24 oct 2022

Rencontre avec Marine Vacth à l’affiche du film Mascarade aux côtés de Pienne Niney

L’ex-mannequin, proche de la maison Chanel, Marine Vacth qui a explosé avec le troublant Jeune et Jolie (2013) de François Ozon est devenue l’une des actrices fétiches du cinéma indépendant. À 31 ans, l’actrice subjugue dans l’un de ses meilleurs rôles, celui d’une escort et arnaqueuse au tempérament bien trempé dans la fresque acide et sentimentale Mascarade de Nicolas Bedos, qui sort ce mardi 1er novembre. Rencontre avec une star qui marche sur les pas félins des icônes mélancoliques Isabelle Adjani et Romy Schneider.

propos recueillis par Violaine Schütz.

Marine Vacth à l’Opéra national de Paris, le 24 septembre 2021 par Stephane Cardinale/Corbis via Getty Images

Sa beauté – des yeux verts hypnotiques et l’allure élégante de la Parisienne telle que les Étrangers la rêvent – est aussi tapageuse que sa personnalité est discrète. Absente des réseaux sociaux et rare en interview, Marine Vacth, se dérobe. Y compris même lorsqu’on la rencontre, dans un hôtel parisien. Elle pèse chacun de ses mots, comme par peur de dire une bêtise. Mais si elle se tient éloignée du bruit des mondanités, la Française n’échappe pas au désir des cinéastes.

 

L’ex-mannequin, proche de la maison Chanel, qui a explosé avec le troublant Jeune et Jolie (2013) de François Ozon est devenue l’une des actrices fétiches du cinéma indépendant. À 31 ans, la star vue chez Maïwenn et Cédric Klapisch subjugue dans l’un de ses meilleurs rôles, celui d’une escort et arnaqueuse au tempérament bien trempé dans la fresque noire, virtuose et sentimentale Mascarade de Nicolas Bedos, qui sort ce mardi 1er novembre. Rencontre avec une artiste qui, par son aura nimbée de mystère et son talent brut, marche sur les pas félins des icônes mélancoliques et chic Isabelle Adjani et Romy Schneider.

 

L’interview de l’actrice Marine Vacth

 

Numéro : Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette comédie noire qui prend place sur la Côte d’Azur ? Le rôle de Margot que vous incarnez ? Le casting 5 étoiles (Isabelle Adjani, François Cluzet, Pierre Niney, Emmanuelle Devos…) ? Ou bien l’histoire de ces deux arnaqueurs qui tombent amoureux et montent un coup ensemble pour dérober l’argent d’un agent immobilier et d’une comédienne à la gloire fanée ?

Marine Vacth : Mascarade m’a plu pour toutes ces raisons à la fois. C’est une intrigue incroyablement riche. Chaque personnage et chaque dialogue sont très denses. J’étais intéressée par tout ce que ça raconte [Nicolas Bedos aborde les thèmes de la puissance de l’argent et des faux-semblants, ndlr] et par tous les tiroirs qu’on peut ouvrir. Et puis le personnage de Margot m’a séduite d’emblée. En la découvrant dans le script, je me suis dit que c’était la première fois que je lisais quelque chose de semblable…

 

Le personnage de l’arnaqueuse et escort girl Margot est complexe. Elle est farouche, indépendante, dangereuse, ambiguë, mystérieuse. C’est une femme cassée par la violence des hommes qui ne veut plus se laisser faire…

Ce sont en effet deux femmes, mon personnage et celui joué par Laura Morante (ex-cliente du gigolo incarné par Pierre Niney, ndr), qui tirent les ficelles. Et Margot dit à un moment donné, dans le film, quand elle parle de son plan pour le futur : « Je veux être tranquille avec ma fille sans homme pour nous faire chier. » Mais Mascarade n’est pas pour autant un film contre les hommes ou seulement pour les femmes. Il croise des thématiques de société mais demeure une fiction avec des personnages qui font apparaître et disparaître certains masques et qui s’aiment trop tôt ou trop tard.

 

Le personnage de Margot a été inspiré à Nicolas Bedos par une escort tchèque qui évoluait dans un grand hôtel, quand il était pianiste. Un soir, alors que le bar fermait et qu’elle n’avait pas de client, ils avaient flirté. Avant qu’elle clame que l’amour ne sert à rien. Avez-vous puisé en vous pour construire ce personnage ou avez-vous pensé à des femmes que vous connaissez ?

