Rencontre avec Charlotte Gainsbourg et Lou de Laâge, stars de la série Étoile
C’est l’une des séries les plus ambitieuses et addictives de l’année. Dans Étoile, disponible le 24 avril sur Prime Video, les actrices Charlotte Gainsbourg et Lou de Laâge font des étincelles en directrice de ballet au sens des affaires acéré et en danseuse étoile fougueuse et engagée. Rencontre avec deux comédiennes passionnées. Et passionnantes…
propos recueillis par Violaine Schütz.
Publié le 22 avril 2025. Modifié le 25 avril 2025.
Black Swan, En corps, Flashdance, Climax, Houria, Fame, Showgirls, La La Land, La Danseuse… La danse, avec sa discipline de fer et ses tenues ultra sensuelles, a déjà donné lieu à de très beaux moments de cinéma. Mais Prime Video frappe fort en mettant cet art au cœur d’une série ambitieuse : Étoile, disponible dès le 24 avril sur la plateforme.
Créé par Amy Sherman-Palladino et Daniel Palladino, à qui l’on doit les productions à succès La Fabuleuse Mme Maisel et Gilmore Girls, le show se situe entre New York et Paris et s’inspire d’une histoire vraie.
Étoile, une série réussie sur le monde – en crise – de la danse
On y découvre deux compagnies de ballet (l’une française, l’autre américaine), qui pour des raisons financières (après le covid, le monde de la danse classique se porte mal), échangent leurs danseuses étoiles les plus talentueuses.
Avec ses dialogues enlevés et piquants (s’inscrivant dans le registre de la comédie mordante), ses séquences de danse réalistes, sa BO électrisante et ses personnages attachants, la série rend rapidement accro.
Charlotte Gainsbourg et Lou de Laâge, deux comédiennes inspirées
Il faut dire que le casting est des plus attrayants. La charismatique comédienne Lou de Laâge (Boîte noire, Le Bal des folles) épate en ballerine rebelle au comportement fougueux et l’iconique chanteuse et actrice Charlotte Gainsbourg impressionne en directrice – par intérim – de l’Opéra de Paris et du ballet national aussi élégante que pourvue d’un sens des affaires acéré. Numéro les a rencontrées.
L’interview des actrices Charlotte Gainsbourg et Lou de Laâge
Numéro : Charlotte Gainsbourg et Lou de Laâge, qu’est-ce qui vous a donné envie de jouer dans la série Étoile ?
Charlotte Gainsbourg : Moi, c’est la lecture des quatre premiers épisodes qui m’a convaincue. On n’avait que quatre épisodes sur huit. Donc c’est très bizarre de s’engager en ne connaissant que la moitié du “film”. J’étais un peu nerveuse de ne pas savoir ce qui allait m’arriver. Ce que j’ai trouvé difficile, pendant le tournage, c’est que j’avais l’impression qu’il fallait séduire les réalisateurs pour qu’ils aient envie de vous écrire quelque chose de bien par la suite. Il fallait vraiment que je chasse ce truc-là de ma tête parce que c’est tellement désagréable. Il faut être un peu plus libre. Sinon, ce qui me plaisait, c’était la personnalité des deux metteurs en scène que j’ai rencontrés au tout début du projet. Et puis j’aimais beaucoup mon personnage. Après, le fait de tourner une série en anglais pour la première fois et une comédie m’intéressait. Parce que c’était une première fois, une comédie en anglais.
Lou de Laâge : Ce qui est drôle, c’est que quelques mois avant de passer ce casting, je me souviens que dans une interview, on m’avait demandé : « Qu’est-ce que vous voudrez faire après comme nouveau comme rôle ? » C’est une question à laquelle j’ai toujours du mal à répondre. Mais, là, je ne sais pas pourquoi, j’avais répondu : « J’aimerais bien jouer un rôle hyper physique. Une fille avec un mauvais caractère... »
Charlotte Gainsbourg : C’est vrai ?
