fresque tendue, oscillant entre Dublin et New York, sous la direction de Steven Knight. Il est à l’origine de l’incontournable programme Peaky Blinders, débuté en 2012.
Aux fils aînés revient la brasserie, véritable forteresse économique ; aux autres, la dispersion des fortunes et des domaines. La fiction s’ancre donc dans les archives du XIXᵉ siècle, qui documentent les fractures d’un legs aussi lucratif… que toxique.
Sur le plan esthétique, Steven Knight recycle ici des procédés déjà éprouvés dans Peaky Blinders. Ainsi, House of Guinness aligne les mêmes signatures visuelles, mais sans l’aura ni la puissance de nouveauté qui faisaient jadis leur efficacité. Des ralentis réguliers et des morceaux contemporains (notamment de Fontaines D.C.) qui accompagnent certaines séquences spectaculaires.

Pourquoi l’histoire de la maison Guinness fascine ?
Mais l’histoire de la famille Guinness demeure intéressante, car elle embrasse plus qu’un simple héritage économique. Elle incarne l’intersection du capital, du symbolique et du social. Dès l’ouverture, la mort de Benjamin Lee Guinness fait battre la ville comme un tambour. Les quatre héritiers se toisent, mêlant orgueil et crainte. Les docks, les paroisses, les ruelles sombres ouvrent la scène d’un capitalisme naissant qui cherche encore sa morale.
Dans la rue, le nom Guinness sonne d’ailleurs comme un outil aux mains des protestants anglais, étendard d’une domination sociale et spirituelle. Il faut dire que Benjamin Guinness était particulièrement détesté. Par sa famille et par le reste. La brasserie est donc une mécanique prête à s’emballer, capable, par ses fortunes et ses clientèles, de déplacer l’équilibre politique du Royaume-Uni. House of Guinness ne raconte pas seulement un empire brassicole, mais aussi la façon dont un héritage peut se transformer en dette.

Un casting de choix
On retiendra aussi de cette série son casting de choix. Anthony Boyle — vu dans Masters of the Air (2024) et Tolkien (2019) —, Louis Partridge — révélé par Enola Holmes (2020) et Emily Fairn composent une fratrie d’héritiers aux gestes à vif. Ambition, pudeur et blessures à fleur de peau… L’acteur britannique James Norton Little Women (2019) — dévoile une partition tranchante. Beaucoup de critiques louent le jeu de ce dernier et son charisme brut.
Certains rapprochent ces rivalités fraternelles des dynamiques de l’excellente série Succession (2018). L’analogie éclaire la question centrale : l’héritage fonde-t-il la légitimité ou la conteste-t-il ? Au final, on saluera l’ampleur et la tenue plastique de la série, tout en notant une mise en route trop appliquée.
On regrette des dialogues d’exposition qui alourdissent parfois la marche et des morceaux anachroniques parfois maniéristes. Aussi, le vernis visuel polit, à certains moments, la rugosité sociale annoncée. Quant aux seconds rôles féminins, ils sont malheureusement sous-écrits.
House of Guinness (2025) de Steven Knight, disponible sur Netflix.