J’ai plutôt puisé en moi. Je travaille toujours mes films ainsi. Il y a bien sûr des choses qui me nourrissent, des discussions, des films que j’ai vus, des livres lus, des bouts de mon quotidien, des gens que je croise. Mais la fabrication du personnage s’est réellement faite sur le plateau, avec mes partenaires et avec Nicolas, qui a été d’un soutien sans faille. Nicolas est quelqu’un qui aime profondément les acteurs et le fait de jouer la comédie. Et il nous laisse de la place pour imaginer notre personnage et tenter des choses. Il y a de nombreux échanges entre les acteurs et lui au fur à mesure des prises. Il possède une sensibilité très aiguë, et sur le plateau, il se situe dans une vraie urgence de tourner, de faire, d’être présent.

Marine Vacth et Pierre Niney dans « Mascarade » (2022) de Nicolas Bedos

Avez-vous des points communs avec votre personnage ? 

Sur le plateau, Margot est devenue moi et je suis devenue elle. Néanmoins, je ne me suis pas reconnue dans certains de ses traits de caractère. Si on trouve certains points communs avec un rôle, tant mieux, mais au final, ça reste une fiction. Par contre, c’est un peu la même chose pour chaque film mais je crois que les acteurs amènent toujours d’eux-mêmes quand ils essaient de fabriquer leurs personnages.

 

Dans Jeune et Jolie de François Ozon, vous incarniez une femme qui monnaye ses charmes contre de l’argent. Mais la prostitution était un jeu pour elle. Là, chez Margot, il s’agit d’une nécessité pour s’en sortir et s’offrir une meilleure vie… 

Elles monnayent leurs charmes mais tout le monde se monnaye pour un travail. Pour moi, ce sont deux personnages très différents. On peut trouver des échos, des similitudes entre ces deux femmes mais j’ai projeté ma vision de Margot indépendamment de ce que j’avais fait avant au cinéma. 

 

Quand votre personnage débarque en séductrice en robe échancrée sur la Côte d’Azur, on pense à Brigitte Bardot dans Et Dieu… créa la femme (1956) de Roger Vadim et à Anita Ekberg dans La Dolce vita (1960). Certains long-métrages ont-ils nourri votre construction du rôle ?

Je n’avais pas en tête des films iconiques précis avant de tourner. Par contre, en voyant Mascarade, j’ai pensé à de nombreux long-métrages, qui figurent parmi les références de Nicolas Bedos, qui a voulu jouer avec des allusions à un certain cinéma. J’ai pensé à La Main au collet (1955) d’Hitchcock, à La Dame de Shanghai (1947) d’Orson Welles, à Fédora (1978) de Billy Wilder et à Casino (1995) de Martin Scorsese avec Sharon Stone.

Marine Vacth dans « Mascarade » (2022) de Nicolas Bedos

Lors d’une conférence de presse donnée au dernier Festival de Cannes, Nicolas Bedos disait : « Quand on film Marine Vacth, on a l’impression de faire un grand film. C’est ma Romy Schneider à moi ! »…

Je le prends comme un exceptionnel compliment. Romy est l’une des actrices qui me font vraiment quelque chose et qui m’amènent ailleurs, très loin.

 

Dans Mascarade, vous tournez avec Isabelle Adjani, à laquelle on vous a beaucoup comparée à vos débuts. 

On a tourné peu de scènes ensemble hélas, mais heureusement on s’est plus vues hors plateau. Je comprends qu’on aime comparer les nouveaux visages pour les présenter, et pour mieux les comprendre. Isabelle Adjani, c’est quelqu’un qui, comme Romy Schneider, m’embarque dans chacun de ses films. Elle a quelque chose en plus qui m’émeut particulièrement. 

 

Vous jouez souvent une énigme sur grand écran, à part dans le film ADN (2020) de Maïwenn, où vous apparaissez plus terre à terre. Est-ce parce que les cinéastes n’arrivent pas à vous déchiffrer, à vous comprendre ?

S’ils n’arrivent pas à me comprendre, tant mieux (rires). Le film de Maïwenn est très réaliste, donc en effet, ce que j’incarne est quelque peu différent. Je choisis mes rôles pour d’autres raisons que la part de mystère qu’ils comprennent. Alors je dois avouer que ce côté énigmatique qu’on projette sur moi ne m’appartient pas. 

 

« Mascarade » (2022) de Nicolas Bedos, en salle le 1er novembre.