Lou de Laâge : Oui. Et quelqu’un m’a ressortie cette interview plus tard en me disant : “C’est quand même fou parce que tu avais répondu ça et c’est ce qui est arrivé avec le rôle de ballerine dans Étoile.” Donc il y a eu une cohérence entre un désir et la vie.
“Je n’ai jamais voulu faire de la danse un métier.” Lou de Laâge
Connaissiez-vous bien le milieu de la danse avant de jouer dans la série ?
Lou de Laâge : J’avais fait beaucoup de danse enfant et adolescente, parce que j’étais en classe aménagée pendant longtemps. Je répétais avec des filles qui voulaient vraiment faire ça de leur vie et que j’ai vues énormément travailler. Elles étaient très douées. Mais moi, je n’ai jamais voulu en faire un métier. La danse n’était pas suffisamment ma passion pour que j’ai cette dévotion-là. Mais je voyais donc quand même assez bien ce qu’était le monde de la danse, même si j’ai refait une plongée dans ce milieu grâce à cette série.
Charlotte Gainsbourg : J’avais très peu de notions de danse classique. Ma mère (Jane Birkin, ndlr) m’a plus amenée vers Pina Bausch et ce genre de chorégraphies. Mais quand j’étais déjà adulte. Petite, j’ai des souvenirs qui reviennent depuis que l’on fait des interviews au sujet de la série et que l’on parle beaucoup de danse. J’ai quand même très bien connu grâce à mes mes parents, Zizi Jeanmaire et Roland Petit, à une époque où mes parents étaient très copains avec eux. On les voyait tout le temps. Et Zizi, c’était une figure tellement originale. Une figure très forte. Avec ses cheveux tout courts, elle était moderne et en même temps, c’était une danseuse classique. Mais je ne l’ai pas vue beaucoup danser. Je la voyais juste en vacances. Et j’ai vu une chorégraphie de Roland Petit. C’est le seul ballet que je suis allée voir à l’opéra, petite.
“Je suis fragile à l’extérieur et très forte à l’intérieur et le personnage de Geneviève, c’est un peu le contraire.” Charlotte Gainsbourg
Lou de Laâge : C’est drôle parce que ma mère m’a appelée Zizi durant toute mon enfance par rapport à elle.
Charlotte Gainsbourg : C’est vrai ? En tout cas, Oui. En fait, je réalise qu’il y a tout un lien avec mon père (Serge Gainsbourg, ndlr) car il portait des chaussons Zizi de Repetto. Je crois qu’évidemment que c’est en connaissant Roland Petit et Zizi Jeanmaire que ma mère a jeté un œil sur cette paire de chaussures et qu’elle les a achetées pour mon père.
Comment décririez-vous vos personnages ? Et avez-vous des points communs avec ces deux femmes ?
Charlotte Gainsbourg : J’espérais avoir un rôle plus dans la danse. En fait, je ne voulais pas être danseuse, évidemment, mais je voulais avoir un passé de danseuse pour avoir des petits moments pour pouvoir prendre des cours et tout préparer (rires). Mais en fait, Amy (Sherman-Palladino, l’une des deux créatrices de la série, ndlr) ne voulait pas du tout s’embarrasser d’une danseuse en plus. Ce n’était pas sa vision du rôle du tout. Elle voulait une passionnée de danse, mais qui soit extérieure à ce monde. Pas artiste. Et je comprends ça. J’incarne une femme, Geneviève, qui a une fascination pour les artistes qui l’entourent et une vision de ce dont l’opéra a besoin. Et de ce dont la danse classique a besoin, comme cet échange de danseurs avec New York. Elle a un côté visionnaire qui ne plaît pas du tout, évidemment, à la ministre de la Culture qui voudrait quelque chose de beaucoup plus classique. Ça aussi, c’était marrant à jouer. Elle se sent tout le temps en danger parce qu’elle a peur de se faire virer. Elle a tellement de choses intimes à cacher, de vulnérabilités, parce qu’elle joue un peu une cheftaine. Ce qu’elle n’est pas vraiment. J’aimais bien ce côté-là. Mais c’est le contraire de moi. Moi, je suis fragile à l’extérieur et très forte à l’intérieur et elle, c’est un peu le contraire.
“La danse, c’est du spectacle vivant. Donc ça ne peut pas être remplacé si facilement… Pour le cinéma, moi, c’est plus une peur d’être remplacée par la technique que j’ai pu ressentir.” Charlotte Gainsbourg
Lou de Laâge : Le personnage que j’interprète, Cheyenne, est l’une des meilleures danseuses étoile du moment. Elle est passionnée, assez brutale et a une forte tête. Elle n’est pas du tout dans la séduction, mais elle veut rendre hommage au ballet du mieux qu’elle peut. C’est ça que je trouve d’ailleurs attachant chez elle, cette manière d’être anti-séduction et en même temps totalement engagée. C’est ce qui la rend agaçante et en même temps, on ne peut pas lui en vouloir profondément. J’ai du mal, par contre à voir des points communs entre elle et moi, si ce n’est que c’est moi qui la joue.
Est-ce que vous voyez des points communs entre le monde de la danse, qui, dans la série, séduit moins le jeune public, et celui du cinéma, qui, après le covid, a vu ses salles obscures être désertées ?
Charlotte Gainsbourg : Oui, sauf que la danse, c’est du spectacle vivant. Donc ça ne peut pas être remplacé si facilement… Pour le cinéma, en tout cas, moi, c’est plus une peur d’être remplacée par la technique que j’ai pu ressentir. Ou par un petit écran. On imagine que les gens vont regarder 15 minutes d’un film et puis se lasser. Ce n’est pas la même attention. Ni la même curiosité. Pour la danse, il n’y a pas ce danger-là. Mais plutôt le danger d’être vu comme quelque chose de poussiéreux et d’un peu trop traditionnel peut-être.
Lou de Laâge : C’est dur d’imaginer que l’art vivant se termine totalement. À moins que les êtres humains soient tous éradiqués.
Charlotte Gainsbourg : Il y a bien des hologrammes qui ont été utilisés lors de concerts (rires).
“Le tournage n’était pas seulement physique au niveau du corps. Mais aussi au niveau de la mâchoire. Il fallait arriver à se mettre tout ce texte-là en bouche.” Lou de Laâge
Charlotte Gainsbourg et Lou de Laâge, comment vous êtes-vous préparées pour vos rôles ?
Lou de Laâge : Moi, j’ai fait beaucoup de danse parce qu’en plus, d’autant plus qu’il y a eu la grève aux États-Unis. De trois mois de préparation, je suis passée à neuf mois. Donc, j’ai eu le temps de vraiment pratiquer la danse et de travailler sur le texte aussi. Parce que ce n’était pas seulement physique au niveau du corps. Mais aussi au niveau de la mâchoire. Il fallait arriver à se mettre tout ce texte-là (en anglais) en bouche et à le dire à un certain rythme. Et puis, aussi, arriver à être libre avec tout ça.
Charlotte Gainsbourg : Je ne peux pas dire que j’ai travaillé le côté physique (contrairement à Lou de Laâge qui joue une danseuse, ndlr), mais j’ai travaillé ma mémoire qui est très mauvaise. Je n’ai pas réalisé à quel point Amy (l’une des créatrices de la série, ndlr) allait être à cheval sur les mots. Elle nous l’a dit, mais je n’ai pas pris ça très au sérieux (rires). Avec le rythme qu’elle demandait, j’ai été dépassée les premiers temps. Pourtant, j’avais vraiment appris, mais avec le trac et tout ça… Les premiers jours, je pense qu’ils ont dû un peu flipper. J’ai été sur le texte pendant les neuf mois de préparation de la série. Mais on ne savait pas dans quel ordre on allait tourner les épisodes. Alors, on n’allait pas apprendre le texte comme celui d’une pièce de théâtre.
Étoile, créée par Daniel Palladino et Amy Sherman-Palladino, disponible le 24 avril sur Prime Video.